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« Le GNR perdurera dans sa forme actuelle jusqu’au 1er janvier 2023 »

Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA.

© JC Gutner

Reprenant les arguments de la FNSEA, la Commission mixte paritaire (CMP), réunissant députés et sénateurs, et qui examinait début juillet le projet de loi de finances rectificative (PLFR), a supprimé deux dispositions contraignantes pour les agriculteurs. Le PLRF a été définitivement adopté le 12 juillet, sans toucher au texte de la CMP. Luc Smessaert nous dévoile ce qu’il va advenir du GNR et de l’impact de sa suppression pour les exploitations.

La loi de finances rectificative pour 2021 vient d’être adoptée par le Parlement et une nouvelle modification de calendrier est intervenue concernant le GNR : qu’en est-il cette fois-ci ?
En effet, les mesures qui viennent d’être votées modifient une fois de plus un calendrier qui a déjà été bouleversé deux fois, mais la crise économique explique en grande partie ces changements. Du strict point de vue du carburant, le GNR perdurera dans sa forme actuelle jusqu’au 1er janvier 2023, pour les travaux publics comme pour les usages agricoles, en raison des difficultés de trésorerie rencontrées par les entreprises de travaux publics (TP). À compter de cette date, le GNR disparaîtra, entraînant deux changements majeurs : les TP devront être réalisés avec du gazole blanc, et un « gazole agricole » sera créé, coloré comme le GNR, mais taxé dès l’achat à 3,86 €/hl. Ce niveau de Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE / ex-TIPP) est celui que les exploitants agricoles paient aujourd’hui, une fois le remboursement partiel perçu, l’année suivante. Le reste à charge pour l’exploitant sera donc maintenu, il n’y aura donc aucune perte de compétitivité, au contraire.
Ce « gazole agricole » aura ainsi un double mérite : éviter aux exploitants agricoles d’avancer une partie de la taxe qu’ils se font rembourser l’année suivante, mais également éviter les retards dans le remboursement de cette taxe. La campagne de remboursement de TICPE sur les consommations de 2020 vient d’ouvrir (ouverture le 13 juillet ndlr) avec plus de deux mois de retard, et c’est inadmissible. À compter des consommations de 2023, les exploitants agricoles regagneront en trésorerie (environ 1 500 € pour une consommation de 100 hl annuels), et le système de remboursement partiel ne sera maintenu que pour les consommations de fioul lourd et de gaz naturel.

Cette suppression du GNR pour les travaux publics devait s’accompagner de mesures « anti-concurrence déloyale ». Leur mise en place suivra-t-elle le même calendrier ?
Pour re-situer ces éléments, il s’agissait de la mise en place d’un registre de suivi des travaux non agricoles (comprendre travaux publics) réalisés par les exploitants agricoles, afin de s’assurer que le carburant utilisé pour ces travaux avait été taxé au juste niveau. Avec la suppression du GNR, les travaux publics devront être réalisés avec du gazole blanc, et les travaux agricoles avec du gazole agricole. Les factures d’achat des différents carburants seront donc les seules preuves irréfutables et suffisantes de la bonne foi des professionnels. Je dis « professionnels » car cela vaut aussi bien pour une entreprise de travaux publics qui ira faire des travaux agricoles (avec du gazole agricole), que pour un exploitant agricole qui ira faire des travaux publics (avec du gazole blanc). Il s’agit dans les deux cas de professionnels, qui réalisent ces activités de manière tout à fait légale, et qui se côtoient au sein d’un marché concurrentiel, mais en travaillant avec la même règle : « un usage, une taxation », quels que soient la forme et l’objet social de l’entreprise. Ce qui aurait anti-concurrentiel, c’eut été de faire peser sur les exploitants agricoles uniquement (et leurs donneurs d’ordre), l’obligation de tenue d’un registre (sous peine d’une amende de 10 000 €), pour la simple raison qu’ils réalisent également, et légalement, des travaux non agricoles ! Les parlementaires ont pris conscience de ce problème, et ont donc supprimé cette mesure.

Il était également question d’une liste de matériels non éligibles, par nature, au gazole agricole. Cette mesure a-t-elle subi le même sort que le registre ?
En effet, cette mesure a également été supprimée par les parlementaires, qui en ont finalement perçu le caractère injuste. Il était ici question d’établir une liste de matériels jugés « non agricoles » par nature, donc non éligibles à consommer du gazole agricole. Et ce, quand bien même l’exploitant agricole prouverait qu’il en a un usage strictement agricole ! La règle de droit européen concernant la taxation du carburant est simple : un usage, une taxation. Le législateur ne doit donc pas s’attacher à la personne qui a cet usage, ni au matériel utilisé, pour peu qu’il s’agisse d’un usage agricole et non routier, évidemment. Cette règle est avant tout un gage d’équité : le tracteur d’une entreprise de travaux publics pourra rouler au gazole agricole chaque fois qu’il sera utilisé pour des travaux agricoles. De la même manière, le tractopelle ou la grue d’une exploitation forestière continueront de consommer du gazole agricole dès lors qu’ils seront en usage agricole ou forestier.
Cette liste, en plus d’être un véritable casse-tête à établir, en raison de la multitude d’usages des matériels que l’on retrouve sur les exploitations agricoles et forestières, aurait été un non-sens juridique grave.
Nous réaffirmons donc une nouvelle fois notre confiance dans les contrôles opérés par les services des douanes, et si des abus sont constatés, ils doivent être sanctionnés. Mais en aucun cas la profession tout entière ne doit en pâtir par de telles mesures à l’emporte-pièce, alors que l’arsenal juridique actuel se suffit à lui-même !

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