“Il y a un déficit majeur de communication"
Pour le patron du Leclerc d’Aurillac, relever le prix du cantal est possible mais sous conditions.
On est loin des déclarations souvent tonitruantes du médiatique Mel - alias Michel-Édouard Leclerc. Joseph Chauvet, propriétaire avec son épouse du centre Leclerc d’Aurillac, a le verbe plus posé et l’expression plus discrète. Il n’en a pas moins une vision personnelle très claire sur les relations entre fournisseurs et grande distribution et sur les perspectives de démarcation des AOC fromagères d’Auvergne.
Les relations entre le groupe Leclerc et les syndicats agricoles ont de tout temps été particulièrement tendues. Récemment, c’est une promotion sur du cantal à 4,99 euros / kg qui vous a valu la visite des producteurs de la FDSEA et des JA, dénonçant une AOC bradée par votre enseigne...
Joseph Chauvet : “Je pense qu’il faut refaire un peu d’historique. Depuis toujours effectivement, le groupe Leclerc a fait des prix bas son leitmotiv. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions combattu la loi Galland, qui interdisait d’intégrer les fameuses marges arrières consenties par les fournisseurs dans le prix de vente au public. Depuis 1996 et le vote de ce texte, nous n’avions plus notre levier historique de différenciation par le prix. Nous avons donc lancé nos tickets Leclerc et continué de militer pour revoir cette législation, qui, je le précise, s’est traduite entre 1996 et 2004 par une vraie dérive inflationniste. Depuis l’adoption de la loi LME (loi de modernisation de l’économie), il est possible de remettre ces avantages commerciaux dans le prix de vente. Et c’est ce qu’a fait notre acheteur régional sur cette promotion : il a pris tous les avantages commerciaux obtenus auprès de son fournisseur et les a appliqués sur le prix du cantal”.
N’est-ce pas dévaloriser un produit local de surcroît sous signe de qualité ?
J. C. : “Effectivement, moi qui suis originaire du département et qui y suis attaché, je vois bien que ce n’est pas normal. Mais le problème de base est que le cantal est aujourd’hui un des fromages, si ce n’est le fromage, qui nous est vendu le moins cher. Bien sûr que cela arrange les acheteurs des grandes surfaces, mais à la base le problème vient des fournisseurs, les transformateurs. Quant à savoir pourquoi le cantal est resté en bas de l’échelle, je n’ai pas d’explication : est-ce un problème de volumes trop importants, de produits, de dégagement pas rentables ? Est-ce que, quelque part, on n’avait pas honte de notre cantal dans un département qui est longtemps resté complexé ?”
Êtes-vous prêt à contribuer à faire bouger les choses ?
J. C. : “Je trouve cela formidable qu’il y ait une démarche de valorisation de nos fromages. Je vais tout faire pour qu’on avance. D’ailleurs, j’ai demandé à notre acheteur régional de ne plus réaliser ce type de promotion. Mais on ne peut pas aujourd’hui dire aux distributeurs : il faut augmenter le prix de l’AOC cantal sans un argumentaire. Je veux bien croire les producteurs quand ils évoquent un cahier des charges plus contraignant, mais concrètement ni moi, ni le consommateur, ne sait combien le lait pour l’AOC coûte en plus à produire, idem pour la fabrication. Même notre acheteur régional spécialisé sur les fromages méconnaissait le problème quand je lui ai parlé de l’action des producteurs. Il y a un vrai déficit de communication sur le nouveau décret de l’appellation cantal. Pour obtenir un écart de prix à la vente et donc à la production, il faut plus de transparence, convaincre et communiquer.”
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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