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Projet de loi États Généraux de l’Alimentation : pour la FNSEA, le compte n’y est pas

Patrick Bénézit et Eric Thirouin, secrétaires généraux adjoints de la FNSEA.

© Actuagri-SC

Le projet de loi, découlant des États Généraux de l’Alimentation, a été présenté en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, la semaine du 16 avril. Il a fait l’objet de nombreux débats. Près de 2 000 amendements ont été déposés. Cependant, pour la FNSEA, le compte n’y est pas, en l’état, le projet de loi ne modifie pas, ou peu, les relations commerciales. Si l’organisation salue la sagesse de la Commission, qui a privilégié les engagements des acteurs aux interdictions, sur certains aspects de la loi, elle estime que la méfiance l’emporte sur la confiance envers la capacité du monde agricole à s’inscrire dans une démarche de progrès. Patrick Bénézit et Eric Thirouin, secrétaires généraux adjoints de la FNSEA, expriment ainsi leurs réserves sur ce projet de loi.

Comment la FNSEA a-t-elle accueilli le projet de loi et les débats qui se sont déroulés la semaine dernière ?
Patrick Bénézit : À la sortie des États Généraux de l’Alimentation nous étions plein d’espoir. Sur les questions économiques, les rapporteurs des ateliers avaient suivi les préconisations de la FNSEA et nous pensions que les relations commerciales allaient enfin évoluer en faveur des producteurs. La première déception est apparue lorsque le projet de loi a été mis sur la table, il était bien en deçà des recommandations faites à la sortie des ateliers. Le réseau FNSEA/JA s’est alors mobilisé pour interpeller les parlementaires et leur signifier les points de la loi qui étaient trop légers pour avoir un impact. Nos propositions ont été bien portées par les parlementaires. Nous espérions que le passage en Commission économique ferait évoluer les choses, nous avons été surpris que le Chef de l’État et le ministre de l’Agriculture campent sur leur position.
Eric Thirouin : Concernant le deuxième chantier des États Généraux de l’alimentation la FNSEA se félicite d’un certain nombre de points, suite à son examen par la Commission des affaires économiques. Premièrement, au niveau de l’approvisionnement en restauration collective, l’approche locale a été maintenue par les députés, alors que, lors de l’examen du texte de loi par la Commission développement durable elle avait été supprimée. Deuxième point positif, l’interdiction d’utiliser des dénominations animales pour qualifier des produits végétaux, il sera donc interdit, par exemple, de vendre des steaks végétaux. La Commission des affaires économiques a également retenu l’obligation d’indiquer les pays d’origines dans les mélanges de miel et nous nous en félicitons. Concernant le bien-être animal, les amendements, visant à interdire certaines pratiques ou modes d’élevages, ne sont plus dans le projet de loi. Il a également été acté la possibilité d’expérimenter, pendant trois ans, les traitements aériens par drone, dans les vignes ayant une pente supérieure à 30 %. Cela ouvre des portes intéressantes pour mettre en place des démarches de progrès en la matière. Dernier point positif, les parlementaires ont pris en compte notre démarche de Contrat de solutions, en rejetant l’amendement consistant à interdire dans 3 ans le glyphosate. Cependant, concernant les produits phytosanitaires des décisions prises par les parlementaires vont nous créer de nouvelles charges.

Quels points particuliers vous ont déçu ?
P.B. : Concernant les relations commerciales, il y a notamment cinq points sur lesquels nous espérions de plus grandes avancées. Le premier est la construction des indicateurs de coûts de production qui ne doivent pas être soumis à la pression des industriels et des distributeurs. Nous avons actuellement, dans les interprofessions et avec France­Agri­Mer, toutes les informations nécessaires pour construire ces indicateurs de manière neutre. Actuellement, les distributeurs fixent ces coûts de production, et en l’état, le projet de loi ne changera rien et ne permettra pas de construire le prix en marche avant. Je le répète, ces coûts ne doivent pas être un moyen de pression sur le prix payé au producteur. Deuxième déception pour la FNSEA, nous souhaitions que toutes les filières puissent proposer des contrats. Cela est actuellement impossible et ce n’est pas dans le projet de loi. Aujourd’hui, et si le texte de loi n’évolue pas cela continuera à l’avenir, seules les filières soumises à une contractualisation obligatoire peuvent soumettre des contrats. Le troisième point sur lequel nous avons été déçus, est la médiation en cas de litige. Aucun arbitrage n’est prévu si le médiateur échoue. Cela laisse, au plus puissant, la liberté de mettre la pression. Quatrième point de déception pour la FNSEA : l’encadrement des promotions. La loi n’est pas précise quant à cet encadrement sur les marques distributeurs. Enfin, dernier point sur lequel la loi ne va pas assez loin, et qui est d’actualité : la limitation de la concentration à l’achat, chose qui n’est pas présente dans le texte de loi. Il y a quelques semaines Casino, Auchan et Système U, qui représentent 30 % des achats, ont annoncé leur volonté de créer une centrale d’achat.
E.T. : Concernant les produits phytosanitaires, le Gouvernement n’a cédé en rien sur le projet de loi en dépit de notre mobilisation. Un amendement confirme, ainsi, que les promotions sur les produits phytosanitaires seront interdites. Le projet de loi signe donc la fin des achats de morte saison. Les parlementaires ont également acté la séparation de la vente et du conseil. Ainsi, les distributeurs de produits phytosanitaires ne pourront plus conseiller les agriculteurs sur leur application. De plus, les agriculteurs auront l’obligation de faire appel, une fois par an, à des conseillers indépendants. Toutes ces décisions vont générer des surcoûts qui se comptent en milliers d’euros pour chaque agriculteur. S’ajoute à ceci l’interdiction des produits ayant un mode d’action identique aux néonicotinoïdes.

Comment la FNSEA aborde la suite des débats ?
P.B. : Si le texte de loi n’évolue pas, rien ne changera, les relations commerciales n’évolueront pas. Cependant, nous ne désarmons pas, il reste la séance plénière en mai et le passage au Sénat. Nous allons continuer le combat. Il est essentiel de modifier le rapport de force en faveur des producteurs afin que les prix soient rémunérateurs. Nous allons donc poursuivre notre mobilisation.
E.T. : Nous devons absolument réintervenir auprès des parlementaires avant la séance plénière de mai. Il est impensable que les agriculteurs effectuent une transition écologique à coup de charges. Pour trouver des solutions alternatives il faut investir dans la recherche, il faut nous accompagner. Le bon sens n’est pas encore de mise. La mobilisation syndicale doit donc s’accentuer.

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