Perspectives économiques : « Les aviculteurs veulent plus de sécurité »
Dans un contexte général économique, social, géopolitique de plus en plus incertain, les aviculteurs ont besoin d’être mieux sécurisés, estime Jean-Michel Schaeffer, président de la Confédération française de l’aviculture.
Aviculteur alsacien de poulet Label rouge et président de la CFA, section avicole de la FNSEA, Jean-Michel Schaeffer est aussi président de l’interprofession de la volaille de chair (Anvol) et de l’Itavi.
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P. Le Douarin
On parle de malaise agricole, mais existe-t-il un malaise avicole ?
Jean-Michel Schaeffer- « Oui, il existe un malaise des aviculteurs qui rejoint ceux de leurs collègues des autres filières. J’identifie trois niveaux de malaise. Le sentiment de déclin général saisit beaucoup d’entre nous. Il devient alors difficile de se projeter avec une vision dynamique de développement de ses activités. Au quotidien, mes collègues trouvent que tout devient de plus en plus compliqué avec les règles et normes à respecter, les surréglementations, les déclarations à faire, les contrôles à subir, les difficultés au moindre projet de croissance de son élevage… Tout cela finit par miner les esprits et plomber le moral. Malgré tout, ils ont envie d’avancer, mais le contexte politique français et européen n’est guère incitatif ».
Ce métier est-il suffisamment rémunérateur ?
Jean-Michel Schaeffer- « C’est une question à laquelle il m’est difficile de répondre, tant les situations personnelles diffèrent, d’une production à l’autre, d’une région à l’autre, d’une organisation à l’autre. La solidité de nos filières longues repose sur une contractualisation qui lie fortement les maillons et qui sécurise le maillon de l’élevage en évitant une trop grande fluctuation des volumes et des prix. Jusqu’à maintenant, le contrat liant éleveurs et organisations de production fixe une rémunération qui dépend de la rotation et des performances liées au coût alimentaire. Mais sans compter les charges d’élevage. Les aviculteurs ressentent l’explosion de leurs charges (équipement, construction, énergies, assurances, main-d’œuvre…). Beaucoup me disent que leur reste disponible s’amenuise malgré des hausses de la marge poussin-aliment. Ce sentiment est plus fort chez les nouveaux investisseurs pour qui le compte n’y est pas ».
Quelles sont les pistes à creuser pour dégager du revenu ?
Jean-Michel Schaeffer- « À la CFA, comme à l’Anvol, nous militons pour améliorer la situation économique dans les élevages et sur les marchés. Il faut redonner de l’air aux éleveurs en simplifiant les réglementations aux injonctions contradictoires, sans parler de leur coût. Les éleveurs aimeraient une sécurisation de leur contrat étendue aux charges d’élevage, ainsi que des rotations de lots garanties, car certaines productions ont connu des ralentissements au début de l’année 2024. Je suis conscient que c’est une question épineuse à résoudre si on veut éviter de trop stocker d’invendus dans les congélateurs ».
Les charges d’élevage pourraient-elles être prises en compte dans les négociations contractuelles ?
Jean-Michel Schaeffer- « Le sujet a été souvent soulevé à la CFA, et même à l’Anvol : Pourrait-on inclure des indicateurs supplémentaires (énergies, main-d’œuvre, investissements…) dans les contrats élevage et dans la loi EGalim ? Si nous arrivions à les établir, il faudrait ensuite les faire adopter. Je dois dire que les entreprises n’y sont guère favorables, de crainte de « soviétiser » le système et de créer un cadre rigide contre-productif. Mais nous souhaitons que ces indicateurs existent, ne serait-ce que pour éclairer les discussions entre éleveurs et organisations ».
Les nouveaux investisseurs sont-ils suffisamment bien accompagnés ?
Jean-Michel Schaeffer- « Nous savons tous que les coûts d’investissement ont fortement augmentés. Beaucoup trouvent qu’il faudrait une meilleure prise en compte pour sécuriser les nouveaux investisseurs. Leur revenu est modeste, eu égard au capital engagé qui dépasse un million d’euros pour une activité à temps plein. Est-ce que la nouvelle génération est prête à autant investir et à rembourser si longtemps en dégageant si peu ? »