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La ruralité revendique son droit à un minimum d'artificialisation

S'ils partagent l'ambition de sobriété foncière de la loi Climat et résilience, les élus cantaliens et leurs sénateurs réclament une adaptation territoriale au Zéro artificialisation nette.

La consommation foncière progresse davantage que celle de la population en France.
La consommation foncière progresse davantage que celle de la population en France.
© Adobe stock

Ne pas déshabiller Paul pour habiller Jean, ou en matière d'artificialisation des sols, ne pas faire des zones rurales les victimes expiatoires des excès de l'étalement urbain des grandes métropoles, agglomérations et autres zones littorales. C'est en substance la croisade engagée par un groupe transpartisan de sénateurs et l'Association des maires de France (AMF), des élus qui plaident depuis des mois et la promulgation de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, pour une adaptation territoriale de son article 194 qui introduit le principe du "zéro artificialisation nette", alias ZAN. Un article et ses décrets d'application pris "dans la précipitation, sans étude d'impact et selon un calendrier irréaliste", estime l'AMF dont le relais cantalien organisait jeudi dernier une conférence à destination des maires et présidents d'EPCI, conférence co-animée par le sénateur LR Sautarel et son homologue vauclusien Jean-Baptiste Blanc (LR), co-auteur d'une proposition de loi (PPL) prochainement examinée (le 14 mars) et dont la pierre angulaire est la création d'un droit à construire minimum, une surface garantie pour chaque commune sur la période 2023/2033.

D'accord sur l'objectif pas sur l'uniformité, ni la méthode
D'emblée, Christian Montin, président de l'AMF 15, précise qu'en aucun cas il ne s'agit pour les élus ruraux de se soustraire à l'exigence de sobriété énergétique : "Il n'y a pas un seul maire du Cantal qui ne soit soucieux de l'avenir de son territoire, de l'enjeu climatique et environnemental, mais si on leur avait demandé la hiérarchie de leurs préoccupations, je ne suis pas sûr que l'artificialisation des terres arrive en tête ; on n'a pas le sentiment d'avoir été des dévoreurs d'espaces les années passées et aujourd'hui, on demande une application raisonnée de cette mesure dans nos territoires, une application qui n'interdise pas le développement de nos communes." Il en va pour le maire de Marcolès, commune qui n'a pas ménagé ses efforts depuis plusieurs décennies pour attirer des habitants, d'une équité territoriale et, pour Stéphane Sautarel, d'un enjeu essentiel pour la reconquête démographique du Cantal.
Équité que bafoue selon les élus locaux la loi en l'état. Cette dernière vise en 2050 "l'absence de toute artificialisation nette des sols", le fameux ZAN, avec un objectif intermédiaire :  réduire de moitié le rythme de la consommation d'espaces dans la décennie (2021-2031), avec, et c'est là l'un des reproches majeurs faits au texte, une application uniforme partout en France. Selon une gouvernance et une méthode descendantes que rejettent l'AMF et les  sénateurs mobilisés autour de la PPL de Jean-Baptiste Blanc : cette trajectoire doit en effet être intégrée dans les documents de planification régionale dans un délai de deux ans (via les Sraddet(1)) puis dans les Scot(2) et les PLU(i)(3) d'ici 2026 et les cartes communales (2027). "On ne remet pas en cause les objectifs du ZAN mais on dit non à cette méthode, on demande plus de temps, de souplesse, des garde-fous et qu'on fasse confiance aux élus que nous sommes", plaide le sénateur du Vaucluse, chargé en amont d'une mission conjointe de contrôle sur la loi.

Un hectare minimum garanti
Ce dernier illustre l'impasse d'un tel schéma pour un maire ayant, par exemple, le projet d'accueillir un couple pour sauver son école, ou de construire une salle polyvalente, et qui n'aurait pas réussi à se faire entendre de sa communauté d'agglo et du bloc régional. "Il a l'impression d'être le grand perdant du ZAN", affiche Jean-Baptiste Blanc, qui propose un "premier filet de sécurité" via un hectare minimum garanti sur dix ans. "Ça peut paraître peu mais ce serait déjà une avancée majeure", commente Stéphane Sautarel. En l'état, ce sont ainsi 32 000 ha qui pourraient être artificialisés en France d'ici 2031.
Second filet de sécurité : "la part réservée à la ruralité". Il s'agit de consacrer une enveloppe foncière dans les Scot (de l'ordre de 10 à 20 %) aux projets d'intérêt territorial, en abondant de façon mutualisée les enveloppes d'artificialisation des communes porteuses de ces projets, lorsque leurs enveloppes propres ne suffisent pas.
La PPL plaide en outre pour la création d'un "compte foncier national" spécifique pour éviter que la consommation foncière liée à de grands projets d'intérêt national (comme le parking du Brexit dans les Hauts-de-France...), ne vienne amputer le droit de tirage alloué aux régions et Scot.

"Faites confiance aux élus..."
Les sénateurs veulent aussi modifier les règles de gouvernance : pas question que "l'État et les Régions soient les seuls à la manoeuvre". Aussi, ils demandent l'instauration d'une conférence régionale annuelle du ZAN, associant davantage les communes et intercommunalités, leur permettant de suivre les trajectoires du ZAN et de formuler des avis sur certaines décisions (modification du Sraddet, grands projets, projets mutualisés...).
Quid des chances d'adoption de cette PPL ? Comme ses collègues, Stéphane Sautarel se dit confiant, le gouvernement ayant "fait savoir qu'il était preneur de cette proposition de loi car il a bien compris qu'il y avait des blocages". Certes, tout ne sera peut-être pas obtenu, mais "ce travail va aboutir", veut croire le parlementaire. D'autant, souligne Bernard Delcros, "que tous les groupes du Sénat sans exception sont derrière cette PPL". Réponse le 14 mars.

(1) Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire.
(2) Schéma de cohérence territoriale.
(3) Plan local d'urbanisme (intercommunal).

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