Charrade : bonifier la qualité du produit
En dépit d’une année chahutée pour les filières fromagères, Géraud Brunhes, qui a repris les rênes de la maison Charrade, reste confiant dans le potentiel des appellations d’Auvergne.
Impossible en circulant sur la RN122 de ne pas avoir l’œil attiré par la tête de salers et les immenses lettres qui ornent le bâtiment à l’effigie de la société Marcel Charrade érigé sur la Zac intercommunale des Canals en périphérie de Neussargues. Une nouvelle unité d’affinage mise en service il y a bientôt quatre ans sans inauguration en grandes pompes. Pas le style de l’entreprise familiale(1) qui, fidèle à ses racines cantaloues et auvergnates, préfère la discrétion aux grands discours et cérémonies.
Des caves modernes pour un affinage à l’ancienne
Dotée de six caves, cette unité moderne de 3 000 m2 permet de concentrer en un seul site l’affinage d’un peu plus de 12 000 pièces de cantal et salers, jusqu’alors disséminées dans d’anciens locaux à Aurillac (place du Buis) et Murat (anciennes caves de Costes reprises par la société Dischamp). Le site historique dans le bourg de Neussargues soumis à des contraintes foncières - avec la route d’un côté l’Alagnon de l’autre -, reste dédié au siège administratif, la logistique, la découpe et l’affinage des saint-nectaire.
Le nouveau bâtiment(2) est "un outil beaucoup plus adapté, d’un point de vue fonctionnel et écologique aussi en évitant des aller-retour permanents de nos camions sur les routes", relève Géraud Brunhes, tout autant attaché au tunnel de Cournil (La Chapelle- d’Alagnon) dont l’ambiance et la flore d’affinage spécifiques permettent à des fourmes d’exception de se révéler.
Géraud Brunhes a rejoint l’entreprise en 2018 pour en reprendre progressivement les rênes. "Marcel Charrade (décédé en février 2020, NDLR) souhaitait transmettre son entreprise à un indépendant, à quelqu’un du coin pour perpétuer l’état d’esprit et la philosophie de l’entreprise", poursuit le dirigeant, qui correspondait en tous points à ce profil. Avec un arrière-grand- père lui-même fabricant de fromages, une exploitation familiale bovine, "c’est un milieu que j’aime bien, le fromage, c’est quelque chose qui m’a toujours parlé", confie Géraud Brunhes, pour qui Marcel Charrade a également toujours fait figure d’exemple, "comme tous ces gens partis de rien et qui ont bien réussi".
Marcel Charrade comme mentor
Une trajectoire d’autodidacte qu’il a lui-même cherché à reproduire : il y a sept ans, il achète une petite camionnette et le voilà parti sur les routes en quête de pièces fromagères de qualité auprès de producteurs fermiers. La petite entreprise s’étoffe mais son créateur garde toujours en tête et comme référence la maison Charrade : "J’ai tendu la perche à Marcel et au bout d’un moment, on s’est retrouvé...", relate celui qui partage une même vision du métier et surtout de la relation avec les fournisseurs de l’entreprise de découpe et affinage : "Une entreprise familiale qui entend le rester, très attachée à notre région, mais aussi à la tradition" et au savoir-faire de coopératives et producteurs fermiers."
"On a la chance d’avoir deux coopératives - des fournisseurs historiques que sont les coops de Paulhac et Neuvéglise -, et des producteurs fermiers (une cinquantaine) qui font du super boulot, qui sont sur la même longueur d’ondes que nous, c’est-à-dire la qualité, et avec lesquels on entretient des relations directes, on est attaché à la poignée de main", affiche le trentenaire.
Les deux coopératives de la Planèze fournissent une grande partie des plus de 1 000 tonnes de cantal affinées à Neussargues. L’affineur travaille également avec une cinquantaine de producteurs de cantal, salers et saint-nectaire fermiers des vallées de la Cère, de la Jordanne, du Nord-Cantal jusqu’à Égliseneuve d’Entraygues (63) et la société Charrade peut se prévaloir d’être leader sur les marchés du salers et du cantal fermier, une filière "qu’on essaie de tirer car elle permet aux producteurs de salers d’avoir un revenu un peu plus conséquent en hiver tout en répondant à une vraie demande du public".
Croissance maîtrisée
Les AOP d’Auvergne représentent près de la moitié des 5 000 tonnes de fromages et produits laitiers commercialisés annuellement. La gamme comprend quelque
1 500 références : des appellations fromagères des Savoie, du Jura, de Normandie, des chèvres des Charente, de la crèmerie...
"On continue à avoir une croissance, mais une croissance maîtrisée: avec la volonté toujours d’évoluer même si on n’a pas vocation à doubler nos volumes, on ne veut pas faire n’importe quoi. Notre credo, c’est la qualité les produits à l’ancienne", insiste le dirigeant. Ici, les fromages continuent ainsi d’être frottés à la main par des cavistes et non confiés à des robots...
Pas question de robot non plus dans la future boutique en cours de construction à une centaine de mètres de la nouvelle unité, surplombant la RN122. Ce magasin, qui assurera une visibilité accrue à l’affineur, devrait être livré dans quelques semaines, d’ici début mai, avec, à la clé, quatre emplois créés.
(1) Qui compte une soixantaine de salariés.
(2) Investissement de 3 M€.