Rats taupiers : “La lutte doit être optimisée par une démarche coordonnée, collective, durable”
Le préfet du Cantal vient de prendre un arrêté qui rend obligatoire la lutte collective contre les campagnols terrestres. Un dossier sur lequel revient en détail Richard Vignon.
Qu’est-ce que l’arrêté de lutte pris ce vendredi apporte comme nouveaux leviers de lutte aux éleveurs ?
Richard Vignon : “L’arrêté d’obligation de lutte permet d’agir sur différents leviers organisant la lutte, y compris en matière de financement. Ce dispositif s’appuie sur les moyens actuellement disponibles pour lutter contre les campagnols. Ces outils présentent certes des limites en phase de pullulation, mais leur efficacité ne peut être écartée. La lutte contre le campagnol doit être optimisée par la mise en œuvre d’une démarche coordonnée, collective et durable. Il faut tout d’abord employer des moyens de lutte en adéquation avec la nature de l’exploitation, en quelque sorte appliquer un traitement basé sur un diagnostic individualisé. Ensuite, se coordonner permet d’avoir de meilleurs résultats qu’en luttant isolément. Enfin, l’ampleur de la pullulation actuelle doit nous faire prendre conscience que c’est en conduisant une action durable que nous nous prémunirons à l’avenir de tels épisodes. C’est en effet au moment des phases de basse densité que tout se joue : en intervenant à ce moment-là, on peut contenir les phénomènes d’escalade car les campagnols se reproduisent rapidement.”
Les dispositifs existants (bromadiolone notamment) restent limités et compliqués à mettre en œuvre à l’échelle collective...
R. V. : “L’arrêté s’appuie sur les outils existants car ils sont à l’heure actuelle les seuls disponibles. Mais encore une fois, il faut insister sur ce point : on peut maximiser l’effet des outils traditionnels en adoptant une démarche collective, seule à même d’assurer la performance de la lutte.” De même, les zones d’estive fortement touchées cette année ne sont pas adaptées aux moyens de lutte classique...
Y a-t-il d’autres pistes envisagées, en lien avec la recherche comme le réclament les éleveurs ? Certains évoquent des mesures d’éradication radicales...
R. V. : “Il n’existe pas aujourd’hui de solutions qui aient des effets immédiats compte tenu de l’ampleur de la pullulation. Forts de ce constat, nous avons entrepris un rapprochement avec les acteurs de la recherche scientifique. Des travaux seront menés pour mieux connaître la biologie du campagnol et mettre au point de futurs outils de lutte. Toutefois, il n’est pas possible d’évaluer le temps que prendront ces recherches. Dans l’attente, il nous faut employer au mieux les moyens disponibles et se préparer dès maintenant pour être pleinement opérationnels dès le retour en densité basse. Quant aux hypothèses que vous évoquez, elles ne sont nullement envisageables. La lutte contre les campagnols doit répondre à un double enjeu : une efficacité optimale certes mais une totale sécurité sanitaire et environnementale.”
Des moyens financiers seront-ils adossés à cette lutte collective ?
R. V. : “L’arrêté de lutte obligatoire permet d’indemniser une partie des dépenses engagées pour la lutte contre les campagnols par l’État, à travers le Fonds de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE). Les modalités de mise en œuvre du FMSE seront précisées dans le cadre des réunions du comité départemental d’évaluation de la maîtrise des populations de campagnol terrestre. Les moyens du FMSE étant limités, ils devront être employés au mieux.”
Les éleveurs pourront-ils compter sur des mesures de soutien exceptionnelles de l’État pour compenser les pertes de récolte de 2015 ?
R. V. : “Les pertes de récolte ont déjà été évaluées pour cette année, dans le cadre du fonds de soutien lié à la sécheresse. Toutefois, j’ai fait connaître au ministère de l’Agriculture les dégâts très importants causés par les campagnols terrestres.”
On entend depuis quelques semaines un peu tout et n’importe quoi sur ce dossier avec des chiffons rouges agités sur la question sanitaire, mais aussi ces fameuses rumeurs sur les lâchers de rats…
R. V. : “Comme c’est souvent le cas dans ce type de situation, l’ampleur du phénomène inquiète, et fait naître chez certains de nos concitoyens des craintes infondées. S’agissant des lâchers de campagnols, il ne me semble pas utile de revenir sur cette rumeur qui ne repose sur aucun élément et aucune explication qui soient connus ni de mes services, ni des personnes qui ont pu la lancer. En revanche, la pullulation des campagnols est un phénomène bien connu sur le plan scientifique. S’agissant de la question sanitaire, le campagnol est porteur, comme de nombreux animaux sauvages, de maladies qui peuvent, dans de rares cas, se transmettre à l’Homme. Il convient donc d’appliquer, ni plus ni moins, les règles d’usage en matière d’hygiène, qui peuvent parfois être négligées : rincer abondamment à l’eau courante les fruits et légumes cueillis, faire cuire le maximum de végétaux (légumes, fruits), se laver les mains soigneusement avant chaque repas, ne pas porter les mains à la bouche en activité de nature (ex : chasse, sports dans la nature…), vermifuger son chat ou son chien régulièrement, selon les prescriptions de son vétérinaire, toujours manipuler les animaux sauvages avec des gants.”
Y a- t-il un risque potentiel de santé publique relatif aux périmètres de captage notamment ? Des dispositions spécifiques sont elles prises par les pouvoirs publics ?
R. V. : “La question de la contamination de l’eau destinée à la consommation humaine est bien sûr prise en compte, même si je précise que les captages et réservoirs d’eau potable bénéficient de moyens de protection qui les rendent a priori inaccessibles aux campagnols terrestres. Par mesure de précaution, j’ai donné des instructions à l’Agence régionale de santé (ARS) pour que des prélèvements soient réalisés et que leur fréquence soit intensifiée. Ces analyses confirment toutes la conformité des eaux aux normes requises pour sa consommation. J’ai par ailleurs sensibilisé les maires à ce sujet, en les invitant à redoubler de vigilance quant au bon entretien des points de captage d’eau.”
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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