« Nous devons nous inspirer de toutes les agricultures »
Jean-Michel Cellier-Courtil est l’un des pionniers de l’AB dans le Puy-de-Dôme qu’il défend depuis près de 30 ans sans décrier pour autant les pratiques conventionnelles.
Rien ne prédestinait Jean-Michel Cellier-Courtil à embrasser la cause de l’agriculture biologique. Pourtant, la conversion de son exploitation en 1989 a fait de lui l’un des pionniers du Puy-de-Dôme en la matière. A cette époque, le bio n’est encore qu’une pratique marginale, « caricaturée à l’extrême » d’après l’agriculteur, à laquelle même les consommateurs ne prêtent guère d’attention. Une suite de rencontres inattendues va amener Jean-Michel Cellier-Courtil à faire la connaissance de cette « nouvelle agriculture ». Encore amateur et face à un avenir incertain, le jeune homme de l’époque tente malgré tout l’expérience. Trente ans plus tard, il ne regrette rien.
L’amour végétal
Jean-Michel rejoint le Gaec familial en 1978. Auprès de son père, il élève des vaches laitières dont la production est valorisée en cru. Des cultures et des vergers complètent l’exploitation. En 1984, ils font le choix d’abandonner les laitières au profit d’un troupeau de Salers. Cependant, ce ne sont pas les animaux qu’affectionne particulièrement Jean-Michel, alors jeune agriculteur. «Mon goût initial c’est le végétal.»
Loin d’abandonner ses premiers amours, il cherche à diversifier ses productions végétales. Par l’intermédiaire d’amis, il fait la rencontre d’un pharmacien qui le conduit à échanger avec les producteurs de plantes médicinales. C’est à cet instant que Jean-Michel découvre l’agriculture biologique pour la première fois.
Construction d’un nouveau système
Sa deuxième et véritable rencontre avec l’agriculture biologique, il la réalise un peu plus tard en rendant visite à l’un des premiers agriculteurs bio du Puy-de-Dôme. « Bruno Rap, à Moissat, est LE pionnier du bio dans le département. Je me souviens avoir été envouté par son approche. J’ai commencé par mettre le petit doigt dans l’engrenage de l’agriculture biologique et puis tout le bonhomme. »
Aujourd’hui, l’agriculteur est en Earl avec son épouse Chantal et deux salariés, Lorick et Sébastien les épaulent. Le troupeau de Salers est devenu un troupeau d’Aubrac comptant 60 mères et un atelier de volailles a été créé en 1992. Trente veaux et bœufs sont vendus chaque année en vente directe ainsi que la totalité des poulets. Les bovins de renouvellement sont vendus à des éleveurs bio et les vaches de réformes au négociant Biovie.
Sur une surface de 260 hectares, l’agriculteur cultive 130 hectares de cultures où 13 espèces différentes (le petit épeautre, l’orge, le blé, le lin, l’orge brassicole, le sarrasin, le tournesol, le sainfoin) composent la rotation. Une partie des céréales est transformée en farine à la ferme et l’autre est vendue à des minotiers.
Bras de fer
Si aujourd’hui l’exploitation de Jean-Michel Cellier-Courtil est régulièrement citée en exemple, cela n’a pas toujours été le cas. L’agriculteur a, pendant longtemps, essuyé le pessimisme de ses confrères. « J’ai été élu à la Chambre d’agriculture durant trois mandats. Cela a été une chance incommensurable. Bien que mes collègues n’eussent pas le même engagement que moi dans l’agriculture bio, j’ai pu faire entendre ma voix et partager mon expérience. » De ces années, l’agriculteur en a tiré une grande fierté, celle d’avoir remporté son pari de marier ce qui paraissait alors éternellement opposé. « Les pionniers de l’AB ont été discrédités parce qu’ils avaient de mauvais résultats sur leurs cultures. Pourtant, ils avaient des idées novatrices pour l’époque. Pendant longtemps, l’esprit collectif a opposé l’écologie et l’économie alors qu’il est possible de les lier. Si nous avions davantage œuvré dans ce sens, nombre d’agriculteurs se seraient posés à l’époque les questions qu’ils se posent aujourd’hui. Nous devons arrêter d’opposer les agricultures mais s’inspirer d’elles. » Jean-Michel continue de faire entendre sa voix, notamment auprès des jeunes et des agriculteurs d’expériences, en accueillant entre autres des journées techniques sur son exploitation.
Mélodie Comte