La Femme du Barbu : le renouveau de la cuisine française mijote à Malbo
Malgré les confinements, le bouche-à-oreille a fait son oeuvre depuis le village perché de Malbo pour vanter l'accueil et la gastronomie distillés avec générosité par Julien et Victoria
Il y a des lieux comme des terres qui semblent n'attendre que ça :
un talent humain qui saura les valoriser à la hauteur de leur potentiel. Un peu comme Excalibur et son roi Arthur. Dans le village de Malbo, gardien perché de la secrète mais magique vallée du Siniq, c'est une auberge en sommeil qu'un jeune couple de restaurateurs a réveillée. Deux routes que rien a priori ne devait faire se croiser mais "le hasard n'avait pas sa place", confient Julien Ayral, alias le barbu, et Victoria, sa femme, qui ont ouvert il y a tout juste deux ans leur "restaurant de ville" dans ce petit village du Cantal. Ce jour-là, le 16 mars 2020, "on a servi notre premier et dernier repas de la saison", se souvient le chef, dont l'élan a été coupé net par le Covid. Fermé une poignée d'heures après avoir été étrenné, leur restaurant "Le Femme du Barbu" aurait pu boire la tasse et ranger définitivement les couverts. Mais Victoria et Julien n'avaient pas tout plaqué à la Rochelle et trouvé leur Graal ici en terre volcanique pour abandonner à la première pandémie mondiale venue.
Au nez et à la barbe du confinement
"On s'est retourné très vite, on n'a pas eu le choix, relate Julien, dont les frigos étaient alors pleins. On a vendu de la charcuterie, j'ai fumé des magrets, on a sorti une table devant le restaurant le jour de l'élection (municipale) pour faire partir le maximum de produits..."
Et dès le week-end suivant, le couple proposait des menus à emporter. Le début du succès en plein confinement ! "Ça a cartonné, on faisait entre 100 et 120 menus par week-end. C'était l'unique sortie des gens, il y avait des files d'attente... C'est ce qui nous a fait connaître autant des locaux que des Marseillais, Parisiens... nombreux en résidence secondaire", se félicite le duo, qui a recueilli le fruit de cette initiative dès le confinement levé en bénéficiant du "premier réseau social des montagnes" : le bouche-à-oreille, s'amuse le chef, qui fait partie des révélations 2022 du Gault et Millau.
L'été 2020 a dépassé toutes leurs espérances en confirmant que leur coup de coeur pour Malbo était aussi une localisation pertinente à mi-chemin entre Aurillac et Saint-Flour avec un accès routier offrant aux clients un dépaysement spatio-temporel. En confirmant aussi que leur concept d'un petit restaurant de ville à la campagne, misant sur les produits locaux et nourri d'éthique(1), correspondait pleinement aux aspirations des consommateurs.
Des plats revisités chaque semaine
Au confinement suivant, Victoria et Julien ont cette fois décidé d'ajouter la livraison à leur carte, en permettant de surcroît à leurs clients... de voyager : à chaque week-end, un menu inspiré d'une destination différente : Inde, Japon, etc. Un véritable tour du monde culinaire et un plébiscite qui les ont cependant contraints à limiter les commandes à 110 menus par week-end. Au-delà, impossible de préparer des sushis avec quatre pièces différentes... soit déjà 440 pièces ! "En tout cas, ces livraisons - y compris jusqu'à Aurillac - nous ont permis de découvrir le pays", sourit Victoria, confiant que l'été dernier, pluvieux, a été moins favorable. Pas de quoi entamer la volonté du couple ni son bonheur de pouvoir exprimer ici pleinement sa créativité en proposant une expérience singulière.
Dans leur établissement, pas de menu, mais un choix de trois entrées, trois plats et trois desserts, propositions revisitées chaque semaine, selon les produits et l'inspiration du moment. La semaine dernière, vous auriez pu ainsi déguster un ceviche de lieu ou encore l'escalope au foie gras proposée par Julien lors de la remise du trophée Gault et Millau. Si le jeune chef se plaît à sublimer les viandes d'aubrac (bio) et salers d'éleveurs du Pierrefortais que lui et son épouse ont sélectionnés, les produits de la mer sont très présents dans ses plats. "On s'est aperçu que les gens étaient très demandeurs." Le confinement leur a également permis de constater qu'entre un saucisse-aligot et un poulet tandoori, contre toutes attentes, le poulet remportait les suffrages des Cantalous.
(1) En minimisant les déchets : les pelures de pommes de terre deviennent des chips...