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Alpes-de-Haute-Provence
28 chèvres dans les gorges du Verdon

La ferme de Taloire n’accueille qu’une trentaine de chèvres mais cela suffit à Jean-Christophe Noblet et Patrizia Schwickert pour vivre de la transformation du lait et de la viande.

Perché au-dessus des gorges du Verdon, le hameau de Taloire offre un havre de paix et un panorama grandiose à ses neuf habitants permanents. Parmi eux, Jean-Christophe Noblet et Patrizia Schwickert élèvent 28 chèvres et transforment le lait et la viande. Quand il s’est installé en 1988, à l’âge de 24 ans, à l’époque avec deux autres couples, Jean-Christophe voulait une exploitation à taille humaine, peu mécanisé et un petit cheptel. « On est monté jusqu’à 35 chèvres mais l’objectif est de n’en traire qu’une trentaine. »

« Un élevage à taille humaine pour pouvoir tout gérer soi-même »

Au début, quand ils arrivent sur les hauteurs de Castellane, il n’y a que des tas de cailloux. Avec de la patience et beaucoup d’autoconstruction, ils vont construire une chèvrerie de pierres, de parpaings, de bois et de paille. « Il a fallu quatre ans pour construire la maison et y amener l’eau et l’électricité, se souvient Jean-Christophe. Au début, j’ai dû faire le maçon pendant un an pour vivre tout en m’occupant de la dizaine de chevrettes. Puis, on a commencé à faire du fromage dans des conditions folkloriques. » Un propriétaire plutôt conciliant leur loue 35 hectares pour moins de 500 euros par an. Jean-Christophe rachètera d’ailleurs en 2015 ces 45 hectares de bois, de landes et de prés pour un prix amical de 15 000 euros. Une surface largement suffisante pour alimenter le troupeau grand pastoral. Chaque chèvre ne consomme, en plus de ce qu’elle prélève dans la garrigue provençale, qu’une centaine de kilos de foin et 200 kg de concentrés. La surface entretenue leur permet aussi de toucher des aides PAC.

Fromage à la sarriette et rillettes de chevreau aux figues

Le troupeau sort toute l’année à l’exception de quelques jours de neige ou de grands vents. Depuis l’arrivée du loup, les chèvres sont parquées au filet ou gardées dans la montagne. Quand le loup ne semble pas à proximité, ils les lâchent dans l’après-midi et les chèvres rentrent d’elles-mêmes en fin de journée.

Matin et soir, Jean-Christophe assure la traite à la main sur un quai de cinq places. « La machine à traire est plus reposante pour les mains mais plus fatigantes pour la tête, sourit l’éleveur. Et c’est un tel plaisir de les entendre ruminer ». Le corps souffre en effet des gestes répétitifs de la main et Jean-Christophe s’est déjà fait opérer du canal carpien, il y a deux ans. Hélas, à 57 ans, les douleurs reviennent régulièrement, au point de le réveiller la nuit… Jean-Christophe a essayé la monotraite mais, avec un si petit troupeau, il n’est pas possible de se priver de 20 % du lait. Chaque jour, il prend tranquillement une heure et demie à deux heures pour traire et s’occuper des cabris qui restent en partie sous la mère.

Les moins de 10 000 litres produits annuellement servent à la fabrication de fromage type picodon et de fromages aromatisés au curry, au ras el-hanout, au thym ou à la sarriette des collines. C’est là le domaine de Patrizia, arrivée sur la ferme en 2015. Lors des deux marchés hebdomadaires assurés d’avril à Noël, la fromagère apprécie le retour des clients. « Certains nous disent qu’ils retrouvent le goût des fromages de leurs grands-parents, positive Patrizia. Nous avons fait des pâtes pressées par le passé. Depuis l’an dernier, nous congelons du caillé dans un seau que nous mettons dans un congélateur dédié. Ça marche bien même si c’est un peu différent au moulage ».

Un projet de vie davantage que les chiffres

En plus de prendre en charge la fromagerie, Patrizia s’est lancé dans la transformation de la viande de chèvres et de chevreaux. Elle a suivi des formations à la découpe et à l’hygiène et s’est équipée de planches, matériels de découpe, hachoir et gants métalliques. En plus des 200 à 300 pots de rillettes assaisonnées à l’orange ou aux figues cette année, Patrizia fait sécher la viande à la façon des biltongs sud-africains. La viande séchée est mise sous-vide en petits paquets de 50 g vendus 5 euros. Patrizia propose aussi parfois des pâtisseries aux fromages et veut prochainement essayer les gressins aux olives et aux fromages.

Aujourd’hui, le couple gagne bon an mal an l’équivalent d’un Smic pour deux et ils ont demandé le RSA l’an dernier. Mais ils apprécient surtout leur qualité de vie, le fait d’être leur propre patron, de manger les produits de la ferme et du jardin, d’être tout le temps dehors, dans le silence, au contact des animaux, de la nature et du soleil.

Pendant le confinement, Patrizia a appelé tout le village

La fermeture brutale du marché de Castellane au moment du confinement a poussé Patrizia à réagir prestement. « J’ai pris le bottin et j’ai appelé tous les villageois pour leur proposer des livraisons, explique l’éleveuse. Je connais mes clients de vue, parfois de nom, mais je ne savais pas comment les joindre ». En appelant les 1 500 habitants du village et aidée par le bouche-à-oreille, elle a retracé sa clientèle et a pu organiser des livraisons par hameau. « J’envoyais des messages avec les dates de passages, mes clients me répondaient et je préparais les commandes en notant le nom et le prix ». Les marchés ont aussi repris progressivement. « On a super bien bossé et nous n’avons même pas congelé de caillé cette année. Nous avons davantage laissé les cabris sous la mère même si, maintenant, nous manquons de fromages. Nous avons continué les livraisons jusqu’à début août. Mais aujourd’hui, on est épuisé. D’autant que je n’ai jamais vu autant de touristes que cet été sur les marchés ».

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