« Remettre les sols au centre du dispositif »
Francis Bucaille, agriculteur et agronome autodidacte, est devenu une référence sur le fonctionnement des sols agricoles.
S'il se penche sur les sols agricoles depuis plus de 40 ans, les réflexions sur l'agronomie et l'agriculture de Francis Bucaille sont pourtant de haut vol. Reconnu par ses pairs, cet agronome autodidacte assure avoir dépensé plus en ouvrages scientifiques qu'en tracteurs durant sa carrière d'agriculteur dans la Nièvre où il possédait 600 hectares qu'il vient de céder. De ses années de recherches et d'expérimentations sur le terrain, il a tiré un livre intitulé Revitaliser les sols, publié fin 2020 aux éditions Dunod et préfacé par le biologiste Marc-André Selosse. Tout un programme derrière lequel se cache un enjeu considérable, celui de « remettre les sols au centre du dispositif » pour que l'agriculture puisse continuer à nourrir le monde.
Tracteur et littérature
C'est sur l'exploitation de son père, à la fin des années 1970, que naissent ses premières réflexions sur la vie des sols. « J'ai eu une prise de conscience progressive, reconnaît-il. Il y avait beaucoup de choses qui me posaient question sur les postulats de l'époque en matière de pratiques agricoles ».
Ce littéraire de formation - il a fait hypokhâgne et khâgne - s'étonne notamment de la « baisse paradoxale » de la matière organique dans les sols. « L'idée selon laquelle la hausse des rendements et de la biomasse cultivée, accompagnée d'une augmentation des restitutions au sol, entraîne une hausse de la matière organique des sols s'est révélée fausse, constate Francis Bucaille. Les analyses de sol montraient au contraire un infléchissement ». En esprit libre, il commence alors à se documenter. « J'ai beaucoup travaillé pour comprendre le fonctionnement de l'écosystème des sols », explique ce boulimique de connaissances. Pour compléter ces savoirs acquis dans les livres, il expérimente différentes pratiques dans ses parcelles : semis direct, couverts, non-labour, conservation des pailles... Sollicité pour des diagnostics et du conseil, il voyage aussi beaucoup (Europe, Brésil, États-Unis) et échange avec de nombreux agronomes à travers le monde.