2022, résiliente, 2023 au ralenti
Les entreprises cantaliennes ont bien résisté au choc inflationniste de 2022 même si leurs marges en ont pâti. 2023 s'annonce plus compliquée avec un essoufflement déjà effectif de l'activité.
À chaque millésime économique est désormais associé un qualificatif par les experts : 2022 sera donc celle de la résilience des entreprises cantaliennes comme tricolores, qui ont tenu bon face à un nouveau séisme, non plus sanitaire mais géopolitique, avec le choc inflationniste et le bouleversement des marchés engendrés par la guerre en Ukraine. Le bilan économique de 2022 s'avère ainsi positif selon l'enquête annuelle conduite par la CCI du Cantal auprès de ses ressortissants, une vision favorable confortée par les conclusions des enquêtes régionales(1) et nationales de la Banque de France dont le directeur de la succursale aurillacoise, Thierry Gassiole, intervenait jeudi dernier de concert avec le président de la CCI, Laurent Ladoux.
Quelque 43 % des TPE-PME du Cantal ont déclaré une hausse de chiffre d'affaires contre 28 % un recul. Cependant, une part conséquente a enregistré une érosion de leurs marges (40 %) notamment du fait de l'envolée du coût de l'énergie et de leurs matières premières. Elles sont également près de quatre sur dix à déplorer une trésorerie fragilisée.
Prix, chiffres d'affaires et investissement en hausse
Le secteur industriel tire davantage son épingle du jeu : plus de la moitié des entreprises cantaliennes affichent une progression de CA, croissance qui dépasse les + 12 % enregistrés en moyenne en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces performances s'expliquent en partie seulement par des carnets de commandes et volumes en hausse, la composante prix ayant en effet joué à plein en 2022 dans l'industrie comme dans les services marchands. Cette activité industrielle soutenue a cependant marqué le pas au dernier trimestre comme en atteste l'inflexion différenciée des stocks (à la hausse) et des carnets de commandes (en recul). Quant à la rentabilité des acteurs industriels, elle est indexée légèrement à la baisse à l'échelle régionale du fait de la hausse des coûts de production, notamment dans l'agroalimentaire. La "bonne surprise" est de voir, dans ce secteur industriel, comme dans les services et le BTP, une dynamique d'investissements soutenue (+ 30 % dans l'industrie régionale) en 2022 et "ça continue", rapporte Thierry Gassiole.
Rentabilité et trésorerie impactées
Le secteur des services marchands a lui connu l'an dernier une nette reprise (+ 21 % de CA en moyenne en Auvergne-Rhône-Alpes, mais moins marquée dans le Cantal, de l'ordre de + 10 %) qui n'a pas ralenti en fin d'année 2022. Cette progression est sensible chez les professionnels de l'hôtellerie-restauration qui avaient subi de plein fouet les effets des restrictions sanitaires. La rentabilité dans ce domaine était jugée bonne avec une tendance à l'amélioration malgré des disparités intra-professionnelles. Les investissements ont là aussi été au rendez-vous (+ 7 % en Aura).
Dans tous les secteurs d'activités, les effectifs salariés régionaux ont progressé sur l'année écoulée, des embauches plus modestes dans le Cantal "où les entreprises se disputent leurs collaborateurs".
2022 a été une bonne année également dans le secteur du BTP : + 6 % de CA pour les entreprises d'Auvergne-Rhône-Alpes qui ont cependant vu leur rentabilité davantage impactée par la hausse des charges et la commande publique s'essouffler. Ainsi, 44 % affichent des marges en baisse. L'investissement dans ce secteur a progressé de 7 %.
"Il va falloir s'accrocher"
Voilà pour la photographie à fin 2022. "À ce stade, la situation économique est moins pire que ce qu'on aurait pu penser, mais il faut rester prudents", estime Laurent Ladoux, pour qui il convient de distinguer le diagnostic clinique des entreprises du moral de leurs dirigeants, lequel a été bien entamé par la succession des crises récentes. Pour preuve, un déficit de confiance dans l'avenir alimenté par les incertitudes liées à l'issue du conflit russo-ukrainien, à la trajectoire du coût de l'énergie... mais aussi par une consommation en berne. "Il va falloir s'accrocher", prévient le président de la CCI.
Quid de 2023 et des suivantes ? Les projections tendent vers un ralentissement dans la continuité de celui amorcé au dernier trimestre 2022. Ralentissement mais pas récession, souligne Thierry Gassiole. Ainsi, les entreprises d'Auvergne-Rhône-Alpes sondées misent sur une progression de chiffres d'affaires, certes plus modeste : de l'ordre de + 5 % dans l'industrie, + 6 % dans les services marchands, + 2 % dans la construction. Des taux moindres dans le Cantal où seules 12 % des TPE-PME anticipent une progression d'activités (davantage dans l'industrie : 24 %, 7 % seulement dans le commerce). Face à un horizon encore bien flou, les acteurs économiques du département citent la diversification comme premier levier d'adaptation, devant l'innovation et la modernisation de leur entreprise.
À leur intention, Thierry Gassiole se veut lui rassurant, à condition d'être patient : la Banque de France table sur une érosion des marges en 2023 et 2024 avant un redémarrage attendu en 2025. Tout en précisant que le taux de marge actuel est bien supérieur à celui des années 70.
(1) 4 300 entreprises ont répondu au questionnaire de la Banque de France (dont une centaine du Cantal).