Mener de front désenclavement numérique et physique
Les troisièmes Universités d’été des technologies de l'information et de la communication pour les territoires ont mis en avant ces "Tic" comme un levier pour l’aménagement des zones rurales.
La nouvelle est passée relativement inaperçue dans l’actualité départementale et nationale de la semaine. Pourtant l’information a été officialisée par Bruno Jamet - conseiller spécial du président de France Télécom chargé des relations avec les collectivités locales - lors de la troisième édition des Universités d’été des Tic (technologies de l’information et de la communication) pour les territoires qui se sont tenues à Aurillac : “La fracture numérique est derrière nous !”. Le responsable de l’opérateur historique national n’a d’ailleurs eu de cesse de vanter les performances de la France en la matière : “Depuis un an, la France est passée au premier rang mondial en matière de haut débit”. Et l'Hexagone est l’un des pays les plus compétitifs en matière de prix de l’Internet haut débit : 30 euros mensuels, contre 45 en moyenne dans l’Union européenne et 69 euros outre-Atlantique. La France n’aurait donc pas à rougir en matière de développement des nouvelles technologies, et l’Auvergne encore moins.
L’Auvergne, précurseur
Lors de la première séance plénière de ces universités mercredi, destinées en premier lieu aux élus et collaborateurs des collectivités, le président de la Région a ainsi dévoilé les clés du succès du modèle auvergnat. Engagé depuis 2005, le programme régional en faveur du numérique aura ainsi permis, en moins de quatre ans, de fournir à 99,6 % de ses habitants un accès Internet avec du haut débit. Et les 0,4 % restants bénéficieront des mêmes possibilités de connection grâce à une couverture satellite. Une prouesse que René Souchon explique par la mise en oeuvre d’un partenariat inédit et exemplaire “public-privé” (avec France Télécom) ainsi qu’avec les quatre conseils généraux. Volonté politique, mutualisation pilotée par un chef de file à une échelle pertinente et prise en compte des usages avant les considérations techniques, telles sont les composantes de la recette auvergnate, reproductible selon lui. Les Tic, perçues comme une nouvelle forme d’aménagement du territoire, ont également été promues comme un facteur essentiel au développement des territoires ruraux par les représentants du gouvernement et de la Commission européenne. Selon une publication de cette dernière, un quart de la croissance du PIB européen et 40 % des gains de productivité au sein de l’Union européenne sont à mettre à l’acquis de ces technologies. “Le déclin des zones rurales n’est pas une fatalité à condition de mettre en place une politique d’innovation volontariste. Les Tic permettent de délocaliser les entreprises en milieu rural via le télétravail, la télémédecine, la télébanque... offrant ainsi une nouvelle attractivité à ces territoires”, a affirmé Patrick Bailleux, de la Direction générale de la politique régionale à Bruxelles, tout en regrettant que les crédits du développement rural aient été “accaparés” en France par le secteur agricole aux détriments de l’innovation.
Ne pas perdre de vue les besoins matériels
Cette foi affichée dans le salut apporté aux territoires ruraux par le développement des Tic a cependant été nuancée. À commencer par Vanik Berberian, maire d’une commune de 342 habitants dans l’Indre et nouveau président de l’Association des maires ruraux de France. “Les maires ruraux sont conscients intuitivement qu’Internet, le haut débit comme la téléphonie mobile ou la TNT, sont une nécessité. Mais cela reste encore du domaine de l’abstrait pour nombre d’entre eux, a-t-il analysé. Ce qui importe c’est que les Tic soient développées au plus profond des territoires et pas seulement au bénéfice des premiers de la classe. Et peu importe la technologie mise en œuvre ». Car s’il s’est dit admiratif de l’exemple auvergnat, il n’a pas caché un certain décalage entre le langage utilisé par les experts durant ces deux journées (un lexique aurait d’ailleurs été apprécié...) et la préoccupation d’égale couverture sur tout le territoire national : “On attend de l’État un peu plus d’implication pour atténuez les disparités. Le rural ne peut pas éternellement regarder passer les trains”. Quant à savoir si les Tic peuvent à elles seules servir de politique d’aménagement du territoire, la réponse a été consensuelle. “Il ne faudrait effectivement pas, qu’en permettant l’accès aux services publics à distance, on anticipe leur disparition”, a mis en garde Vincent Descœur, président du Conseil général, co-organisateur des Universités. Et Jacques Mézard, président de la Caba, d’emboîter le pas en déplorant que ce qui est possible en matière de numérique ne le soit pas pour les voies de communication, physiques. Il serait dommage en effet de vendre virtuellement le Cantal partout dans le monde et de ne pouvoir y accéder en “chair et en os”.