Michel Lacoste : « Les industriels ont de la marge pour payer davantage les producteurs »
Pour Michel Lacoste, administrateur de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) pour le Massif central, la seconde table ronde laitière du 1er octobre n’a fait qu’apporter de l’eau au moulin des revendications syndicales.
Fin juillet après la vague de manifestations du réseau FDSEA-JA-FNPL relative à la crise laitière, le ministère a décidé d’organisé une table ronde. Trois leviers d’action pour revaloriser le prix du lait avaient été ciblés. Lesquels ?
M.L. : Lors de cette première table ronde, la grande distribution s’est engagée à revaloriser les prix sur les produits laitiers de marque distributeur et les premiers prix. Par ailleurs, grâce à la pression syndicale, des parts de marchés ont été récupérés pour la production française. L’origine « France » a été ainsi promue par les distributeurs. Ces trois leviers devaient permettre de revaloriser le prix du lait à hauteur de 340 euros/1 000 litres jusqu’à la fin 2015, ce qui donnait une moyenne de 320 euros/1 000 litres sur l’année.
Quel bilan peut-on faire de ses engagements ?
M.L. : Il y a des entreprises qui jouent le jeu en faisant des gestes significatifs. Mais trois entreprises : Laïta, Lactalis et Bongrain ne jouent pas le jeu¹. Ces trois entreprises représentent beaucoup de producteurs, leur stratégie constitue souvent une référence. Dans ces conditions, il est difficile de demander une revalorisation du prix du lait à tous, si les leaders ne le font pas. Cette attitude est d’autant plus révoltante que grâce à la pression syndicale, nous avons obtenu l’engagement de la grande distribution, qu’elle a respecté.
On a le sentiment que les entreprises ne font aucun effort en faveur de la production, par contre dans le même temps, elles ont doublé leur résultat.
Pour dénoncer la stratégie de ces entreprises qui s’enrichissent sur le dos des producteurs, nous avons proposé à toutes les GMS d’Auvergne de retirer de la vente tous les produits issus de ces entreprises. Les actions ont démarré, et elles vont continuer si la situation n’évolue pas.
Face à l’urgence de la crise, une seconde table ronde s’est tenue la semaine dernière…
M.L. : La table ronde a confirmé que la distribution joue le jeu. Il apparaît que les transformateurs ont renvoyé une part de la revalorisation aux producteurs, tout en en conservant l’essentiel. Moralité : il y a de la marge pour payer davantage les producteurs, sans pour autant dégrader le résultat des industriels par rapport à 2014.
Toutefois, même si le prix reste trop bas et nous militons pour une augmentation rapide, la table ronde a confirmé que le peu qui a été redistribué aux producteurs a amorti la baisse du prix du lait, notamment par rapport à nos voisins européens.
Quelles sont les perspectives sur le marché laitier ?
M.L. : Nous n’avons pas de perspectives de reprise des marchés laitiers sur la fin de l’année, ni sur le début 2016. La crise est partie pour durer. Le levier pour conserver du résultat pour les entreprises et les producteurs, c’est de valoriser nos produits sur le marché national. Pour le moment, les GMS sont dans cette dynamique, mais nous craignons que si la répartition de la valeur ajoutée entre industriels et producteurs continue à ne pas être équitable, la grande distribution ne maintienne pas ces revalorisations. La balle est aujourd’hui dans le camp des entreprises !
Propos recueillis par S. Chatenet
1. La baisse du prix du lait est de l’ordre de -20 %, avec des écarts significatifs entre les entreprises. Chez les leaders, il plafonne ainsi à environ 305 euros/1 000 litres.