Campagnols terrestres : la grande invasion (+VIDEO)
Ils sont partout : dans les prés, sous les silos, dans les bâtiments. Sur le canton d'Aurillac nord, les éleveurs assistent, démunis, à une nouvelle pullulation massive de rats taupiers.
Sur le plateau qui surplombe la route des Crêtes, à Labau, la vue à 360° sur le massif cantalien enneigé ces premiers jours de mars serait magnifique si le vert des prairies n'avait disparu sous des mottes de terre quasi contiguës, des prairies labourées par les campagnols terrestres devenus l'ennemi public numéro 1 des éleveurs du secteur. "Ça a commencé à l'automne avec les taupes et en l'espace de quelques mois, ça a explosé, il y en a partout !" se désole Jean-Michel Fages, éleveur allaitant sur Saint-Simon et délégué FDSEA du canton d'Aurillac 4 montagne avec Vincent Lauch (Gaec de Labau). Partout, et même sous le boudin d'ensilage de maïs ou encore les balles d'enrubannage du Gaec de Labau dont le film plastique a été percé par les rongeurs en bordure de champs. "Depuis le début de l'hiver, ils sont même rentrés dans les bâtiments où ils ont attaqué les stocks de 2014", relève Vincent Lauch, en montrant les galeries de campagnol qui affleurent à proximité des bottes. "On en a même sous les nourrisseurs à veaux !", constate son père.
Explosion depuis septembre
Comme lui, tous sur le canton de Marmanhac à Giou et de Laroquevieille à Roquecellier, craignent de devoir revivre le même épisode d'infestation que celui de 2010-2011 qui avait coûté au Gaec de Labau près de 30 000 euros en achat de fourrages avec des conséquences à plus long terme sur le cheptel : "En 2011, au lieu des 1 000 ballots de foin, on n'en avait récolté que 200, rappelle l'éleveur. On avait aussi eu des problèmes de reproduction avec des vaches qui avaient du mal à prendre et des veaux qui ne pesaient plus que 350 kilos au lieu de 400. Sur 80 veaux, vous voyez l'impact..." Chez les laitiers, on craint tout autant les consquences de cette herbe salie sur le taux de cellules. Si les parcelles des plateaux de Saint-Simon sont les plus touchées avec pas loin de 80 % de surfaces ravagées, en contre-bas, on ne se fait guère d'illusions, comme en atteste Stéphane Gaillard : "Lundi, une de nos parcelles en bordure de la Jordanne à côté du terrain de rugby de Saint-Simon a été inondée, les rats sortaient de partout, en l'espace d'un après-midi on en a tué 500 ! Mais le lendemain, ils retravaillaient déjà le terrain..." Eau, neige,... rien ne semble freiner et encore moins stopper les pullulations actuelles. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé de contenir l'invasion : "À Boussac, un de mes voisins a réussi à tenir 15 ha de prairies nickel jusqu'en août dernier, mais après, à 250 rats piégés et des fers partout, il a arrêté." Quant au traitement à la bromadiolone, les contraintes qui y sont liées ont fini de décourager les éleveurs. "On a tout fait, la carotte, le blé, on avait deux machines sur Marmanhac pour traiter, mais ça n'y fait rien et puis au stade d'invasion actuel, ça n'est plus possible", explique Jean-Michel Fages.
Acheter du fourrage ou décapitaliser
Essayer de sauver un bout de récolte avec un resemis ? "C'est du court terme et ça coûte une fortune, au bas mot 80 euros l'hectare, sans assurance que ça marche", répond Philippe Bruel qui en a fait l'amère expérience. Labourer pour mettre plus de maïs ? "On n'est pas sûr d'avoir le droit...", soupire Vincent Lauch. Face à ce fléau, les éleveurs envisagent de retarder la mise à l'herbe et n'auront d'autres choix que de s'approvisionner à l'extérieur ou de décapitaliser "alors que nos trésoreries sont déjà mal en point et que ça pourrait nous pénaliser sur les nouvelles aides Pac". "On risque de devoir affourager dès le mois de mai et de consacrer les surfaces fanées aux vaches. Pour nous, la récolte 2015 est déjà morte", estiment les délégués communaux FDSEA du canton réunis à Labau. Eux n'attendent qu'une chose alors que les cycles de pullulation se rapprochent : "Qu'on trouve une solution pour les éradiquer !" Une réponse de la recherche en forme de voeu pieux. Alors ici on se tourne vers la puissance publique : "Il faut qu'on puisse être indemnisés au moins pour acheter du fourrage et ne pas regarder nos vaches crever de faim..., lâche Jean-Michel Fages. Et qu'on nous laisse retourner les prairies."
Droits de reproduction et de diffusion réservés.