Loi Égalim : les pouvoirs publics doivent assurer le service après-vente
Pour le secrétaire général adjoint de la FNSEA, Patrick Bénézit, le gouvernement doit se mouiller, contrôler et sanctionner ceux qui s’affranchissent de la loi Égalim, grande distribution en tête.
Un an après la publication, le 1er novembre 2018, de la loi Égalim (Agriculture et Alimentation), issue des États généraux de l’Alimentation, le ministre Guillaume le reconnaît lui-même : “Le compte n’y est pas.” Et dans les fermes, la revalorisation des prix et donc des revenus n’est pas au rendez-vous. C’est un constat d’échec ?
Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA : “Ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau et on ne souhaite pas jeter le bébé avec l’eau du bain même si, pour l’instant, il n’y a pas de retour dans les cours de ferme. Les dispositions réglementaires qui ont été prises vont dans le bon sens. Le problème, c’est qu’elles ne vont pas assez loin et les pouvoirs publics ont lourdement sous-estimé la puissance des groupes, des quatre centrales d’achat et de certains gros industriels qu’on a en face de nous. Rappelons que nous, FNSEA, avions souhaité que cette loi soit plus directive, notamment avec des indicateurs de coûts de production réels qui soient force de loi. Ça a été refusé par le gouvernement et on constate que c’est quelque chose qui manque aujourd’hui.”
Rapports de force inchangés
Le cadre de la loi est donc globalement favorable, mais son application défaillante en raison de ces contre-pouvoirs ?
P. B. : “ Oui, déjà il n’y a pas de sanctions sur la non-application des EGA. Par ailleurs, les organisations de producteurs (OP) ne s’en sont pas suffisamment emparées : aujourd’hui, en viande bovine, aucune OP ne fixe ses tarifs à Bigard, les choses continuent comme avant. Le rapport de force n’a absolument pas changé, c’est toujours Bigard qui dicte ses prix. Le cadre de la loi ce n’est pas ça ! En lait, il y a eu quelques améliorations mais ce n’est pas encore satisfaisant.”
Vous demandez donc à l’État de jouer les gendarmes ?
P. B. : “On ne peut avoir des pouvoirs publics qui se contentent de dire : “Organisez-vous, on vous a donné tous les outils, débrouillez-vous !” Ce n’est pas sérieux. Aujourd’hui, les quatre centrales d’achat ont une puissance tout sauf neutre. L’État a mis en place des dispositifs, dont le relèvement du SRP (seuil de revente à perte) qui leur est favorable. Le retour, ce n’est pas une petite pub sur un faible pourcentage bien payé et le reste comme avant. On voit bien que le prix rémunérateur au producteur est vendeur. Ça fait partie des attentes sociétales : d’ailleurs, toutes les enseignes font de la publicité en disant que sur tel ou tel produit, les éleveurs sont bien rémunérés. Le problème, c’est qu’on est sur de la publicité mensongère : il n’est pas normal que ces enseignes s’achètent une bonne conduite vis-à-vis des agriculteurs en payant correctement 3 % du lait ou de la viande, et en maintenant leurs mauvaises pratiques sur tout le reste. Là, le législateur peut et doit intervenir. Nous avons aussi interpellé l’autorité de la concurrence sur les regroupements des quatre centrales d’achat. Curieusement, Matignon ne bouge pas sur cette question. On est très très étonnés qu’on laisse encore quatre centrales d’achat se regrouper, y compris au niveau européen, alors que nous, on a toujours des épées de Damoclès sur la tête quant à d’éventuelles ententes entre producteurs !”
Où est passée la caisse du SRP ?
Le fruit de ce relèvement du SRP était censé revenir aux producteurs, qu’en est-il ?
P. B. : “C’est une question qu’on pose à Bercy. Nous demandons une réunion entre les trois ministères concernés sur la transparence des relations commerciales pour savoir où est réellement passé le produit de ce SRP. Il n’était pas question qu’il reste entre les mains de la grande distribution ou qu’il soit redistribué aux consommateurs via des programmes de fidélité.
Il y a deux écoles sur les EGA : ceux qui disent, “ça ne marche pas, il n’y a qu’à tout mettre à la poubelle et on continue comme avant, on laisse ce qui reste aux producteurs”. Dans ce cas, la production continuera à baisser, faute de rentabilité, et les choses iront de pire en pire. Ou bien on se dit, comme nous, à la FNSEA : “Regardons ce qui ne marche pas et faisons en sorte que le législateur agisse pour que ça marche.” On ne tolèrera pas que les choses ne changent pas, ni les discours simplistes qui consistent à dire : “On a tout fait, vous n’avez qu’à vous organiser, si vous ne le faites pas, vous êtes des blaireaux.” On a déjà répondu dans le cadre du Sommet de l’élevage à ceux qui portaient ce type de propos...”
Depuis le début de l’automne, vous avez mobilisé vos troupes à plusieurs reprises. Faute d’avancées, ces actions vont-elles se poursuivre ?
P. B. : “Il y a une mobilisation qui évoque l’ensemble du malaise agricole, le prix comme les distorsions de concurrence en font partie. Tous les départements français ont été en action le 8 et le 22 octobre et cela va se poursuivre.
Nouvelles actions à venir
Rappelons que les mêmes parlementaires qui ont voté l’article 44 de la loi Egalim ont quand même réussi à voter le Ceta. Cet article 44 vise à interdire à la vente toute denrée agricole et agroalimentaire fabriquée dans des conditions interdites en Europe. Ça, c’est la loi depuis un an ! Le Ceta vise lui à faire rentrer de la viande issue d’animaux nourris aux farines animales, avec des activateurs de croissance... L’agriculture française est donc une victime extrêmement forte. On le voit dans les volumes produits, qui sont en train de baisser au profit de l’importation. Ce n’est pas normal que cet article ne soit pas appliqué par les pouvoirs publics. Il faut de la cohérence politique, et ce très rapidement !
C’est pourquoi il va y avoir d’autres mobilisations courant novembre, que ce soit sur les prix, les distorsions de concurrence, et la reconnaissance de ce secteur d’activités auprès des pouvoirs publics. C’est un combat extrêmement légitime.”