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“Il faut que les entreprises motivent les producteurs”

Les producteurs attendent un signal économique de l’aval pour s’engager dans la démarche AOC cantal.

Pour Henri Calvet, l’implication des producteurs dans l’AOC ne se fera pas sans une plus-value significative.
Pour Henri Calvet, l’implication des producteurs dans l’AOC ne se fera pas sans une plus-value significative.
© P. O.

Henri Calvet y a déjà bien réfléchi : pas question pour lui de passer à côté de l’opportunité que constitue à ses yeux la nouvelle AOC cantal. “De toutes façons, il fallait que quelque chose soit fait pour se démarquer. On avait une AOC dans laquelle, nous, les producteurs, n’étions absolument pas impliqués”, estime l’éleveur, installé depuis 1995 au Montat de Carlat. Henri, qui exploite 53 hectares, dont 7 de céréales (3 hectares de maïs), est confiant dans la dynamique impulsée par le décret paru l’an dernier et dans la capacité de la filière à aboutir à une réelle revalorisation de l’appellation. “Cela va nous encourager à devenir de vrais producteurs de fromage, avance le producteur, même si c’est sûr que le cahier des charges va impliquer des adaptations à tous les niveaux”. Sur son exploitation qui dispose d’un quota de 164 000 litres, Henri Calvet a déjà cernées précisément ces adaptations, et c’est surtout la ration de foin journalière (5 kg minimum par jour lorsque le pâturage ne couvre pas 70 % de la ration de base) qui constitue une réelle contrainte. “Cela va être dur surtout quand les conditions climatiques seront défavorables”, explique-t-il. Il lui faudra donc ensiler moins d’herbe et/ou réduire la part d’ensilage d’herbe et de maïs, mais aussi donner plus de concentré. Et c’est là que le bât blesse au vu d’un coût du concentré qui “a sacrément augmenté”.

Des producteurs dans l’attente d’un signal fort

Autre piste envisagée à moyen terme : agrandir le troupeau ou bien faire baisser la productivité par animal (6 300 litres en moyenne sur son cheptel de montbéliardes). Mais pour l’heure le producteur préfère attendre : “Tout dépendra de la plus-value que mettront en face les entreprises. Je suis prêt à m’engager au 1er janvier mais il faut un signal fort pour encourager et motiver les producteurs”, défend Henri Calvet, selon qui les producteurs sont encore très méfiants. Justement, l’éleveur du Carladès a déjà évalué avec le Contrôle laitier le surcoût immédiat du respect du décret  pour son exploitation : au minimum 35 e / 1 000 litres de charges supplémentaires sans compter l’inflation sur le concentré, ni de futures évolutions de son système. “Il faut au moins le double pour à la fois couvrir les charges et donner envie de se mobiliser. 7 cts / litres, on ne peut vraiment pas faire moins”, ajoute Henri.

Une chance à ne pas rater

La balle est donc du côté des entreprises : “Nous sommes interdépendants : sans valorisation significative, je ne vais pas faire d’investissement pour l’AOC alors que je reste convaincu de cet atout et que nous risquons de passer au cours mondial”. Pour l’éleveur, “si la filière n’en prend pas conscience, on risque de le payer cher”. Une position partagée par Nicolas Cussac,  chargé du dossier laitier aux JA : “Dans nos zones, nous sommes incapables de défier la compétitivité des bassins laitiers plus spécialisés”. Il en veut pour preuve la réactivité “fulgurante” des producteurs de l’Ouest de la France qui, en à peine trois mois, ont produit les 15 % de prêts de quotas alloués pour faire face à la sous-réalisation française. À l’inverse, sans cette plus-value significative demandée sur l’AOC, les JA sont déterminés à appeler à une “pénurie de lait” pour l’AOC. Une guerre du lait qui ne bénéficierait à personne.

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