INTERVIEW
Alexandre Poucet : « Cela nous intéressait d’évoluer vers une diminution de produits phytosanitaires »
Le 25 mai prochain, la Chambre d'agriculture de l'Allier et le réseau Déphy Ecophyto organiseront une randonnée à Lusigny. Rencontre avec des agriculteurs qui y participeront.
Le 25 mai prochain, la Chambre d'agriculture de l'Allier et le réseau Déphy Ecophyto organiseront une randonnée à Lusigny. Rencontre avec des agriculteurs qui y participeront.
Pourriez-vous présenter votre exploitation ?
Alexandre Poucet : Je suis situé sur la commune de Saint-Sauvier, et Audes. Je travaille avec mon père, nous avons chacun notre société. Je m’occupe d’une surface d’un petit peu plus de 90 hectares et mon père près de 300. Nous travaillons à peu près 400 hectares à nous deux. Nous cultivons du blé, de l’orge, de l’avoine, et d’autres cultures qui sortent de l’ordinaire. Nous faisons pousser des oléagineux, du colza, du tournesol, un peu de céréales de printemps, un peu de maïs et du sarrasin.
Pourquoi avez-vous souhaité rejoindre le collectif Dephy Ecophyto ?
A.P : J’ai rejoint le réseau en 2014. L’un de nos voisins faisait partie du collectif, nous sommes entrés par ce biais-là dans le réseau. Cela nous intéressait d’évoluer vers une diminution de produits phytosanitaires. L’accompagnement est un peu différente de ce que l’on a l’habitude de faire.
La demande sociétale est là. Nous avions aussi de grosses pertes d’efficacité sur le désherbage, nous sommes les principaux utilisateurs de produits phytosanitaires, mais moins on en utilise, mieux c’est. On essaie d’être un petit peu plus indépendants, d’améliorer notre impact sur l’environnement.
Quelle est la solution pour se passer des produits phytosanitaires ?
A.P : Nous avons décidé d’allonger la rotation, d’introduire des cultures de printemps qu’on ne faisait presque plus. Nous avons diminué l’utilisation de désherbant car il n’a pas d’impact sur certaines graminées. C’est compliqué de diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires lorsqu’il y a quelques résistances. Au niveau de ce qui est fongicides et insecticides, nous essayons de travailler beaucoup avec la nutrition des plantes, dans l’anticipation, pour essayer d’avoir des plantes en meilleure santé et qu’il n’y ait pas de problème par la suite. On utilise des anti oxydants, des produits un peu spécifiques qui font que les plantes ont moins de chances de tomber malade ou d’être sensible aux insectes.
Pourquoi cette randonnée est-elle importante ?
A.P : Elle est importante car elle permet de faire connaître ce qui se fait au grand public. Cela permet de voir que l’on essaie de s’améliorer, de montrer nos pratiques, qui ne correspondent pas aux clichés et idées reçues que l’on peut entendre.
Quels sont les clichés et les idées reçues les plus populaires ?
A.P : On entend souvent dire que les agriculteurs sont des pollueurs. Ce n’est pas la vérité, tout ne se passe pas toujours bien dans le meilleur des mondes. Ca ne se passe pas réellement comme ça. Les gens croient que l’on fait encore pousser des OGM en France, que nous utilisons de grosses quantités de glyphosate, ça ne se passe pas réellement comme ça.
Comment peut-on lutter contre ces idées reçues ?
A.P : Il faut expliquer notre travail. Ce n’est parce que nous ne sommes pas spécialisés dans l’agriculture biologique que l’on ne prend pas soin du sol, qu’on ne fait pas d’efforts en réduisant au maximum notre utilisation de produits chimiques. Il faut défendre notre image, parler des bonnes pratiques des agriculteurs. Nous avons une image catastrophique de l’agriculture en France. Cela conduit à un mal-être au sein même de la profession. Aujourd’hui, la pression de la société est de plus en plus grande vis-à-vis de ces enjeux là. Tout le monde ne fait pas n’importe quoi. On ne souhaite pas coûte que coûte utiliser de la chimie, on souhaite avoir d’autres solutions. On a déjà eu des débats avec des gens, il y a tellement d’idées reçues que c’est difficile de changer de point de vue. Chaque agriculteur a été au moins une fois dans sa vie confronté à des personnes qui nous considèrent comme des criminels. On essaye de travailler sur le sujet, de se remettre en question. Il y a un gros travail de communication à faire. Ouvrir les portes des fermes peut être une solution pour dialoguer davantage avec le public.
Propos recueillis par Léa Surmely