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Maladie professionnelle
Poumon de fermier : se protéger pour ne plus manquer d’air

Éleveur laitier et allaitant à Anglards-de-Salers, Frédéric Magne apprend à composer avec une pneumopathie d’hypersensibilité liée à l’exposition à des poussières contaminées.

Cécile Vernet a mis en place un suivi avec Frédéric Magne ainsi que des mesures de protection.
Cécile Vernet a mis en place un suivi avec Frédéric Magne ainsi que des mesures de protection.
© © L'Union du Cantal

Ses premiers symptômes, Frédéric Magne les a ressentis adolescent, à 13 ans : essoufflements, fatigue... “Au départ, le médecin a mis ça sur le compte de la croissance”, relate l’éleveur d’Anglards-de-Salers. Mais face à la persistance et l’aggravation des signes cliniques, des examens ont été réalisés et un verdict posé : poumon de fermier. Une pneumopathie d’hypersensibilité provoquée par l’inhalation fréquente de moisissures se développant dans des fourrages ou de la paille stockés insuffisamment secs ; une infection pourtant rare si jeune.

Des épisodes de plus en plus intenses
À la clé pour l’adolescent : un mois et demi d’hospitalisation sous oxygène et cortisone et deux lavages de poumons pour décoller ces poussières déposées sur ses alvéoles et altérant ses capacités respiratoires. “Mon père l’avait eu en 1981 mais lui, c’est passé”, explique Frédéric Magne, qui va être suivi par un spécialiste parisien. Cet épisode va d’abord rester isolé et ne va aucunement décourager le fils de paysan à s’installer en double troupeau (30 montbéliardes et 100 mères salers et aubracs). “En prenant des précautions, il n’y avait pas de raison de renoncer à ce métier”, poursuit l’agriculteur en Gaec avec son père, Christian, et sa sœur Laure. Frédéric Magne croit la maladie derrière lui avant une rechute en 2013 au milieu de l’hiver, la période propice au pic de ces manifestations allergiques. Mêmes causes - l’inhalation quotidienne de ces “aérocontaminants”, des spores et moisissures de poussières lors du paillage de la stabulation et de la distribution du foin - mêmes effets et même traitement (oxygène et cortisone pendant plusieurs mois). Puis de nouveau en 2019 et 2020, avec, à chaque épisode, une accentuation des symptômes. “À chaque rechute, les symptômes s’aggravent, les personnes s’essoufflent de plus en plus, ont du mal à respirer avec, dans la forme chronique, une insuffisance respiratoire”, confirme Cécile Vernet, infirmière au service Prévention et Santé sécurité au  travail  (SST) à la MSA Auvergne et membre de Repran, le Réseau pathologies respiratoires agricoles national (voir encadré).

Les éleveurs laitiers de montagne plus touchés
La maladie du poumon de fermier est de fait plus fréquente dans les zones de production laitière froides et humides (entre 450 et 1 000 m d’altitude) où les hivers et le temps passé en stabulation par les troupeaux sont longs. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi la Franche-Comté(1) et l’Auvergne sont les régions les plus concernées et ce d’autant plus que si la pluviométrie durant la fenaison est probablement l’un des principaux facteurs de risque, l’incidence des cas est significativement corrélée à la densité de campagnols terrestres. Responsables de la présence de terre et d’humidité dans le foin, ces derniers favorisent aussi la prolifération de micro-organismes pathogènes dans les fourrages. Corrélation que Frédéric Magne a lui même constatée ces dernières années à ses dépens. “C’est pendant la phase de stockage que les moisissures se développent (...). Plus on fauche court, plus on est susceptible de ramener de la terre, ce qui produit une quantité d’eau résiduelle importante pendant le séchage. Les moisissures vont ainsi se développer à cause de cette humidité”, expliquait récemment dans le magazine Bimsa le docteur Jean-Michel Lornet, médecin du travail MSA du Repran basé à Besançon, qui invite à repenser ou aménager ses pratiques et installations quand cela est possible (fenaison, stockage, type de pailleuse, de stabulation...).

