La FNPL veut reconquérir 1 milliard de litres de lait perdus ces 5 dernières années
"La filière laitière française : force économique et force pour nourrir la planète ?" tel était le thème de la table ronde proposée lors des 4e Assises de la FNPL les 11 et 12 décembre dernier au Puy-en-Velay. Un congrès riche en échanges et en interventions.
"La filière laitière française : force économique et force pour nourrir la planète ?" tel était le thème de la table ronde proposée lors des 4e Assises de la FNPL les 11 et 12 décembre dernier au Puy-en-Velay. Un congrès riche en échanges et en interventions.
Un contexte international instable, une demande mondiale en lait et en produits laitiers en augmentation, une production qui devrait baisser sur une grande partie de l'Europe, un commerce mondial moins dynamique et un prix du lait en phase de stabilisation, telles ont été les perspectives dressées par Benoît Royer, économiste au Cniel juste avant l'ouverture de la table ronde organisée lors des Assises de la FNPL le jeudi 12 décembre devant congressistes et invités. Les 4 intervenants, chacun dans leur spécialité, ont rebondi sur ces éléments de contexte et les enjeux de la filière à horizon 2050.
Lait : enjeu social, politique et économique
Matthieu Brun, directeur scientifique de la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (FARM), est revenu sur une bonne nouvelle pour les producteurs de lait : la croissance annoncée de la population mondiale d'ici 2050 qui s'accompagnera d'une augmentation de la demande en produits agricoles et d'origine animale (+45%) et principalement localisée en Inde, en Asie du Sud-est et en Afrique. Or, pour répondre à cette demande,
"pas question d'un repli sur soi ; Il va falloir faire du commerce. Le lait, essentiel à la sécurité alimentaire, va faire l'objet d'une très forte demande avec une croissance de la consommation qui va beaucoup plus vite que la production. Le lait est et sera un enjeu social, politique et économique".
Partout dans le monde, les pays font le pari de développer une production locale, c'est pourquoi Matthieu Brun invite les acteurs de la filière à s'engager dans une réflexion euroméditerranéenne (en direction de l'Afrique), à la fois pour répondre à leur demande et investir dans leur production locale.
Danone : "la France reste un territoire d'avenir et d'ampleur"
Chez Danone France, le directeur lait, Jérémy Vandenbroucke confirme que "la France reste un territoire d'avenir et d'ampleur" pour son entreprise qui s'est récemment réengagée sur son territoire pour 100 millions de litres supplémentaires... "Toutefois, nous avons aussi des besoins d'exportation. Nous devons définir notre modèle de demain avec les producteurs et les industriels car pour nous, le lait c'est le sang, les usines c'est le cœur ; on doit travailler ensemble".
Plus d'Europe, mais moins normative et plus incitative
Peut-on inverser la courbe d'évolution à la baisse de la production de lait en Europe ? Question cruciale sur laquelle Franck Sander administrateur FNSEA s'est montré plutôt optimiste mais seulement à certaines conditions. Si les perspectives mondiales sont positives, "le monde agricole européen doit être en phase et disposer d'une ligne commune à Bruxelles en vue de la communiquer auprès de nos décideurs". Pour ce responsable, l'avenir c'est "plus d'Europe, mais moins normative et plus incitative" ; Il préconise de se préoccuper davantage du marché, en le régulant, et d'instaurer des clauses miroirs au niveau commercial. Sur ce dernier point, l'ancienne députée européenne, Irène Tolleret, se montre favorable à la convergence législative "en prenant les lois qui fonctionnent là où elles existent".
"Il faut que l'on porte un message simple auprès des législateurs : est-ce que la loi contribue à améliorer le revenu des agriculteurs ?".
Elle encourage les responsables syndicaux à se rapprocher des parlementaires les plus influents pour faire du lobbying. Une pratique bien comprise par le réseau FNSEA-JA qui reste conscient de la nécessité de porter une voix forte à Bruxelles "et dont la pression syndicale a concrètement fait bouger les lignes en 2023" rappelle F. Sander.
Fiers d'être éleveurs laitiers et syndicalistes !
Le président de la section régionale laitière de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, Stéphane Joandel, a conclu cette table ronde en ouvrant sur la prochaine grande échéance : les élections à la chambre d'agriculture.
"On a un syndicat de solutions. Au sein de notre réseau FNSEA et FNPL, on a fait nos preuves, c'est à vous d'être force de propositions et de bousculer nos législateurs. Soyez fiers d'être éleveurs laitiers et syndicalistes !".
Les discours de clôture ont donné la parole à Yohann Barbe, président de la FNPL (voir encadré), à éric Richard, président de la section lait de la FDSEA 43, qui ont organisé avec brio ces 4e Assises avec le groupe lait JA, à Annie Gennevard Ministre de l'Agriculture du gouvernement Barnier et deux parlementaires de Haute-Loire fervents défenseurs de notre agriculture (Le sénateur Duplomb et le député Vigier).
Zoom sur...
Yohann Barbe : "notre lait a un prix"
"La censure du budget 2025 nous a mis devant une impasse ; cela représente une mise à zéro inacceptable. Pourtant les engagements budgétaires sont indispensables à la pérennité des exploitations. Remettons vite nos parlementaires au travail ! La priorité du nouveau gouvernement et des parlementaires devra être l'agriculture".
"Nous avons perdu quasiment 1 milliard de litres de lait sur les 5 dernières années en France, et notre ambition, au sein de la FNPL, est de les reconquérir car nous risquons de perdre notre capacité à transformer nos 24 milliards de litres de lait. Nous sommes en capacité de le faire. Mais notre lait a un prix et la loi Egalim doit nous permettre de gagner notre vie. Dans les prochains jours, nous vérifierons d'ailleurs si la loi est respectée". Alors qu'en zone de montagne, certaines entreprises privées, orientées à quasi 100% sur le marché national, proposent des prix attractifs aux éleveurs, Yohann Barbe rappelle que sur 10 litres de lait produits en France, 4 litres sont exportés, "ce qui fait partie de la richesse de la France et induit la nécessité de s'appuyer sur de grands industriels qui pratiquent l'exportation et permettent d'écouler ce lait liquide. Dans le même temps, nous manquons de matière grasse, ce qui nous conduit à écrémer énormément de lait et à vendre le petit-lait (sous la forme de poudre de lait)".
Yohann Barbe a évoqué deux sujets qui font grincer des dents : les points de blocage actuels au sein du Cniel, concernant l’actualisation des indicateurs de coûts de production et de prix de revient, ainsi que l'abandon de 270 producteurs (450 millions de litres) par Lactalis sans aucune indemnisation. Des dossiers qui mobilisent activement les services de la FNPL et sur lesquels elle attend des réponses et des avancées.
Il a terminé son discours en invitant les agriculteurs à voter "le bon sens, dans le bon sens" dans un mois, lors des élections aux chambres d'agriculture.