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INTERVIEW
Agricultrice : « il y a encore des choses à faire »

Sabine Tholoniat, présidente de la FNSEA 63 et agricultrice à Thiers revient sur la place des femmes au sein des exploitations agricoles mais aussi au sein des instances professionnelles d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Sabine Tholoniat, présidente de la FNSEA 63 et agricultrice à Thiers revient sur la place des agricultrices et sur ce qui pourrait encore être amélioré.
© Léa Durif

Sabine Tholoniat, présidente de la FNSEA 63 et agricultrice à Thiers revient sur la place des femmes au sein des exploitations agricoles mais aussi au sein des instances professionnelles d'Auvergne-Rhône-Alpes.

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Le statut des agricultrices a évolué au fil des années. Sont-elles désormais au même niveau que leurs homologues masculins ?

Sabine Tholoniat : Les statuts tels qu'ils sont aujourd'hui permettent effectivement de reconnaître pleinement le travail des femmes au sein des exploitations mais aussi de les protéger et de leur garantir un avenir. Il faut cependant travailler à améliorer le statut de certaines femmes qui travaillent sur les exploitations et qui sont encore déclarées comme aide familial. Les conjointes peuvent désormais avoir un statut. Il n'y a plus aucune raison valable pour que ce ne soit pas le cas. J'ajouterais également que les agricultrices auraient surtout besoin désormais de quelques mesures, fiscales ou autres, pour améliorer leur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Avoir par exemple un crédit d'impôt pour quelques heures de ménages permettrait de dégager du temps et surtout de décharger le mental des agricultrices. Comme toutes les Françaises, les tâches de la vie familiale leur incombent en majorité. Sinon, d'un point de vue strictement professionnel, je ne ressens pas de franches distorsions entre les hommes et femmes. L'agriculture est l'un des domaines où nous avons eu des droits assez rapidement.

 

Dans leur rapport, les sénateurs suggèrent d'abroger le statut de conjoint-collaborateur qui entretiendrait les inégalités. Qu'en pensez-vous ?

ST : Je suis assez d'accord mais il reste certaines régions encore attachées à ce statut-là. Au lieu de l'abroger, peut-être faudrait-il le faire évoluer pour améliorer la reconnaissance et la protection des individus déclarés comme tel. Ce statut ne doit pas faire oublier que la transparence GAEC permettant à l'épouse d'être associée au sein du groupement a été une vraie révolution et surtout une révélation sur la place des femmes.

 

5 000 femmes, agricultrices seraient encore sans statut en France...

ST : Ce n'est pas normal. C'est autant que le nombre d'agriculteurs dans le Puy-de-Dôme ! Il faudrait savoir pourquoi. Je pense que le patriarcat est encore très fort dans certaines productions. Sans oublier, qu'au sein de certaines exploitations, les femmes sont encore relayées à la maison uniquement. C'est-à-dire qu'elles sont déclarées agricultrices mais ne s'occupent que de la compta et des enfants. 

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À l'inverse, près de Thiers, le secteur où vous êtes vous-même agricultrice, historiquement les femmes sont à la tête des exploitations ?

ST : Oui mais pourquoi ? Je ne saurais le dire. Peut-être parce que les hommes ont été moins présents à un moment donné sur les exploitations. Il y a aussi sur ce secteur une culture de l'engagement syndical assez forte. C'est  un secteur difficile pour la production agricole. Alors, pour compléter les revenus, les agricultrices et agriculteurs montaient les couteaux des couteliers thiernois. Peut-être cela a-t-il aussi participé à leur émancipation.

 

Les agricultrices sont-elles encore confrontées à des difficultés professionnelles du fait de leur genre ?

ST : Non je ne crois pas. Ce qui reste difficile c'est cet équilibre entre vie professionnelle et familiale. Il n'est déjà pas facile lorsque l'on embrasse ce métier mais je suis persuadé qu'il est encore plus délicat lorsqu'on est une femme. Quand un enfant vient au monde, une nouvelle organisation doit s'instaurer et dans le milieu rural, les nounous ne poussent pas dans les champs ! La tâche incombe alors aux femmes, majoritairement, en plus de leur métier. Cela rajoute de la charge mentale aux agricultrices. Il en va de même pour les soins à nos aînés. Les services à la personne ne sont pas assez présents. Les agricultrices, et les femmes vivant en milieu rural, sont les premiers témoins et les premières victimes de ces carences. Nous ne le disons pas assez. Nous sommes tellement pris dans le quotidien, et une organisation millimétrée, que nous ne prenons pas le temps de nous interroger sur notre propre bien-être physique et psychologique.

 

Les agricultrices souffrent-elles encore de préjugés ?

ST : De moins en moins je dirais. Moi-même, je n'ai jamais été opprimée par mes homologues masculins. Peut-être parce que j'ai de la chance ou du caractère, ou les deux... C'est grâce notamment à des agricultrices, qui ont occupé des fonctions au sein des instances professionnelles, que nous en sommes là aujourd'hui.

 

Pourquoi les agricultrices sont alors si peu présentes dans les instances ?

ST : De manière générale, les agricultrices et les agriculteurs s'installent de plus en plus tardivement. La charnière lorsque nous sommes JA et où on arrive à la FNSEA, c'est le moment où les femmes font des enfants. Encore une fois, les agricultrices ont trop de choses à gérer et cela se complexifie encore davantage lorsqu'elles sont mères célibataires. Les responsabilités syndicales sont les premières à être délaissées. Beaucoup de femmes aimeraient prendre des engagements mais ne peuvent pas. C'est aussi vrai pour les hommes ! Nous parlons des agricultrices mais il y a de plus en plus de papas célibataires et ils rencontrent les mêmes difficultés.

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