Rénovation d'un poulailler de chair : Les frères Quilleré refont du neuf avec du vieux
Installés fin 2017 en Centre Bretagne, Nicolas et Frédéric Quilleré ont fait le choix de reprendre un site aussi âgé qu’eux pour lui donner une seconde vie, tout en dégageant rapidement du revenu.
Installés fin 2017 en Centre Bretagne, Nicolas et Frédéric Quilleré ont fait le choix de reprendre un site aussi âgé qu’eux pour lui donner une seconde vie, tout en dégageant rapidement du revenu.
« Lorsque nous avons repris ce site de trois poulaillers dynamiques de 1000 mètres carrés en octobre 2017, il était en piteux état », se remémore Nicolas Quilleré, éleveur de poulets sexés lourds à Noyal Pontivy (Morbihan).
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Des ventilateurs hors service, du matériel usé, des arbres qui poussaient autour… » Cette vétusté était compensée par un prix de 10 euros le mètre carré. « Cela nous a donné une capacité à investir assez colossale. »
En revanche, il leur a fallu vite réviser leur plan initial. « On avait lancé la rénovation d’un poulailler en faisant tourner les deux autres, et en se disant qu’on les arrêterait au fur et à mesure des travaux. Au bout de deux lots, les mauvais résultats et le temps perdu à bricoler et à dépanner nous ont décidés à nous focaliser uniquement sur la remise à neuf des trois. » De sorte que l’ensemble du site a été 100 % d’aplomb en octobre 2018.
Charpente et isolation de toiture essentielles
Construits entre 1984 et 1988, ces poulaillers à ventilation dynamique de 15 mètres de large étaient tous différents : charpente en métal ou en bois lamellé-collé, ventilation à extraction haute ou transversale, volets constructeurs continus ou trappes discontinues, soubassements en brique ou en agglo, sous toiture en bois et laine de roche ou en polyuréthanne…
« Peu importait. L’essentiel pour une reprise, c’est de s’assurer de la solidité de la structure et d’avoir une isolation de toiture à ne pas refaire. Tout le reste a été remplacé. » Pour simplifier leur travail au quotidien, ils ont choisi de rééquiper les trois à l’identique avec du matériel éprouvé.
« Faire soi-même une partie des travaux fait énormément économiser », souligne Nicolas, d’autant que les rénovations motivent moins les entreprises. Les deux éleveurs ont refait les pignons (sept fois moins cher que les devis), les côtés (démontage, remontage de panneaux neufs, pose de trappes discontinues et de fenêtres), le terrassement et la maçonnerie (sauf le coulage et le surfaçage). Les frères ont également aménagé les sas sanitaires et les locaux annexes (un bureau par poulailler, salle de traitement de l’eau, groupe électrogène…).
La première rénovation a permis de se caler. Ils ont compris qu’il ne fallait pas chercher de fausses économies. « N’ayant pas abattu toutes les parois latérales, il a fallu recouper les panneaux neufs, poser des profilés et faire des raccords, d’où du gaspillage de matériau et de temps. Même chose pour protéger les entrées d’air avec une jupe en bac acier plutôt qu’avec des capots. En ajoutant le bois, la visserie, le temps passé, la différence de coût est minime. »
Investir ce qu’il faut pour performer
Au bout du compte, la rénovation complète est revenue à 140 euros du mètre carré (420 000 €) s’ajoutant aux 10 euros de l’achat. « Aujourd’hui, il faudrait ajouter 100 euros du mètre carré », estime Nicolas, s’appuyant sur la rénovation en cours sur un autre site.
Pour dégager un revenu suffisant aux deux familles, il fallait un outil capable de performer et d’offrir de bonnes conditions de travail, tout en investissant pas trop. « Y parvenir avec du poulailler neuf nous semblait extrêmement périlleux, d’où notre choix. »
La production avait son importance. Ici, c’est du poulet lourd, même si l’équipement permet d’élever de la dinde ou encore de la pintade. « J’ai de plus en plus de doutes vis-à-vis de la polyvalence d’élevage des bâtiments. » Ici, il y a de la place pour ajouter des jardins d’hiver, mais pour quel résultat économique ?
