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Les agriculteurs viennent de Mars, les agricultrices de Vénus...

Elles se disent aujourd’hui bien dans leurs bottes mais n’occultent pas les difficultés d’être tout à la fois chefs d’exploitation, mères, gestionnaires de foyer... et de vivre de leur métier.

De haut en bas et de gauche à droite : Brigitte Troucellier, Sylvie Jouve, Nathalie Meironen, Patricia Armandet, Frédérique Ramadier, Florence Raynal et Antoine Canet.
De haut en bas et de gauche à droite : Brigitte Troucellier, Sylvie Jouve, Nathalie Meironen, Patricia Armandet, Frédérique Ramadier, Florence Raynal et Antoine Canet.
© PO

Reprenant le titre du best-seller de l’écrivain John Gray adapté depuis en comédie, Antoine Carret, animateur de l’inter-groupes féminins à Trame(1), a développé sa conception des différences et complémentarités à l’œuvre entre les deux sexes dans l’exercice du métier d’agriculteur : “Les hommes sont dans le champ de la compétence, de la technicité, de la rentabilité, de la performance (Combien t’as d’hectares ?”... ) ; les femmes sont, elles, dans l’humanité, la sécurité, l’ouverture de l’exploitation agricole sur l’extérieur”. Des propos qui ont fait sourire les agricultrices réunies vendredi 8 mars au lycée agricole de Saint-Flour à l’occasion de la journée internationale des femmes. Des femmes agricultrices que la sous-préfète de l’arrondissement, Delphine Balsa, avait justement souhaiter mettre à l’honneur, de concert avec le CFPPA de Volzac et le GVA, via une matinée consacrée à l’évolution de leur place dans le monde agricole.

Chefs d’entreprise avant tout

 

Et si les agricultrices avaient répondu présent, elles ne se sont pas contentées d’être spectatrices des deux tables rondes proposées : au moment du traditionnel temps des questions, les témoignages, interpellations, ont fusé comme rarement, preuve d’un immense besoin de parler de leur condition et d’échanger sur leur parcours, difficultés, mais aussi sur leurs réalisations. Que disent-elles ces femmes agricultrices, chefs d’exploitation en individuel ou associées de Gaec ou EARL ? D’abord qu’elles ne regrettent rien de ce qui pour beaucoup est un choix de vie : “Je travaille avec mon mari sur l’exploitation et je n’ai jamais eu de souci de garde pour mes enfants”, confie ainsi Béatrice Chabanier qui, après avoir exercé comme secrétaire en pharmacie, a repris en 2007 l’exploitation de son époux à Volzac qu’elle a agrandie. Aujourd’hui, elle y élève des chèvres et 160 ovins avec une activité de transformation (fromages et charcuteries) et vente directe. “Quand je dis que je suis agricultrice, je le dis avec fierté, je n’ai aucune honte.” Comme elle, pour Sylvie Jouve, qui élève une vingtaine de mères aubracs à Loubaresse, “l’attachement à la terre a été le plus fort, tout comme la passion de la race aubrac et la volonté de gérer seule une exploitation, de la modeler selon mes valeurs”. Parcours choisis donc ou parfois guidés par la difficulté à trouver un emploi : ce fut le cas de Patricia Armandet qui, après un licenciement, a développé en parallèle de l’élevage salers tradition de son mari et son beau-frère, une activité innovante d’accueil d’enfants à la ferme à Sainte-Anastasie. “L’intérêt pour moi, c’était d’avoir un revenu et une retraite, mais c’est vrai que ce n’est pas évident de tout concilier.”

Trouver des bottes taille 38...

Toutes le soulignent : c’est entre autres sur ce point que le bât blesse. “Ça correspond à ce que je voulais faire mais c’est très dur : il faut gérer une entreprise, mener de front une vie de famille, ça demande beaucoup d’énergie, il y a la fatigue physique mais aussi le stress économique”, relate Nathalie Meironen, qui, avec son mari et un tiers associé, transforme en fromages AOP la production laitière de l’exploitation située à Albepierre-Bredons. Là encore, point de fatalisme pour ces femmes qui s’affichent comme des battantes mais qui verraient bien une réflexion s’engager sur des modes de garde adaptés à leurs horaires atypiques. Se sentent-elles pour autant pleinement intégrées dans leur profession, reconnue par leurs pairs ? Frédéric Ramadier, installée au sein d’un Gaec familial en bovins allaitants sur Coltines, répond par une anecdote : “Quand je me suis installée en 2007, j’avais du mal à trouver des bottes en 38 ou une combinaison qui ne soit pas XXL.” Depuis, les choses semblent avoir changé et les fabricants ont revu leurs modèles : “Je me sens pleinement à ma place, je ne me suis jamais sentie méprisée”, avance Nathalie Meironen. Sentiment partagé par Brigitte Troucellier, parisienne, petite-fille de Bougnats, revenue au pays, installée en élevage salers pur à Saint-Cernin, responsable départementale de l’agriculture de groupe : “J’ai fait ma place même si ça a été un peu compliqué, les JA ont été pour moi une école formidable.” Une vision que tempère Béatrice Chabanier : “Je ne pense pas que nous soyons acceptées à notre juste valeur...” Une juste valeur qui fait aussi défaut à la rémunération de leurs produits, car là où agricultrices et agriculteurs se rejoignent, c’est dans le constat amer “de vivre très mal de ce métier”, comme le relève Florence Raynal, présidente du GVA de Chaudes-Aigues. “J’en suis à me demander si je ne vais pas aller chercher un emploi extérieur”, déclare cette passionnée de génétique aubrac.

 

(1) Trame fédère les réseaux de développement agricole et rural.

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