Comment les éleveurs s’adaptent déjà aujourd’hui ?
Dans le cadre d’une étude de l’Idèle, 163 éleveurs du Massif Central toutes filières confondues témoignent de leur ressenti face au changement climatique. Ils précisent les leviers mis en place, envisagés ou exclus sur leurs exploitations au niveau du système fourrager et du troupeau.
L’enquête a été réalisée au long cours, sur un pas de temps suffisamment significatif pour faire l’objet d’une analyse qu’ont détaillé dernièrement à Clermont-Ferrand, Marie Miquel et Yannick Pechuzal de l’Idèle¹. Entre 2014 et 2020, un peu plus de 160 éleveurs impliqués dans les dispositifs Inosys Réseau d’Élevage et Bioréférences Massif central ont répondu régulièrement à des questions portant sur les conséquences du réchauffement climatique sur leur exploitation. Des exploitations orientées bovins lait (62 %), bovins viande (22 %), ovins lait (18 %) et ovins viande (5 %).
Quelles conséquences ?
99 % des éleveurs déclarent avoir subi au moins un aléa climatique sur la période 2014-2020, les plus impactant étant les sécheresses estivales pour 88 % d’entre eux et les canicules pour 73 % des éleveurs. « Ces aléas ont généré en moyenne 14 000 euros de dépenses supplémentaires par exploitation dont deux tiers en achats d’alimentation », précise Marie Miquel. Au niveau du système fourrager, pour 78 % des éleveurs, les aléas climatiques pénalisent la production des prairies et augmentent de fait la complémentation à la pâture. Sont également soulignés par 44 % des éleveurs des mauvaises conditions de semis et d’implantation, et une mise à l’herbe plus précoce des animaux (43 %). Enfin sur le troupeau, les répercussions sont majeures : 57 % des enquêtés déplorent une surcharge de travail, 37 % une nécessaire adaptation de la composition des rations, 68 % une dégradation de la reproduction, et 68 % une baisse de la production laitière, et 30 % une altération de la qualité du lait.
Optimiser le parcellaire et sortir les animaux improductifs
Pour face aux aléas de plus en plus intenses et réguliers, la majorité des éleveurs jouent sur les deux tableaux : fourrages et troupeau. Côté prairies, 78 % d’entre eux diversifient les espèces, 69 % introduisent des légumineuses, 62 % implantent des cultures dérobées et rénovent l’existant, tandis que 37 % des éleveurs envisagent d’agrandir la SAU. Le recours à l’irrigation est pour le moment exclu par 69 % des répondants. À l’échelle du cheptel, là-aussi, les éleveurs ne sont pas restés les deux pieds dans le même sabot. 83 % des agriculteurs indiquent ainsi avoir éliminer les animaux improductifs, 75 % ont adapté la conduite du pâturage (pâturage tournant, pâturage de nuit, agrandissement de la surface…), 42 % ont installé un réseau d’abreuvement au pâturage. Si l’aménagement des bâtiments est envisagé comme une piste par près de la moitié des éleveurs, en revanche, la majorité d’entre eux ne souhaitent pas « sous-traiter » le renouvellement par quelqu’un d’autre, ni changer de race. « Globalement, les éleveurs ont réagi rapidement au changement climatique en mettant en place des leviers d’adaptation sur leur exploitation. Ces leviers concernent en grande partie le système fourrager. Cependant, l’enchaînement des aléas sur les dernières années pousse les éleveurs à mettre en place des leviers sur leur troupeau à moyen terme », résume Marie Miquel.
1. Ont également pris part à cette enquête : Philippe Dimon, Catherine de Boissieu et Bastien Usclade de l’Idèle dans le cadre des projets AP3C et LiveAdapt.