Porc de montagne
«Un cochon s’engraisse avec des céréales pas avec de l’herbe»
Les porcs non contents d’être nés, élevés et abattus en zone de montagne, devraient demain, selon la Commission européenne, être nourris avec des céréales produites en zones de montagne !
professionnels espèrent obtenir gain de cause sur la provenance des céréales car, pour eux, c’est une décision insensée de la part de l’Union européenne
Réunis à Aubière, vendredi dernier, les acteurs de la filière porcs de montagne de toute la France n’avaient pas mis les bonnets rouges, mais ils auraient pu. Leur chef de fil, Georges Champeix, président de l’Association Porc de montagne, n’y est pas allé par quatre chemins pour décrire une situation ubuesque et à terme dramatique pour l’économie de la montagne :
« L’Europe a adopté le 21 novembre 2012 un règlement, qui impose pour les « produits de montagne » que l’alimentation des animaux provienne désormais essentiellement de zones de montagne. La Commission Européenne, qui doit préciser les conditions d’application de ce texte, et en définir les dérogations, envisage d’imposer un taux d’alimentation de provenance montagne minimal pour les monogastriques (dont les porcs)». La montagne, ce grand espace où il est aisé de labourer entre les cailloux, c’est bien connu !
Trêve d’ironie, car le scénario qui se joue pourrait bien condamner éleveurs, abatteurs et transformateurs qui travaillent depuis une vingtaine d’années à l’émergence d’une filière porc de montagne valorisante pour tous les maillons de la filière. « Quinze entreprises ont signé la charte Origine Montagne, l’Etat nous a aidé à travers des programmes de recherche et développement et aujourd’hui, on nous dit que la règle du jeu a changé », mais de qui se moque-t-on, a interrogé Georges Champeix. Pour l’ensemble des professionnels, nous sommes, ni plus, ni moins « en plein scandale financier ».
Du potentiel
La pilule est d’autant plus difficile à avaler que la filière décolle, comme a pu en témoigner Félix Buchat de Cantal Salaisons : «Nous avons fait le choix de commercialiser à 100 % des produits de montagne. Notre chiffre d’affaires a doublé en trois ans. Alors aujourd’hui, on demande juste de pouvoir faire ce qu’on faisait jusque là, car il y a un fort potentiel ». Même analyse du côté du Rhône-alpin, France Salaisons : « l’aménagement du territoire c’est protéger l’existant. Jusqu’à preuve du contraire, en zones de montagne, il y a toujours eu des élevages de porcs, mais pas de culture de céréales ».
L’approvisionnement en céréales en périphérie est historique, selon Didier Raynal, producteur dans l’Aveyron, et vouloir produire de la céréale en montagne est « non seulement impossible, mais cela n’amènera rien en terme de quoique ce soit ».
Pour Benoît Julhes, jeune producteur de porcs, installé dans le Cantal, il est suicidaire de vouloir mettre des bâtons dans les roues, d’une démarche qui génère un fort engouement auprès des consommateurs : « Des plans de développement ont été élaborés, de l’argent a été investi. Il est temps que les pouvoirs publics mesurent les conséquences de l’application d’un tel règlement ». Dès le mois de juin dernier, à l’occasion de la tenue, à Aurillac, du congrès de la Fédération nationale porcine, les professionnels avaient mis en garde le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.
«Le ministre est venu faire des discours à Aurillac, mais derrière il n’a pas fait son boulot, car à ce moment là, la problématique de l’origine des céréales était déjà sur la table», résume Georges Cham-peix, qui avec d’autres, estiment, pour le coup, avoir largement fait le boulot sur le dossier montagne.
Le ministre en accusation
Jusqu’à présent, la règlementation française prévoyait une dérogation pour l’alimentation de 700000 porcs produits en zones de montagne. Les professionnels ont souhaité coupler l’origine «né, élevé, abattu et transformé en montagne», à une certification de conformité produits. Par ailleurs, dès 2010, les accélérateurs de croissance présents dans l’alimentation ont été supprimés. L’association porc de montagne s’est aussi sérieusement penchée, sur le nerf de la guerre, à savoir, la valorisation. Si bien qu’aujourd’hui, les résultats commencent à porter leurs fruits. L’origine « montagne » génère ainsi par exemple, sur un longe de porc, une plus value de l’ordre de 0,38 euro dont 0,25 euro qui revient à l’élevage et 0,13 euro à l’abattage-découpe.
«Nous avons un surcoût de production de 10 centimes d’euros. C’est la raison pour laquelle, nous avons souhaité déclencher une mécanique de valorisation», explique Christian Guy, qui estime, lui aussi, que sur la PAC dont auraient pu bénéficier les producteurs de porcs de montagne, le ministre n’a pas rempli sa mission. Et de s’interroger si toutes ces omissions n’auraient pas été commises à dessein, «pour contribuer à intensifier la production porcine, là où elle est déjà massive».
Au-delà des supputations, la filière porc de montagne se dit en ordre de marche, pour faire plier la Commission européenne.
Une rencontre avec le préfet de Région est prévue prochainement, ainsi qu’un nouveau rendez-vous au ministère. «On ne demande pas des sous, on demande simplement au travers de la loi, de pouvoir continuer à travailler», conclut Benoit Julhes.