Changement climatique: pas un agriculteur épargné par la nécessaire adaptation
CERFrance et la Chambre d’agriculture recoupent leurs données pour dresser un bilan de santé de l’agriculture cantalienne et donner des perspectives intégrant les changements climatiques.
Chaque année, la Chambre d’agriculture et CERFrance Cantal s’associent pour dresser le portrait objectif de la ferme Cantal et délivrer des pistes de travail pour optimiser les productions et les revenus. Un rendez-vous annuel(1) dont le thème est retenu selon la conjoncture du moment : cette fois, il était question d’aborder “les impacts technico-économiques du changement climatique”. Mais crise sanitaire oblige, la conférence du 16 mars n’a pu se tenir comme prévu. Les travaux des intervenants restent cependant d’actualité.
Joints par téléphone, Christophe Chabalier, responsable du service recherche, innovation et développement, et Yann Bouchard, du réseau d’élevages à la Chambre d’agriculture, ainsi que Nathalie Velay, chargée de mission au CERFrance du Massif central (voir ci-dessous), ont accepté de partager leurs conclusions.
Le constat
Le constat est bref et connu de tous : le département subit des sécheresses à répétition liées à un changement climatique pérenne qui conduit parfois à des situations très critiques. La nécessité de s’adapter ne fait aucun doute, mais personne n’est totalement prêt.Le projet de recherche AP3C (Adaptations des pratiques culturales au changement climatique) permet de modéliser les évolutions climatiques pour se projeter vers l’avenir, afin d’offrir des conseils appropriés pour anticiper cette évolution et livrer des pistes pour limiter la gestion en tension des fourrages.
Les techniciens démontrent qu’il va falloir différencier ce conseil en fonction des systèmes, mais aussi des secteurs géographiques. Élévation moyenne des températures, nombres de jours chauds (+ de 30°C), de jours de gel... : autant de paramètres qui prouvent clairement que si personne n’est épargné, les zones les plus basses (Aurillac-Châtaigneraie) souffriront encore davantage que les terres plus en altitude (Marcenat ou Coltines).
Selon Christophe Chabalier, les gels tardifs sur une végétation plus précoce font partie des risques. Très pénalisante également, la répartition des précipitations : peu de variations des cumuls annuels, mais des hivers et des printemps très secs et des fins d’été et des automnes trop humides, comme 2019 l’a illustré.
Les leviers mobilisables
Le choix des variétés de céréales ou de maïs, ainsi que celui des parcelles en fonction de leur exposition, va s’avérer primordial. Les techniciens évoquent aussi la pratique de cultures dérobées (à croissance rapide, cultivées entre deux cultures principales), l’implantation de sorgho, l’irrigation. Des solutions performantes, mais qui mobilisent de la main-d’œuvre. S’il n’y a pas de “levier passe-partout”, Yann Bouchard, dans son approche systémique, en considère deux à l’échelle des exploitations : la surface fourragère et le besoin du troupeau.
"On peut soit agir sur l’offre en fourrage, en irriguant ou en semant du méteil dans les prairies par exemple ; soit réduire la demande en fourrage, notamment en adoptant le vélage précoce.” Ce peut être aussi d’externaliser l’élevage de génisses, mais à quel coût ? En revanche, il considère comme risquée la réduction du cheptel. Les spécialistes invitent les éleveurs à opérer des choix avec pour seule ligne de mire la préservation du revenu. Quant à savoir si les trésoreries souffrent davantage en viande qu’en lait, Yann Bouchard reste très prudent. Certes, dans les deux cas, une UGB (unité gros bovin) consomme 13 kilos de matière sèche par jour et les revenus par UGB sont réputés supérieurs en élevage laitier... mais bien d’autres paramètres entrent en compte, interdisant des conclusions hâtives.
En revanche, des fiches synthétiques objectives reprenant les conclusions de ces travaux vont être éditées. Elles seront également exposées lors de formations spécifiques. Des données et des compétences d’animation qui peuvent être sollicitées dans les groupements de vulgarisation agricole (GVA).
1) À destination des organisations professionnelles agricoles et des agriculteurs, notamment des plus jeunes, installés ou non : la conférence se tient habituellement dans les lycées agricoles.