« Le Gouvernement doit tenir ses engagements »
À la veille du Sommet de l’Élevage (3-4-5 octobre à Clermont-Ferrand), Patrick Bénézit, président de la FRSEA Massif central et secrétaire général adjoint de la FNSEA évoque l’état d’avancement des principaux chantiers engagés.
Alors que la dernière lecture du texte de la loi alimentation, issue des États généraux, devrait intervenir dans quelques jours, êtes-vous satisfait des dispositions qui figurent dans cette loi ?
À ce stade, il y a clairement un sentiment d’inachevé avec un texte dépouillé de son objectif initial de ramener du prix à la production. D’abord, sur le fond, fin juillet, sous la pression du rapporteur de la loi, le député Jean-Baptiste Moreau, la Commission mixte paritaire (CMP) a échoué sur un élément fondamental qui était celui de la référence aux coûts de production qui pourtant avait été acté par les deux assemblées. Depuis, l’Assemblée nationale est revenue sur les indicateurs de coûts production, en excluant que ce soit l’Observatoire des prix et des marges qui puissent les fixer. L’exclusivité de la fixation des indicateurs est donc confiée aux interprofessions. Dans ce cadre, notre inquiétude est simple : que se passera-t-il en cas de blocage de la grande distribution ou d’un transformateur ? En effet, malgré les promesses de Monsieur Moreau, aucun garde-fou, aucune sanction ne sont prévus en cas de désaccords.
À Rungis, le Chef de l’État s’était pourtant positionné en faveur d’une loi permettant aux producteurs de retrouver des marges de négociation…
Nous espérons qu’en dernière lecture, le Gouvernement va sérieusement revoir sa copie, car si la loi devait rester en l’état, elle serait beaucoup trop faible pour changer fondamentalement les choses. Le débat parlementaire est clos puisque les sénateurs ne veulent pas revoir le texte. Les sénateurs se sont, en effet, sentis floués par l’échec de la CMP. Les seules modifications possibles peuvent donc venir du Gouvernement. Le président de la République avait effectivement annoncé une loi permettant légitimement aux producteurs de disposer de leviers de négociations face à des distributeurs tout puissants qui continuent de se concentrer. Non seulement, l’objectif n’est pas encore atteint, mais nous ne comprenons pas comment les nouvelles concentrations des principaux groupes de grande distribution (Carrefour avec System U, Leclerc avec une plate-forme d’achat européenne…) puissent encore être tolérées par l’autorité de la concurrence.
Avez-vous le sentiment qu’encore une fois, il y a deux poids deux mesures ?
Il y a la loi, et il y a les ordonnances qui en seront issues. L’ordonnance sur les prix abusivement bas concerne directement les producteurs. Sauf qu’à l’heure actuelle nous n’en connaissons ni le contenu, ni la date d’application. Pour qu’elle soit efficace, cette ordonnance doit être très stricte et assortie d’une condamnation en cas de manquement.
Que prévoit la loi sur la question des distorsions de concurrence qui a donné lieu à une large mobilisation du réseau FNSEA-JA en juin dernier ?
Les parlementaires ont accepté une de nos propositions sur les importations distorsives (produit dans des conditions non autorisées en France et en Europe, ex bœuf brésilien aux activateurs de croissance). Grâce à la mobilisation de notre réseau FNSEA-JA, le texte prévoit une interdiction des importations de produits alimentaires qui ne respectent pas les mêmes conditions. Nous souhaitons une application rapide. À l’occasion du Sommet de l’Élevage, nous demanderons au ministre de l’Agriculture des engagements clairs sur ce volet. Il devra nous détailler l’arsenal prévu autour de ce dispositif. Enfin, pour ce qui est du deuxième titre de la loi alimentation, nous ne comprenons pas cette volonté de mettre des charges et des contraintes supplémentaires aux agriculteurs.
Stéphane Travert est attendu, le jeudi 4 octobre, au Sommet de l’Élevage. Outre la loi alimentation, sur quels sujets souhaitez-vous l’interpeller ?
Une grande partie du Massif central, comme du reste de la France, est concernée par une sécheresse importante. De nombreux éleveurs puisent dans leurs stocks hivernaux pour alimenter les animaux depuis longtemps. La spéculation sur le prix des fourrages est extrêmement malsaine. À la demande de la FNSEA, le ministre a annoncé l’avance des aides PAC, encore faut-il qu’elle bénéficie à tous les agriculteurs y compris ceux qui sont en contrôle. Par ailleurs, nous demandons au ministre de faciliter l’ouverture des dossiers calamités dans les départements concernés et de procéder au dégrèvement de la TFNB pour répondre aux besoins de trésoreries des éleveurs. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent la dimension de ce problème, parce qu’il en va très nettement de la capacité de production des années à venir. Les éleveurs n’ont pas la trésorerie nécessaire pour acheter la marchandise manquante. Cette année est très révélatrice de la bêtise des dogmes anti-irrigation que nous avons en France. Avec une première partie de l’année très arrosée et une seconde particulièrement très sèche, il est invraisemblable de se poser encore la question de développer l’irrigation ou pas. Nous ne sommes pas un pays où il manque de l’eau, nous sommes un pays qui refuse de gérer l’eau. Outre la sécheresse, nous évoquerons aussi les problématiques sur les emplois saisonniers, la fiscalité et la prédation. Sur ce dossier, suite au groupe national loup de la semaine dernière, nous réclamons la réouverture du plan loup, car celui-ci ne protège en rien les éleveurs mais protège le loup. Nous avons demandé un rendez-vous avec le nouveau ministre de l’Écologie pour obtenir cette réouverture. Nous attendons le soutien du ministre Travert. Par ailleurs, nous sommes strictement opposés à la réintroduction des ours dans les Pyrénées ou ailleurs. Les éleveurs ne comprennent plus cette politique anti-territoire qui doit cesser le plus rapidement possible.
Sur la PAC post 2020, alors que les tractations ont débuté, quel message comptez-vous adresser au ministre ?
Nous souhaitons l’alerter sur le futur budget de la PAC. La France doit défendre un budget ambitieux et tenir ses engagements budgétaires sur les ICHN.
Les appels des militants « végans » à perturber le Sommet de l’Élevage, sont-elles à prendre au sérieux ?
Pour ce qui concerne les menaces de perturbations de certains groupuscules végans, nous avons alerté le préfet de Région, responsable de la sécurité. C’est aux forces de l’ordre de faire leur travail, en cas de renoncement de la puissance publique, personne ne pourra reprocher aux éleveurs de faire un travail qui n’est pas le leur.
La Turquie est l’invitée d’honneur de ce 27e Sommet. Un pays avec lequel les éleveurs français ont tout intérêt à travailler tant leur besoin en viande bovine est conséquent…
Nous avons effectivement la chance de recevoir une délégation de hauts-responsables turcs. Les organisations professionnelles ont milité pour l’ouverture de marché turc aux bovins français. Nous espérons que les échanges seront fructueux et aboutiront à des partenariats économiques durables.