Le sous-sol du Cantal et de l'Ouest Massif central sondé depuis les airs
Le BRGM et la société danoise SkyTem ont survolé le secteur de la vallée du Lot dans le cadre d'une campagne de géophysique aéroportée sur la nature et les propriétés du sous-sol de la région.
Ceux qui ont croisé du regard la semaine dernière ce drôle d'attelage héliporté au-
dessus du bassin d'Aurillac et de la vallée du Lot en ont été quitte pour une bonne liste de questions et suppositions sur la nature de cet objet volant non identifié. Pas de nom de code pour cette opération triennale de géophysique aéroportée diligentée par le ministère de la Transition
écologique sur l'Ouest du Massif central mais des explications, pointues, délivrées vendredi matin sur le tarmac de l'aérodrome d'Aurillac avant un nouveau décollage, par Guillaume Martelet, géophysicien au BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières mandaté pour déployer ce vaste programme de levés de données géophysiques sur la nature de notre sous-sol.
Mieux connaître le sous-sol du Massif central
Quelles types d'informations cherchez-vous à récolter via ce programme ?
Guillaume Martelet : "Ce dispositif de levés aéroporté vise à réaliser des mesures géophysiques : on va embarquer des instruments qui vont nous permettre de sonder, d'imager le sous-sol, sur plusieurs centaines de mètres de profondeur, voire au-delà du kilomètre selon les instruments utilisés. La plupart des questions se concentrent sur la première centaine de mètres du sous-sol mais on peut aussi aller voir plus loin, par exemple pour la géothermie.
Sur ces épaisseurs, on va documenter des variations de certains paramètres du sous-sol, comme l'aimantation des roches ou leur conductivité. Ce qu'on image, ce n'est pas la géologie, ni directement les roches elles-mêmes, c'est leurs propriétés. On va ensuite croiser ces données avec des informations très locales, comme des forages, pour interpréter nos images du sous-sol et en restituer une connaissance géologique. Un peu à la façon d'un IRM. On va ainsi être capable de sortir des modèles 3D de géométrie géologique avec la présence de failles..."
Dans quel but ?
G. M. : "Une fois qu'on connaît mieux la géologie, on va pouvoir mieux répondre à tout un tas de questions sur les ressources en eau, en matériaux, potentiellement sur des ressources minières, mais aussi sur les risques de mouvements de terrain, d'aléas sismiques, sur le potentiel géothermique... Des questions émanant des collectivités locales, des industriels, éventuellement aussi des scientifiques. L'État équipe ainsi la France d'un jeu de données qui devraient permettre d'aider à répondre à toutes ces questions. Aujourd'hui, on ne sait pas exactement où se posent ces questions mais au fil du temps et des questions posées, on pourra ressortir nos données, les réinterpréter selon l'objectif qui nous est assigné. On alimente ainsi une base de données qui va constituer un référentiel valorisé au fil des années."
Un secteur jamais investigué
Pourquoi l'Ouest du Massif central ?
G. M. : "C'est une zone qui n'a en fait jamais été investiguée sur laquelle il y a, comme ailleurs, des enjeux liés à la nature du sous-sol : des enjeux d'aménagement, de recherche de ressources en eau... Nous étions déjà venus l'an dernier sur le Cantal, on y est à nouveau cette semaine pour couvrir le secteur de la vallée du Lot et il n'est pas exclu qu'on y revienne l'an prochain.
Cette campagne de géophysique aéroportée fait-elle appel à des technologies innovantes ?
G. M. : "C'est surtout la façon dont on déploie le dispositif de mesure, suspendu en dessous d'un hélicoptère, qui n'est pas courant et qui nécessite une technologie de pointe, mise au point par une société danoise, SkyTem, leader mondial sur ce type de relevés, sachant qu'il n'existe pas de société de géophysique aéroportée en France... L'intérêt des levés aéroportés est une couverture rapide, continue et homogène de la zone concernée, indépendamment de l'occupation du sol et des contraintes du terrain."
Concrètement, comment ça marche ?
G. M. : "À l'avant de cette sorte de grand anneau, est installé un laser, qui est un capteur passif des variations du champ magnétique. La deuxième mesure fait appel à ce gros dispositif actif (d'un peu plus de 600 kg) qui va générer un courant circulant dans un câble électrique tout autour de l'anneau, un courant pulsé de manière très rapide et qui va générer à son tour un champ magnétique. Ce dernier va se propager, interagir avec le sous-sol, renvoyer un signal secondaire, variable selon la nature des roches et leurs propriétés. On va capter ces signaux à l'arrière de l'anneau, dans l'aileron. Le plan de vol (de l'ordre de 3 heures chacun) prévoit des lignes de vol espacées de 400 mètres chacun, que l'hélicoptère va survoler et on va réaliser des points de mesure de façon régulière tout au long de ces lignes. Cela demande des pilotes aguerris sachant qu'en plus du plan de vol, ils doivent aussi respecter une distance constante entre le dispositif de mesure et le sol, d'environ 50 mètres, ce qui est très bas(1), et ce, quelle que soit la topographie."
(1) Au-delà, certains signaux mesurés s'atténuent rapidement.