Vendanges ensoleillées à Saint-Pourçain
Dans un contexte difficile pour les filières, la vigne semble tirer son épingle du jeu n’ayant été que peu affectée par la sécheresse.
Il a le sourire jusqu’aux oreilles. Quentin Billaud se souviendra sans doute longtemps de sa toute première récolte. « C’est ma première, et avec ce résultat, j’ai une chance incroyable ». Installé depuis avril à Montord (Earl du Floux), Quentin a repris une partie de l’exploitation familiale. « D’après mon père, c’est du jamais vu en qualité et en quantité. C’est extrêmement motivant. » Jeudi, il amenait sa dernière remorque de raisin blanc à la cave coopérative de Saint-Pourçain avec beaucoup d’enthousiasme. Pourtant, « personne ne s’y attendait avec la sécheresse ». Mais après la mauvaise année 2017, les viticulteurs auront de quoi retrouver le moral. L’année dernière, les vignes avaient souffert d’un terrible épisode de gel à la fin du mois d’avril. Après quelques semaines chaudement ensoleillées, les températures avaient brusquement chuté pour atteindre les -4°C. En dépit des mesures prises par les viticulteurs, l’impact avait été conséquent. « Cette année, l’ambiance a été plus légère, raconte Quentin. C’était même super sympa dans notre CUMA, ce sont toujours des semaines intensives mais extrêmement conviviales ».
« La nature nous a offert une belle surprise, confirme Cédric Bonvin, vigneron indépendant au domaine de la Sourde à Louchy-Montfand. Pour être honnête, quinze jours avant les récoltes, nous étions inquiets : les raisins étaient souples, comme presque vidés… Que s’est-il passé en quinze jours ? Difficile à dire : la vigne a puisé dans ses réserves et nous avons assisté à une montée de jus spectaculaire. Je suis installé depuis 10 ans, dans le milieu depuis 20 ans, je peux dire que j’ai rarement vu une telle association bonne qualité / bonne quantité ». Une bouffée d’oxygène pour les vignerons : « nous allons pouvoir refaire nos stocks ».
Bonne ambiance à la cave coopérative
À la cave coopérative, l’émulation est partagée. « Le travail ne s’arrête jamais. Même si l’ambiance est au beau fixe, il ne faut pas s’assoir sur ses acquis », explique Jean-Michel Ferrier, président du syndicat des viticulteurs de Saint-Pourçain, toujours d’une nature très positive. « Avec la sécheresse, le suivi de la fermentation devra être très soigné et rigoureux ». « Il a fait très sec cet été, confirme Claire Papon, animatrice pour le syndicat des viticulteurs de Saint-Pourçain. Le manque d’eau a asséché les feuilles qui sont tombées ».
Les premiers indicateurs sont très bons
Un taux de sucre, et d’alcool élevés. « La bonne nouvelle, analyse également Cédric Bonvin, c’est que les raisins de Saint-Pourçain sont arrivés à 13,5 voire même 14°C, c’est vraiment un très bon indicateur. Certains collègues sont montés jusqu’à 15°C ».
Le niveau de sucre du raisin dépend de l’ensoleillement, c’est la photosynthèse qui crée les sucres. « Le potentiel de sucre est très élevé. Après ce sera au vinificateur de faire le travail. Il faudra être attentif en fin de fermentation : avec la sécheresse, la vigne n’a pas assez alimenté les raisons en azote. Du coup, les levures risquent de peiner à dégrader et transformer le sucre en alcool ».
Taux d’acidité bas
Autre surprise de l’année. Comme les vins du Sud, l’acidité 2018 est assez basse. « L’acidité est un paramètre sensoriel très important du vin », explique Claire Papon. Un vin à l’acidité trop faible ressortira plat et terne en bouche. À l’inverse, une acidité trop élevée conduira à un vin trop acidulé, agressif, voire aigre. Pendant la vinification, il faudra donc la corriger. La qualité de nos vignerons fera donc le reste. Haut les coeurs. Réservez vos bouteilles de 2018.
Tressallier et AOC, le travail continue
Depuis plusieurs mois, les viticulteurs du Saint-Pourçain travaillent à revaloriser le cépage blanc historique, le tressallier, dans le cahier des critères AOC. Leur objectif : augmenter la part du tressallier dans l’assemblage avec le chardonnay. Après avoir réalisé une étude économique, pour savoir à quelle hauteur les viticulteurs pourront s’adapter, il faut maintenant convaincre. «Nous envoyons des bouteilles à des experts qui goûtent le vin et déterminent si les nouveaux critères peuvent correspondre à ce que le public attend d’une AOC Saint-Pourçain», explique Jean-Michel Ferrier. De plus en plus de viticulteurs travaillent sur ce cépage. C’est dans les tuyaux chez les Bonvin. «Le tressallier, c’est notre identité, analyse t-il. Un gros travail de sélection des vignes et de cave a été fait depuis plusieurs années et par de nombreux viticulteurs pour donner du caractère à ce cépage. Et les résultats sont excellents. Il faut montrer aux gens que ce tressallier est bon et s’améliore chaque année».