À la rencontre d'Antony Taoc dans le Finistère
Une installation en deux étapes dans la dinde
Après s’être fait la main sur un élevage en location, Antony Taoc reprend trois bâtiments qui seront rénovés pour servir de tremplin à un autre projet.
Après s’être fait la main sur un élevage en location, Antony Taoc reprend trois bâtiments qui seront rénovés pour servir de tremplin à un autre projet.
À 24 ans, Antony Taoc fait partie de cette nouvelle génération d’aviculteurs croyant fermement à leur avenir professionnel. Ce Finistérien « pur beurre » se destinait à être éleveur de porcs, d’où son choix d’acquérir de l’expérience par des remplacements dès l’obtention de son BTS. Le hasard en a décidé autrement à travers trois rencontres décisives. La première s’est produite en 2013 avec Paul Merrien, un éleveur de dinde, qui vendait son unique poulailler pour cause de retraite. Par attachement au centre qui l’a formé, Antony devient à cette époque animateur à mi-temps dans le lycée agricole de Lopérec dans le Finistère. « En complément, je cherchais une activité agricole compatible avec ce job à trois quarts de temps. J’ai trouvé cette annonce dans une commune voisine, mais je ne connaissais rien à la dinde. Pendant mes études agricoles, de la seconde au BTS, c’était toujours le porc, les bovins et un peu les ovins dont on nous parlait. » Un comble dans le département du premier exportateur de poulet et du plus grand abattoir avicole situé à quelques kilomètres du lycée.
Saisir les opportunités qui se présentent
« Je suis allé voir Paul et nous avons tout de suite eu un bon relationnel. Il m’a convaincu que la dinde serait un élevage aussi intéressant que le porc. » Antony liste les ressemblances : la relation avec un animal qui interagit, l’attention à apporter pendant les quatre mois d’élevage, l’importance de la maîtrise technique et sanitaire. Le jeune se forme par bribes avec Paul qui achève de lui transmettre le virus. Malheureusement, début 2014 la vente est conclue avec un autre. « Nous sommes restés en très bons termes. Quand on se voit, on parle forcément de dinde pendant des heures… Paul me prodigue ses conseils et transmet son expérience. »
La seconde rencontre, c’est celle de Philippe Augustin, technicien à la coopérative Le Gouessant, lors du Space 2013. « À l’époque, il a été intéressé par ma démarche, mais le contexte avicole était mauvais. La coopérative ne cherchait pas à se développer. » L’occasion se présente en juin 2014, lorsqu’un élevage de 2 400 m2 travaillant avec la coopérative est à louer à Saint-Segal dans le Finistère. Pour le jeune, qui n’avait pas d’autre piste, la location apparaît comme une très bonne opportunité. « Je ne voulais pas m’engager sur du long terme sans vérifier que cela me plairait et sans savoir si j’en étais capable. De plus, aucune banque ne m’aurait suivi. Avoir fait un lot de dinde en doublon et de A à Z a conforté mon projet. » Antony s’est officiellement installé le 1er janvier 2015, en bénéficiant d’une DJA de 17 000 euros qu’il n’a pas encore entamée. « Je vais m’en servir pour le second projet. »
Devenu éleveur de dinde par passion
Le jeune éleveur s’était donné trois ans avec les deux poulaillers Louisiane de 1 200 m2 construits en 1989 et 1991, en y faisant deux lots de dinde par an et un de poulets « pour casser le microbisme ». Comme le premier lot de poulets a bien marché, il a fait des dindes dès le second. « Je préfère de très loin la dinde au poulet. » La première année, Antony a dégagé 56 euros de marge poussin-aliment par m2 (dont 9,50 euros en poulet). « Mais je trouvais le temps un peu long avec deux bâtiments. Cela m’a donné envie d’accélérer. » La troisième rencontre décisive a eu lieu en septembre 2015 avec Christian Nicolas, conseiller avicole du Finistère. « On a balayé tous les sites disponibles à reprendre. Avec ses 3 700 m2, celui de Dinéault est sorti du lot. » Le lendemain, Antony rencontre le vendeur Michel Gestin. Ils se mettent rapidement d’accord sur un prix et une date. Antony en prendra possession le 1er juin pour commencer des travaux dès l’été et redémarrer la production au fur et à mesure des rénovations. Fort de ses résultats et de sa motivation, le jeune homme a obtenu le soutien de deux banques et du Gouessant pour un budget final de 315 000 à 330 000 euros (85 à 90 €/m2), chargeur compris. De plus, il a obtenu une garantie de marge (inférieure à ses marges actuelles) durant cinq années, « ce qui a pesé vis-à-vis des banques. » Son budget prévisionnel dégage un excédent dès la première année. Son objectif est d’atteindre les 60 €/m2 de marge PA. « J’ai prévu de prélever 2000 euros par mois et j’aurais encore un matelas de sécurité. » De quoi voir l’avenir avec sérénité. Tout est possible à 24 ans quand on le veut et qu’on a la tête sur les épaules.
Un site à dimensionner pour deux
À Dinéault, Antony Taoc reprend un site avec vue sur la baie de Douarnenez. Michel Gestin l’a créé voici plus de trente ans pour élever des dindes futures repros avec SFPA. « C’est grâce à cette entreprise que j’ai pu me lancer avec deux bâtiments statiques de 1 500 m2 », souligne ce dernier. Dans les années 90, un troisième poulailler de type Britannia (admission d’air au faîtage et extraction sur les côtés) a porté l’ensemble à 3 700 m2. Ces dernières années, Michel élevait des poulets export Doux avec UKL, mais à 54 ans il change de métier. Quant à Antony, il a prévu des travaux conséquents de rénovation, essentiellement dans les deux statiques : isolation, passage en ventilation transversale, équipements intérieurs (mangeoires, pipettes, lumière). « Je vais regretter mes lumineux Louisiane, si agréables même s’ils avaient le gros défaut de mal ventiler et d’être énergivores, note Antony. Mon rêve aurait été d’avoir une poussinière et des Louisiane pour la finition des dindes. » Dans cinq ans, Antony veut construire 2 000 m2 pour engager un salarié. Il ne se voit pas travailler seul, d’autant qu’exercer des activités hors exploitation l’intéresse. Il est déjà secrétaire des Jeunes agriculteurs du Finistère, « sans l’objectif d’y faire carrière », plaisante-il. Le monde économique l’attire aussi. Depuis peu, il siège à la commission chair du Gouessant. « Il est important que les éleveurs retrouvent leur place dans leurs coopératives. »