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Un procédé innovant pour assainir l’air des élevages

La start-up Aleph Insight fait tester son procédé innovant de décontamination de l’air avec la lumière à la station expérimentale de l’Anses-Ploufragan, afin de s’ouvrir grand les portes des élevages.

La station expérimentale avicole de l’Anses de Ploufragan a lancé courant octobre le premier essai d’évaluation du système Aleph, qui est présenté comme une révolution dans le domaine de l’assainissement de l’air ambiant. Un autre essai a eu lieu à la station porcine de Ploufragan.

Selon la start-up suisse Aleph Insight qui développe le produit, Aleph est capable de détruire tous les germes contenus dans l’air qui le traverse, ainsi que des gaz odorants ou toxiques (hydrogène sulfuré, ammoniac).

De vastes domaines d’applications

À moyen terme, cette invention pourrait assainir en routine l’air des élevages de volailles et de porcs, désodoriser des sites industriels et des stations d’épuration, être employé en santé publique pour abaisser la charge des germes aéroportés. Ses promoteurs évoquent aussi la production d’hydrogène à partir de méthane.

Depuis trois ans, l’entreprise cherche à faire la preuve de son concept dans le domaine de l’élevage. En Suisse, elle collabore avec l’université de Lucerne et la société Farmtec (filiale du groupe Hobet, leader suisse de l’œuf) qui en sera à terme le distributeur. L’Aleph est installé dans sept élevages de pondeuses et de poulets, où les éleveurs sont déjà convaincus par ses effets sur la réduction des odeurs.

Reportage en station d'épuration à écouter sur la Radio Télévision suisse

En parallèle, la start-up cherchait à intéresser des entreprises françaises. Ralentis par la Covid, ses efforts se sont vraiment concrétisés cette année. Les promoteurs suisses d’Aleph ont signé un partenariat avec l’institut Carnot Agri-food Transition qui fédère des laboratoires français de recherche. Il s’agit d’objectiver et de valider les ressentis positifs des éleveurs ayant testé cet appareil.

Une technologie de rupture

Mais sur quoi repose cette invention considérée comme une innovation de rupture ? Aleph est le diminutif de l’anglais Amplification of light energy by pulses with harmonics. Son inventeur Jean Michel Beaudouin est un Français installé en Suisse. Il utilise les propriétés de la lumière sous forme d’impulsions électromagnétiques à très haute énergie qui « photolyse » la matière. Il qualifie son procédé de « machine à lumière d’étoiles », ce qui épaissit encore le mystère de cette technologie et lui confère un côté « ésotérique ».

 

 

 

Le directeur d’Aleph Insight, Denis Piquerez, l’explique plus simplement. « Aleph génère une lumière laser en trois dimensions qui forme une barrière destructrice pour les germes et les molécules. Son avantage est de consommer très peu d’énergie (un watt pour cinq cents m3 d’air traité), de n’utiliser aucun consommable (eau, filtre), et de ne rejeter aucun composé à risque. »

Adapter le procédé aux élevages

La durée de vie du cœur du système est estimée à quinze ans, avec une révision du laser au bout de sept ans. L’absence de pièces en mouvement réduit aussi l’entretien.

Pour adapter ce système à l’élevage, il a fallu le coupler avec un ventilateur à vitesse variable aspirant l’air vicié dans le cœur cylindrique de l’appareil. Ce sont les équipementiers français Le Roy et Sodalec qui ont été retenus pour créer le caisson et adapter la régulation. L’ensemble est suspendu comme un appareil de chauffage et branché à une simple alimentation électrique. Le cœur a aussi été miniaturisé, passant de 27 kg à 12 kg. Le nombre d’appareils installé dépend du nombre d’animaux. En Suisse, il est de six unités pour 12 000 poules ou pour 9 000 poulets.

 

 
Le dispositif est réputé insensible aux poussières aériennes, mais Le Roy a fourni son système de filtration à bande pour réduire l’empoussièrement ambiant.

 

Au-delà de la preuve de son efficacité, cette technologie devra être économiquement abordable. Le prix sera déterminant pour sa réussite commerciale. Sur ce point, Denis Piquerez reste flou et parle de licence. « Notre business model n’est pas finalisé. Nous réfléchissons avec le Crédit suisse sur un dispositif de location. »

Aleph va-t-il vraiment changer l’atmosphère des élevages, améliorer les conditions de vie des animaux et donc leurs performances, et finalement faire mieux accepter les élevages ? Plusieurs opérateurs français de la volaille et du porc l’espèrent, comme Eureden et LDC qui ont soutenu les premiers tests français. Quant à la Cooperl, elle a obtenu la licence mondiale pour la commercialisation du procédé dans le secteur porcin.

Premiers essais en canards et poulets

Prometteurs mais retardés par des incidents, les tests avicoles démarrent tout juste en France.

 

 

 

Un des deux bâtiments pour canards de Barbarie de l’élevage de Bernard de la Morinière (35) a été équipé en 2020 de deux caissons équipés de 4 modules Aleph de 15 cm de diamètre, couplés à un ventilateur à débit progressif jusqu’à 2 400 m3/h.

 

 

 

Mais les essais ne sont pas allés à leur terme. Fin 2020, l’éleveur a stoppé l’essai par précaution, suite à un dysfonctionnement. En mars 2021, c’est un incendie qui est survenu pendant le démarrage. Fait rassurant, le dispositif Aleph n’est pas en cause a conclu l’expert de l’assurance.

 

 

 

L’éleveur a été convaincu par les effets positifs de l’appareil. Il a tout de suite trouvé ses canards plus actifs avec une ambiance beaucoup moins moite, ce qui l’a conduit à moins renouveler l’air. Son ressenti était radicalement différent dans la salle traitée, « mais la sonde électronique indiquait à peu près la même valeur d’humidité dans les deux tunnels. J’aurais bien voulu installer un hygromètre à cheveux pour analyser cette observation… »

Quant à l’essai de l’Anses, trois des six salles du bâtiment expérimental sont équipées de ce procédé innovant et conduites différemment. L’Anses va suivre les paramètres d’ambiance habituels, plus l’ammoniac et le gaz carbonique. Les Aleph seront testés avec ou sans dépoussiérage de l’air et avec un renouvellement horaire réglé à un ou deux volumes de la salle.

C’est quoi un Institut Carnot

 

 

 

Lancés progressivement depuis 2006, les 39 Instituts Carnot ont pour vocation de conduire, en partenariat avec des entreprises, des travaux de recherche publique afin de répondre à des besoins d’innovation et de compétitivité.

Basé à Ploufragan, l’Institut Carnot Agri-food transition est spécialisé dans les recherches sur les systèmes alimentaires durables en lien avec la santé et l’environnement. Il fédère 575 chercheurs de 17 laboratoires répartis en Bretagne, Normandie et Pays de Loire. Ils sont experts en productions maraîchères et animales (lait, volailles, porc, ruminants, poissons) et en agroalimentaire.

 

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