“L’effet ciseaux” d’une double crise condamne les éleveurs de porcs
Le Cantal compte une centaine d’éleveurs de porcs, touchés par une crise sans précédent. C’est toute une filière qui s’interroge sur son avenir.
Manque de solidarité
Les autorités européennes, nationales, régionales et départementales sont alertées, mais leur soutien s’avère soit nul, soit très en deçà des espérances. Alors que l’Union européenne sait l’excédent européen (de l’ordre de 107 %), Bruxelles refuse de financer l’exportation vers des pays tiers à des prix compétitifs sur le marché mondial... faute de crédits. Elle préconise de ponctionner le marché intérieur et de stocker en attendant des jours meilleurs. Au niveau du gouvernement, le montant de l’enveloppe sensée alléger les charges sociales est qualifiée par la profession de “ridicule” : 2,5 millions d’euros (dont 500 000 euros de prise en charge et deux millions de report). À l’échelle régionale et départementale, la MSA propose d’élaborer un échéancier pour un report de cotisation à taux zéro. Du côté de Groupama, l’assurance propose elle aussi un échéancier qui ne satisfait pas Christian Guy, qui attendait une remise de la prime d’assurance. Il grimace encore en évoquant les pourparlers avec le Crédit agricole. “L’Urpal(1) et la FRSEA ont obtenu un prêt de trésorerie à 3,5 % au lieu des 4,7 % habituellement pratiqués. Ce n’est pas un gros cadeau !”, commente le président de la section porcine, qui relève par ailleurs que la Banque populaire et le Crédit mutuel proposent bien mieux : une année blanche. “Ces deux organismes bancaires acceptent un allongement du tableau d’amortissement d’un an. En Midi-Pyrénées, c’est la banque verte qui a spontanément proposé ce principe. Il est temps que chez nous le mutualisme retrouve ses lettres de noblesse”.
Prêts à jeter l’éponge
En outre, après des rencontres avec divers élus, la FDSEA et les JA du Cantal devaient rencontrer ce vendredi le président du Conseil général pour réclamer que le Département prenne en charge les fameux 3,5 % d’intérêt sur les prêts de trésorerie (à court terme et plafonnés). Enfin, les syndicats demandent à la filière que les reproducteurs qui partent à l’abattoir soient payés au prix du porc charcutier. Chez Jean-Paul Giraudet, le naisseur lui accorde un rabais de deux euros par porcelets et le groupement MC-porc lui assure une ristourne de trois euros sur les frais de transport et logistiques. Jean-Marc Serieys, un autre éleveur de Marcolès, adhérent à la Capp, souligne que la caisse de péréquation de sa coopérative joue son rôle, prenant pour la première fois en compte la baisse de revenu liée au coût des matières premières (et non plus seulement relative au cours du cadran breton qui fait office de référence nationale). Mais bien sûr tout cela reste insuffisant. D’autant que l’élevage de Labouygues vient d’investir 360 000 euros dans un bâtiment et 230 000 euros pour la fabrication d’aliments à la ferme. Et cela va durer... Car les prévisions ne sont pas optimistes. Après avoir vidé les stocks, le prix de l’aliment (fabriqué avec les matières qui ont subi les plus fortes hausses) sera payé encore plus cher dans l’exercice à venir, comme l’explique Patrick Puech de la SA Jambon et fils. De fait, le coût de production au kilo carcasse continuera d’augmenter. Estimé à 1,55 euro entre avril et octobre, il sera de 1,61 euro à partir de novembre. Parallèlement, le prix de vente de 1,33 euro est déjà passé sous la barre des 1,26 euro. “En vendant à perte, les élevages sont menacés, l’installation nulle”, analyse Olivier Molénat, représentant des Jeunes agriculteurs au sein de la section porcine de la FDSEA. “On ne peut pas indéfiniment engloutir ce que l’on gagne sur les bovins pour combler le déficit d’un atelier porcin”, précise Jean-Marc Serieys. “Arrive un moment où l’on coupe la branche malade”, schématise Christian Guy. La situation la plus critique étant celle des cinq ou six éleveurs du département qui n’ont que les porcs pour vivre, et des nouveaux installés qui ont complété l’exploitation familiale en développant un atelier hors-sol. L’information circule déjà que chez nos voisins de l’Aveyron, quatre éleveurs en cessation de paiement ne sont plus livrés par leurs fournisseurs. Un phénomène qui pourrait prochainement se produire dans le Cantal. Pour Georges Champeix, représentant de l’interprofession nationale Inaporc, c’est carrément toute une filière qui risque de jeter l’éponge : “En attendant qu’avance sérieusement le dossier d’IGP, les salaisonniers locaux pourront se fournir à l’extérieur. Mais qui des quatre abattoirs du département qui assurent 54 % de leur tonnage avec des porcs ? En plus des producteurs, ce sont 80 emplois salariés menacés”.