Concilier sa vie de femme et d’agricultrice
Sur la commune de Vic-le-Comte, Amandine de Aguirrebeitia jongle en parfaite harmonie entre sa vie de famille et son élevage avicole. Portrait d’une jeune maman agricultrice.
L’agriculture est aussi une affaire de femmes, Amandine de Aguirrebeitia en est convaincue. Actuellement en congé maternité, elle est maman d’Agathe, de Léa et de Manon, nées en 2011, 2015 et 2017. C’est en 2013 qu’elle s’est lancée dans la création d’une exploitation avicole, avec l’aide de la DJA(1). Epanouie, la jeune femme de 32 ans concilie à la perfection sa vie de femme, de maman et d’agricultrice.
S’imposer en tant que femme
«Le monde agricole est un milieu assez sexiste», glisse Amandine, un brin ironique. Et c’est toute seule que la jeune femme s’est lancée dans l’aventure agricole, déjà maman d’une fille. Aujourd’hui à la tête d’un bâtiment de plus de 2 000 m² avec 6 hectares d’extérieur, elle élève pas moins de 15 000 poulets en plein air. «Je voulais d’abord faire des poulets de chair, mais finalement c’était trop compliqué. Je voulais une production pratique en termes de manutention et facile à gérer. Au final, il y avait une recherche locale de bâtiments poules plein air, donc j’ai fait des poules pondeuses», se souvient Amandine. Son statut de femme n’a pas posé problème à l’installation, mais cela s’est avéré plus compliqué au moment de la construction du bâtiment. «C’est dur de se faire entendre pour la construction, le chef de chantier a du mal avec le fait que le maître d’œuvre soit une femme. Il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds, sinon, on est cuit ! plaisante-t-elle, il faut arriver à se faire sa place, il faut faire ses preuves car on croit souvent que les femmes n’y connaissent rien en bâtiment».
Profiter de sa vie de famille
Mais pas question de travailler au détriment de la vie de famille, Amandine y tenait dès son installation. «Quand j’ai changé de travail en 2013, la démarche était de se dégager du temps pour profiter de la vie de famille. Certes, nous avons fait un sacrifice au niveau financier, mais on a gagné en confort de vie, on est plus épanoui. On en profite à fond, on se fait plaisir, on a qu’une vie ! J’ai même repris l’équitation». Le travail quotidien de 4 à 5 heures permet à la jeune maman d’avoir du temps libre pour les loisirs. Et les week-ends, quand les enfants ne sont pas à l’école, ils mettent la main à la pâte en triant les œufs. «Pendant mon congé maternité, je ne vais plus au bâtiment, et ce sont mes filles qui me réclament d’y retourner, c’est paradoxal !», sourit Amandine. Grâce au service de remplacement, elle profite pleinement de son congé maternité en se détachant de son métier d’avicultrice. Ce sont deux femmes qui gèrent son exploitation en son absence, et pour un travail 100% féminin, sa maman prend le relais quand les agents sont en repos. «Parfois, les agriculteurs ont une appréhension quand les agents de remplacement sont des femmes, pourtant on constate qu’elles ont une bonne approche avec les animaux. Le seul souci est d’accepter de donner les clés à un étranger, on laisse quand même notre source de revenus entre ses mains. La première agente était très investie, elle nous donnait même des conseils sur la manière de faire, c’est ce qui m’a donné confiance».
Une affaire de femmes ?
La jeune agricultrice ne se sent pas pénalisée par son statut de femme. Bien qu’il y ait plus d’hommes aux réunions d’éleveurs, chacun a sa place et chacun a son mot à dire. «Je ne ressens peut-être pas la différence car sur ma filière il y a beaucoup de femmes : la vétérinaire, ma technicienne… je suis dans un milieu où il y a un échange avec d’autres femmes, qui savent aussi s’imposer sur des exploitations d’hommes». Amandine constate des évolutions par rapport à la condition des femmes en agriculture, notamment grâce à la création du congé maternité. «C’est un milieu qui râle beaucoup, mais on ne profite pas de nos acquis», la maman bénéficie actuellement de 26 semaines d’arrêt, contre 16 pour les deux premiers enfants. En novembre, c’est sereine et sans aucune appréhension que la jeune femme reprendra son activité.
Mais pour elle, le gros point noir reste la précarité, notamment pour les femmes d’agriculteurs qui n’ont pas de statut. «C’est une forte inégalité de ce côté-là, pourtant ce n’est pas faute d’en parler». Malgré tout, Amandine reste optimiste : «dans le secteur je vois de plus en plus de femmes au volant des tracteurs ou des engins agricoles, ça fait plaisir. Cela montre que les grosses bêtes peuvent aussi être domptées par des femmes !»
(1) Dotation jeune agriculteur