Gare aux fourrages humides
Le poumon de fermier de Frédéric Magne ayant été reconnu comme maladie professionnelle, il bénéfice à ce titre d’une prise en charge de ses examens et traitements sachant que le préalable est de limiter au maximum l’exposition aux poussières. Raison pour laquelle le Gaec a décidé de construire un nouveau bâtiment à la ventilation optimisée (débord de toiture, ouverture au faitage...) et dont Frédéric finalise l’aménagement intérieur, afin de ne plus avoir à pailler à la main dans l’ancienne étable qui accueillait encore une partie du cheptel.

Paillage “masqué”
Dans la stabulation plus récente, il travaille avec une pailleuse acquise en 2013 lors de sa première rechute ainsi qu’une dérouleuse de bottes. “Quand je paille, j’ouvre les portes de chaque côté du bâtiment et une fois que j’ai fini, je sors du bâtiment et je n’y reviens qu’une fois la poussière retombée”, décrit l’agriculteur, qui s’est aussi renseigné sur un système de paillage humidifiant les bottes, mais insuffisamment pour éviter la diffusion des poussières. Il s’astreint également à changer très régulièrement les filtres à air de ses tracteurs qui fonctionnent toujours vitres de cabine fermées. Accompagné par Cécile Vernet et sa collègue
Amélie Antonicelli, conseillère en prévention au service SST de la MSA Auvergne, avec qui il a identifié les tâches les plus à risques (manipulation des bottes à la main, paillage et distribution de foin), Frédéric Magne projette également de s’équiper d’un valet de ferme, avec une subvention sollicitée auprès de Cap Emploi(2). Pour l’heure, il utilise des masques FFP3 tout en reconnaissant leur caractère contraignant. Il devrait tester l’hiver prochain un autre modèle, à ventilation assistée et transmis par le réseau Repran, avec un filtre placé à l’arrière du crâne et un ventilateur électrique qui diffuse un air sain, filtré. “Si je veux continuer mon métier, il faut que je prenne énormément de précautions et que je me protège”, conclut, pragmatique et philosophe, Frédéric Magne.

(1)  Où près de 10 % des actifs de la filière bovine contractent une pathologie respiratoire chaque année.
(2) Dans le cadre d’une demande parallèle comme travailleur handicapé.

 

Réseau Repran
Le réseau Repran associe des intervenants de proximité : services Santé sécurité au travail de la MSA (médecins du travail, conseillers prévention en risque professionnel, infirmier en santé du travail), les services hospitaliers partenaires, et un pilotage national(1) qui met son expertise au service des agriculteurs, salariés agricoles et soignants en matière de pathologies respiratoires agricoles. Avec plusieurs niveaux d’intervention : améliorer le diagnostic et la prise en charge des malades, contribuer à la formation et l’information des professionnels de la MSA et de santé, faciliter les travaux de recherche...

De plus en plus de cas, jeunes
“Concrètement, je peux être informée d’un cas par un médecin traitant, le médecin du travail ou le médecin conseil, expose Cécile Vernet, qui a intégré le réseau en 2018. Je me rends sur place, vois ce qui peut être préconisé à l’éleveur avec lequel on met en place un suivi ; si nécessaire, j’informe le médecin traitant, j’incite aussi les éleveurs à prendre contact avec le docteur Lornet du Repran. Le cas échéant, si l’éleveur rencontre des difficultés pour obtenir un rendez-vous avec un pneumologue par exemple, on essaie d’accélérer les choses.” Malgré la modernisation des bâtiments d’élevage, l’infirmière recense de plus en plus de cas, touchant un public jeune.
(1) CCMSA, MSA de Franche-Comté, CHRU de Besançon et Asept FCB.

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