Leur business plan tenait en trois chiffres prévisionnels raisonnables : 54 €/m²/an de marge poussin-aliment (avec 5,4 lots/an), 20 €/m²/an de charges variables (hors main-d’œuvre), 17 €/m²/an d’annuités des poulaillers (remboursés en dix ans). Ils ont tout emprunté, en apportant la trésorerie correspondant à un an de rémunération.
Pour autant, il ne s’agissait pas de démarrer avec un outil qui aurait plafonné techniquement. « C’est le cercle vicieux : on fait des résultats médiocres, on perd de l’argent, on se démotive et ainsi de suite. Et si l’on a besoin de réinvestir, c’est un mauvais signe donné au banquier. »
Leur objectif de performance a largement été dépassé, avec une MPA de 80 €/m²/an et des charges à 17 €/m² jusqu'à cette année, les situant dans le tiers supérieur des éleveurs de leur groupement Gaevol.
Forts de ces résultats, ils ont gagné la confiance de leur banquier. Ils ont encore investi 40 000 euros dans l’enrobage des abords et 40000 euros dans un hangar de stockage qui leur permet de faire des économies sur la consommation de sciure.
Pas d’investissement improductif
Les deux frères sont attentifs à comprimer leurs charges au maximum, en dehors de l’essentiel.
L’équipement en matériel est réduit à un tracteur de 80 CV pour le distributeur d’aliment de démarrage et la lame qui étale la litière, à une balayeuse d’occasion rachetée à une commune et à un nettoyeur haute pression (loué les premiers mois). Pas question d’avoir un télescopique. « Pour vider les poulets et curer les bâtiments, nous le louons à la journée environ 200 euros et ça nous va très bien. »
Nicolas et Frédéric font toujours la balance entre les plus et les moins. « On n’hésitera pas à faire appel à des prestataires, si le bénéfice est supérieur à la dépense. Par exemple pour raccourcir les rotations. Je n’oublie jamais qu’ici un jour de vide équivaut à 700 euros de marge nette en moins ! »
Les cinq conseils de Nicolas
Avoir des poulaillers aux bases saines (charpente, toiture isolée)
Ne pas sous-investir ni surinvestir
Choisir du matériel éprouvé
Fixer ses limites d’investissement pour un revenu atteignable
Penser aux conditions de travail pour rester motivé
Ventilation dynamique mixte
La ventilation Skov installée est assez répandue depuis quelques années, avec le schéma suivant : des entrées d’air discontinues des deux côtés, une extraction haute par cheminées (cinq ici), un fonctionnement en régime variable (deux ici) ou en continu à 16 000 m3/h, deux turbines de 52 600 m3/h en pignon dont une en variable.
S’ajoutent quatre brasseurs d’air verticaux de puissance variable (16 000 m3/h au maximum). En position haute au démarrage, ils déstratifient l’air chaud. En position basse en fin d’élevage, ils créent de la vitesse d’air en cas de coup de chaleur. « Leur utilisation est à éviter entre quinze et vingt-cinq jours pour ne pas avoir de survitesse d’air », souligne Nicolas Quilleré.
Selon lui, cette marque est une des plus facile à prendre en main pour un débutant. Il apprécie le tableau de bord personnalisé consultable de n’importe quel ordinateur ou smartphone. « Ça facilite le suivi, notamment avec ses points colorés (vert, orange, rouge) qui visualisent les points à surveiller en priorité. »
Un binôme complémentaire
Avec près de onze passées dans la nutrition animale (dont dix chez un des leaders bretons) à l’issue d’une formation d’ingénieur agricole (Esa d’Angers), Nicolas Quilleré a eu envie de changer d’air avec Frédéric, son cadet de trois ans. Frédéric a tourné la page de douze années dans les travaux publics et s’est formé en volailles durant un an.
Ces parcours différents servent beaucoup au binôme, Nicolas étant plutôt branché sur l’élevage et Frédéric sur la rénovation. Être en binôme permet aussi à chacun de déconnecter de l’élevage un week-end sur deux et quatre semaines par an.
À la fin de l’année, ils piloteront trois sites spécialisés révisés de fond en comble depuis 2018 : poulet lourd, œufs bio et poulettes bio sur le site dernièrement rénové.