Un prototype de la crise agricole
Partout en France, élus et représentants de l’Etat étaient conviés sur des exploitations pour prendre le pouls du monde agricole. Dans l’Allier, cela se passait au Gaec des Moulins à Gannat où Arnaud Cochet, préfet de l’Allier répondait à l’invitation de la FNSEA 03 et des JA 03.
C’est avec une pointe d’humour que le préfet de l’Allier, Arnaud Cochet, expliquait, tout récemment, « préférer venir en visite chez des agriculteurs plutôt qu’ils ne viennent me voir à la préfecture ». Mardi 7 juin dernier, il s’est rendu, dans le cadre d’une journée d’action nationale conjointement organisée par la FNSEA et les JA, au Gaec des Moulins à Gannat. Au menu de la matinée : un exposé détaillé de ce qu’est la situation, des discussions parfois tendues sur les solutions concrètes que les agriculteurs attendent et des interventions des représentants des différentes productions. En somme, un condensé de ce qu’est la crise agricole dans le département.
Dérégulation des marchés et baisse des cours
L’exploitation n’avait pas été choisie au hasard car elle illustre bien les difficultés des productions de l’Allier. Le volet laitier de l’exploitation (1 300 000 litres pour 130 vaches) subit de plein fouet la dérégulation du marché, les 95 hectares de cultures (blé, orge, triticale et maïs ensilé) doivent répondre au défi de la recherche de protéines et à la fluctuation des prix. La face allaitante du département doit, quant à elle, faire face à la baisse des cours. Les Un cocktail explosif et surtout très représentatif que Pascal, Bruno et Catherine Morand vivent au quotidien.
« On est dans un système où il n’y a plus de garanties »
Si le représentant de l’Etat a « bien conscience des difficultés », il livre son analyse : « On est dans un système où il n’y a plus de garanties L’année dernière, nous étions davantage confrontés à une crise du porc, du lait et un peu de la viande. Cette année, le porc va un peu mieux, et la crise s’est accentuée sur le lait et la viande (…) C’est d’ailleurs sur le lait que le ministre de l’Agriculture porte une attention toute particulière ». « Le quoi ? demande Pascal Morand, un brin subversif. Ah ! Le ministre de l’Agriculture, je ne savais pas qu’on en avait encore un ». « Si vous ne connaissez pas le ministre de l’Agriculture, vous savez au moins qu’il y a un ministère de l’Agriculture qui travaille pour vous au quotidien », répond du tac au tac le préfet.
Une équation aux trop nombreuses inconnues
Pour dépasser les généralités, le Gaec avait préparé un exemple simple : « Nous avons monté un bâtiment d’élevage en 2013 dont les annuités s’élèvent à 85 000 euros. Nous avons voulu prétendre à l’année blanche (*) mais pour cela, notre banque nous annonce 45 000 euros de frais ». Dans cette situation déjà complexe, les DDT (Directions départementales des territoires) doivent s’astreindre à déduire la somme du FAC (Fonds d’allégement des charges) volet 1. « Il serait aussi souhaitable que les banques jouent le jeu », insiste Geoffrey Rivaux, président des jeunes agriculteurs de l’Allier. Sur ce point, Arnaud Cochet annonce « la prolongation du délai d’examen jusqu’au 31 décembre ». Cartésien, Patrice Bonnin, président de la Chambre d’agriculture lance : « Vous percevez bien que nous sommes sur une équation où les inconnues sont trop nombreuses ».
« Redonner confiance aux agriculteurs »
Après avoir évoqué les problématiques diverses liées à l’installation, aux retraites agricoles et la filière ovine, Gilles Cabart, président de la FNSEA 03 conclut : « Nous demandons à la France de redonner confiance aux agriculteurs. Nous ne pouvons pas continuer à jouer comme cela avec la nourriture et avec ceux qui la produisent. Il est urgent de trouver un système de régulation. Et, ce n’est pas à nous de le faire ».
(*) Cette mesure, annoncée dans le Plan de soutien à l’élevage français vise à faciliter la restructuration ou l’aménagement des prêts existants permettant de conduire à une année blanche en termes de remboursement de prêts bancaires.