Les fromageries à l’heure de la décarbonation
En trois ans, l’usine fromagère LFO de Saint-Mamet a réduit de 40 % son empreinte carbone et de 60 % sa consommation de gaz.
En trois ans, l’usine fromagère LFO de Saint-Mamet a réduit de 40 % son empreinte carbone et de 60 % sa consommation de gaz.
Si la Ferme Cantal s’est engagée avec volontarisme depuis une décennie déjà dans la réduction de son empreinte carbone, via des démarches comme Beef carbon, Life carbon dairy ou encore Green sheep, respectivement pour les élevages bovins viande, bovins lait et ovins, c’est bien l’ensemble des maillons des filières qui sont appelés à décarboner leurs activités. Un enjeu pris à bras le corps il y a trois ans, au sortir de la crise Covid, par l’usine LFO de Saint-Mamet (les Fromageries occitanes, groupe Sodiaal), qui transforme annuellement 130 millions de litres de lait collectés(1) auprès de 250 producteurs en 13 000 tonnes de fromages : du cantal AOP jeune et affiné, ainsi que des fromages à pâte molle et croûte fleurie, type Brie ou tome blanche.
Pour l’euro symbolique
Une activité industrielle particulièrement gourmande en énergie pour maintenir à basse température une matière première sensible tout comme pour affiner dans des conditions optimales les fourmes en caves, avec une capacité de quelque 7 000 pièces. “On s’est engagé depuis trois ans maintenant dans une démarche RSE, notamment en décarbonant notre site”, précise Frédéric Seynaeve, directeur de l’unité agroalimentaire saint-mamétoise depuis sept ans. Avec un timing pour le moins judicieux, précédant la flambée du coût de l’énergie. En remplaçant les systèmes de production de froid par des dispositifs permettant la récupération de chaleur parallèlement à l’installation d’une pompe à chaleur, l’usine a réduit de 40 % son bilan carbone. Sa consommation de gaz, de 20 000 MWh il y a cinq ans, devrait d’ici peu chuter à 8 000 MWh. Certes, cela se fait au prix d’une hausse de sa consommation d’électricité mais somme toute modeste, passée de 13 000 MWh à 14 000 MWh. Le tout pour... l’euro symbolique, confie Frédéric Seynaeve. Grâce à des certificats d’économie d’énergie (C2E) bonifiés, l’investissement de 3,6 M€ consenti pour la récupération de cette énergie “fatale” (dégagement de chaleur associé au système de refroidissement) a été ramené à une pièce d’un euro. Quant au budget de 1 M€ de la pompe à chaleur, il a bénéficié de subventions du plan de Relance et de C2E à hauteur de 70 %.
Et avec, in fine, une facture de fluides réduite drastiquement, se félicite le directeur du site à l’entretien et la modernisation duquel LFO consacre annuellement entre 1,5 M€ et 2 M€. Après la mise à niveau de la Step (station d’épuration) de l’usine finalisée en 2019, ce sont ainsi 2 M€ qui ont été injectés cette année en faveur d’une station de lavage (mise en service programmée début 2025) permettant là encore de réaliser de substantielles économies d’eau sur le site industriel de quelque 2 500 m2. Deux millions auxquels s’ajoutent 240 000 € consacrés à la réfection de la station de saumure destinée au salage des fromages à pâte molle.
D’autres projets, toujours dans le champ de la décarbonation, sont à l’étude, parmi lesquels l’installation d’une centrale photovoltaïque au sol de 1 MW autour du site qui compte au total 60 hectares. Envisagé un temps avec d’autres partenaires, le projet d’une unité de méthanisation a depuis été abandonné, faute d’effluents suffisants pour l’alimenter et de systèmes de distribution de gaz opérationnels alors.
Qualité : retour payant aux fondamentaux
Des investissements payants sur le plan écologique et économique, comme l’ont été ceux enclenchés par le dirigeant et les 250 salariés permanents de l’usine pour renouer avec un haut niveau de qualité des fourmes et cantalets fabriqués à Saint-Mamet. Frédéric Seynaeve ne cache pas en effet que des choix antérieurs, actés dans les années 2010 entre autres pour abaisser les coûts de production et standardiser la fabrication
- comme le recours à l’achat de ferments extérieurs congelés -, avaient impacté négativement la qualité des produits. “On est revenu aux bases”, appuie le responsable de site, qui, avec son équipe, a pris son bâton de pèlerin pour s’imprégner du savoir-faire fromager traditionnel au sein de plusieurs exploitations.
Tout en respectant le cahier des charges de l’appellation cantal, le process de fabrication a été remis à plat pour remonter en gamme. Avec succès puisque, pour la troisième année consécutive, le cantal entre-deux de LFO Saint-Mamet a décroché l’or en février dernier au Concours général agricole à Paris. “Ces médailles, comme les retours positifs des clients, sont une vraie satisfaction, cela redonne de la fierté à tous nos collaborateurs”, fait valoir le directeur.
Ces efforts se traduisent également dans les bons résultats du gradage des cantal qui sortent de l’usine :
90 % du cantal jeune est classé A. Mais, convient le directeur, même si des progrès importants ont été accomplis sur le cantal entre-deux (affiné), “on n’est pas encore au niveau où l’on souhaiterait être”.
La qualité reste donc la priorité des priorités de l’unité LFO, “toujours et encore”, tout comme de se positionner sur des marchés rémunérateurs.
Innovation produits
C’est aussi en ce sens que des essais R&D sont en cours pour la conception de nouveaux fromages à pâte molle qui pourraient être commercialisés en 2025. “La volonté de notre direction générale est de développer cet atelier pour aller sur des marchés valorisés”, expose Frédéric Seynaeve. Des fromages commercialisés dans l’Hexagone mais aussi à l’export et au grand export tandis que la destination du cantal AOP de Saint-Mamet demeure nationale(2) avec une évolution toute récente : la relance de la marque Les Fromagers cantaliens désormais apposée sur une partie des fourmes de cantal, mais aussi sur les saint-nectaire et les salers affinés sur le site LFO de Lanobre. “L’idée est d’avoir une offre plus claire, plus lisible pour les consommateurs sachant que le marché du cantal demeurant essentiellement un marché à la coupe, c’est compliqué d’être
identifiés”, pointe le directeur, en charge également du site de Talizat (voir par ailleurs).
(1) Collecte en recul ces dernières années, reflet de la déprise laitière.
(2) Ce qui explique la part importante de cantal jeune fabriqué à Saint-Mamet, un fromage convenant davantage à tous les palais.