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Le meilleur restaurant d’Asie est celui d’un jeune Cantalien

Originaire de Mauriac, à la tête du restaurant doublement étoilé “Odette” à Singapour, Julien Royer n’en finit pas de décrocher les titres prestigieux sans sacrifier à sa simplicité.

Julien Royer, 36 ans, a également imaginé avec son équipe des plats raffinés pour les clients d’Air France en “business” et “première classe” sur les vols Roissy-Singapour.
Julien Royer, 36 ans, a également imaginé avec son équipe des plats raffinés pour les clients d’Air France en “business” et “première classe” sur les vols Roissy-Singapour.
© P. O.

Son restaurant doublement étoilé a des allures de Madeleine de Proust, baptisé du prénom de celle qui a inspiré sa passion pour la cuisine et semé les ingrédients de sa future carrière de grand chef : Odette, sa grand-mère. ­À 36 ans, Julien Royer, originaire de Mauriac, qui a ouvert il y a moins de quatre ans son établissement à Singapour, vient d’être sacré meilleur chef d’Asie. Une distinction attribuée par le classement “Asia’s 50 best Restaurants”, une institution  plus influente encore que les étoiles du Michelin. Et ce sont ses pairs, ­300 chefs, critiques et personnalités du monde de la gastronomie qui ont par leur vote plébiscité les “frenchy”. Une ascension fulgurante pour ce Cantalien formé dans les cuisines de Cortat et qui enchaîne les honneurs : en 2017, il est nommé “Chef of the year” (chef de l’année) pour la seconde fois par le World Gourmet Summit’s Awards ; son établissement, classé à la 28e place dans le World’s 50 Best Restaurants, fait partie du cercle des Grandes tables du monde... Ce qui ne l’empêche pas de cultiver la modestie.

Quels secrets vous a confiés Odette, votre grand-mère et bonne fée ?
Julien Royer : “Le fait de grandir dans un milieu rural a, je pense, pas mal façonné mon goût pour les bonnes choses et pour la cuisine. Venir d’un milieu modeste, où l’on mangeait cependant toujours très bien, m’a aidé aussi, je crois. Ma grand-mère maternelle Odette m’a montré tout le bonheur et toute l’émotion que l’on peut procurer à travers le goût, la cuisine.”

Quel a ensuite été votre parcours de formation ?
J. R. : “Un CAP et BEP à Raymond-Cortat à Aurillac, puis un BTS au lycée hôtelier de Chamalières, avant un passage chez Michel Bras qui m’a ouvert les yeux sur ce que pouvait être la gastronomie ; une formation chez Bernard Andrieux à Durtol (63) puis beaucoup de travail, de voyages et de découvertes : les Caraïbes, les Alpes, Londres, la Polynésie française, Singapour, j’ai toujours eu un peu la bougeotte..­.”


Que retenez-vous de votre passage chez les plus grands : Bras,... ?
J. R. : “J’ai toujours eu la chance de tomber sur des chefs sympas, que j’admirais. On apprend de chacun d’eux des choses différentes. Michel Bras a toujours eu une vision de ce métier unique : l’humain est dans sa maison au cœur du succès, c’est ce que j ai appris à Laguiole. Bernard Andrieux m’a lui transmis de solides bases de cuisine classique et l’amour du goût
et des produits. Antonin Bonnet (Le Quinsou, Paris) m’a appris l’équilibre, la balance des goûts. Frédéric Colin (château de Noizay) m’a enfin initié au côté “business” du métier de restaurateur.”

Pourquoi avoir choisi l’Asie ? Est-ce là que s’invente, s’apprécie la cuisine du XXIe siècle ? La cuisine française est-elle toujours dans la course ?
J. R. : “L’Asie tient un peu du hasard suite a une opportunité professionnelle. Je ne sais pas si c’est en Asie que s’invente la cuisine du XXIe siècle, en tout cas, on y apprend énormément, le niveau est très élevé et on apprend à regarder, à écouter et à être humble.
Quant à la cuisine française, bien sûr qu’elle est toujours dans la course ! Elle n’a jamais été aussi bonne, je pense : il y a une merveilleuse génération de jeunes  chefs en France et nous avons la chance d’avoir une diversité, une histoire et des régions fantastiques ! C’est unique à notre pays.”

Comment définiriez-vous votre cuisine ?
J. R. : “C’est une cuisine française d’ADN, qui s’est petit à petit ouverte sur l’Asie de par la provenances de nos produits (99 % de nos poissons et crustacés arrivent cinq fois par semaine d’Hokkaido, Kyushu ou Fukuoka), par l’esthétique ou par l’apport discret mais présent de saveurs ou agrumes propre à cette région du globe.”

Des plats actuellement à la carte chez Odette ?
J. R. : “Un pigeon au poivre de Kampot. Un Kinki au safran. Un dessert litchee et ichigo (fraises japonaises). Une tarte à la mangue de Myiazaki. Un foie gras traité comme un “pho”(1).

Quel regard portez-vous sur votre parcours et votre ascension fulgurante ?
J. R. : “Je regarde tout ce qu’il y a encore à faire : j’ai 36 ans, je regarde vers l’avant pas en arrière. La beauté de ce métier est que l’on progresse chaque jour, on peut goûter, sentir, toucher de nouveaux produits au quotidien.”

Que faut-il pour être un grand chef ?
J. R. : “De la passion, de la rigueur et beaucoup de sacrifices personnels et de travail.”

On imagine la fierté de recevoir un tel prix... Est-ce que cela s’est déjà traduit sur la fréquentation de votre restaurant ?
J. R. : “L’effet est incroyable, on n’était vraiment pas prêt ! Notre système de réservation s’est “crashé”, on est débordés de demandes en tout genre, nous avons pris trois mois de réservation en 48 heures !”

Envisagez-vous un jour de revenir dans le Cantal, ouvrir pourquoi pas un restaurant ?
J. R. : “J’adore revenir dans le Cantal, on rentrera  en France un jour, c’est certain. Où ? Je ne sais pas.”

Manger “étoilé” est-il forcément synonyme de manger cher ?
J. R. : “Bien manger, manger bon et sain devient de plus en plus cher, c’est un fait.”

(1) Soupe asiatique.

 

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