Portrait
Le combat pour un territoire vivant
Avec André Valadier, l’Aubrac terre de mémoire s’est mobilisé pour une nouvelle aventure.
André Valadier est né en 1933, sur ce territoire auquel il va consacrer sa vie militante. Il est issu d’une famille d’agriculteurs. Son enfance a été bercée de cette vie rurale, faite de labeur, de temps difficiles, où il faut assurer le quotidien. Il faut naître «résistant» pour s’ancrer sur ce rude plateau, chargé d’histoire, riche de sa tradition d’élevage et de l’artisanat qui la complète. Dès ses 14 ans après l’école primaire, il choisit de prendre le relais de ses parents.
Confronté rapidement à la réalité économique de son territoire, il se met au service des autres pour enrayer le déclin d’une filière lait en perdition. Fort des valeurs héritées de son père, efficacité au travail, rigueur morale et opiniâtreté, il crée, en 1960, avec quelques autres aventuriers la coopérative «Jeune montagne» et organise la collecte du lait. À l’époque de l’intensification des rendements, il affirme que sur un territoire comme l’Aubrac un renouveau est possible en s’appuyant sur les éléments d’un patrimoine, qui étaient vivriers à l’origine. «Pour vivre sur l’Aubrac nos aïeux ont inventé un fromage qui permettait de conserver le lait. Avec l’aligot on rendait comestible le pain dur et le fromage qui avait dépassé les limites. On les remettait ensemble, on les faisait cuire et ça devenait un plat de subsistance. Le couteau c’était un outil indispensable à l’élevage et on utilisait la corne des vaches pour en faire le manche».
Dans le monde actuel ces produits locaux ne sont plus des besoins, ils sont devenus comme le dit André Valadier : «des désirs, restés très près de leur réalité environnementale et cohérents par rapport au territoire, les gens de l’Aubrac s’y reconnaissent». Il a fallu beaucoup de détermination pour introduire en Aubrac une race fromagère montagnarde (la Simmental) et pour imposer l’aligot à la grande distribution. C’est aujourd’hui un plat qui «file et défile dans toutes les régions de France».
Président pendant 40 ans de la coopérative Jeune Montagne, élu à de nombreux mandats, il a partout témoigné de son engagement pour son territoire. Maire de La Terrisse, conseiller régional Midi-Pyrénées pendant 18 ans (chargé de l’agriculture), président du comité national des produits laitiers à l’Inao, créateur de l’Irqualim, président de l’AOC Laguiole, membre du bureau de l’association de défense de l’appellation Laguiole et Aubrac, il est toujours président du syndicat des communes de l’Aubrac co-fondateur du projet de parc régional de l’Aubrac.
Un parcours jalonné de responsabilités
Comme il aime à le dire : «je me suis toujours appuyé sur les organismes, les associations, les collectivités, qui ont constitué les vrais socles de réflexion, d’initiatives et d’action». La réussite du territoire de l’Aubrac, sa mise en avant des valeurs, avant celle des produits, intéresse bien au-delà des frontières et André Valadier est très souvent sollicité pour des interventions à l’étranger (Canada, Norvège, Afrique…) Ayant passé le relais dans de nombreux domaines, il n’abandonne pas son territoire et il dit : «j’arrive au bout du chemin et mon engagement d’aujourd’hui me ramène d’où je suis parti, au plus près de mon territoire, de mes racines, de mon lieu de vie et il s’exprime à travers le projet de parc naturel de l’Aubrac.
Lancée en 2002, l’idée du parc avance doucement, mais les partenaires institutionnels ont pris position et je souhaite par dessus tout que cet espace, auquel je suis très attaché, reste un espace de ressources et un territoire acteur, en lien direct avec les éléments qui constituent la spécificité du territoire. Le minéral, l’animal et le végétal sont acteurs et sont mis en valeurs. Il faut faire du sur mesure plutôt que du prêt à porter. Pour réussir il faut parfois être hors la loi : c’est ce qui est arrivé avec «Jeune montagne» et si nous n’avions pas fait cela il n’y aurait pas aujourd’hui ce magnifique outil qu’est la coopérative».
Lorsqu’on demande à André Valadier quels sont les engagements qui ont le plus marqué sa vie, il répond sans hésiter : «ceux qui ont eu le lien le plus fort avec le territoire, c’est le conseil régional et l’Inao. Ce sont des structures où je suis resté longtemps. Un mandat c’est trop court et le fait d’avoir la tête toujours plongée au fond de l’urne, vous place dans une situation de court terme, qui n’est pas propice à l’émergence d’un projet de territoire. C’est à partir de ces deux instances que j’ai pu faire véritablement vivre notre projet pour l’Aubrac.»
Nanti d’un bagage léger «l’homme de l’Aubrac» s’est vite chargé, par ses lectures, son travail, ses responsabilités et ses projets, d’un bagage extraordinaire qui fait de lui un personnage emblématique. C’est l’homme du développement local et de la réponse d’un territoire, qui a su utiliser ses atouts naturels pour avancer à son rythme et trouver une place exemplaire dans un monde où tout pousse à l’uniformité.