Orvia sélectionne la mouche soldat noire
S’inspirant de son savoir-faire avicole, le groupe Orvia s’est lancé dans l’amélioration génétique de la mouche soldat.
S’inspirant de son savoir-faire avicole, le groupe Orvia s’est lancé dans l’amélioration génétique de la mouche soldat.
Benoît Gourmaud, PDG du groupe familial d’accouvage et de sélection, a fait le choix de se lancer dans la génétique de la mouche soldat voici deux ans. En effet, le canard et l’insecte ont des points communs : de l’ADN, des gènes, une reproduction sexuée avec des œufs, des larves ou des canetons autonomes de leurs parents. « L’élevage des insectes est une filière émergente qui est peut-être promise à un grand avenir, un peu comme le furent les volailles, explique-il. Les travaux sur la génétique des insectes sont embryonnaires, un peu comme celle du canard dans les années soixante-dix. » L’autre motivation du PDG d’Orvia, c’est que l’élevage de la mouche soldat « a tout d’un modèle économique vertueux et durable ».
Gagner trois à quatre ans de recherche-développement
Benoît Gourmaud a voulu rester sur son métier de prédilection, celui de la génétique, laissant à d’autres le soin d’élever et de valoriser les insectes. Fin 2017, il s’est donc associé à Cycle Farms, une start-up fondée en 2015 par deux jeunes ingénieurs agronomes avec lesquels il partage la même vision. « Sans cela, il nous aurait fallu plusieurs années pour identifier les enjeux et acquérir les compétences. C’est le temps qu’il faudra pour passer à l’échelle industrielle. » Devenu actionnaire de Cycle Farms, Orvia réalise l’amélioration génétique, mais n’intervient pas dans la marche de l’entreprise. La start-up a un pied près d’Angers et l’autre au Ghana. Le site français abrite la R & D, tandis que la base africaine constitue l’usine-pilote. L’implantation a été choisie notamment en raison d’un gisement très important et régulier en déchets de fruits (mangues, ananas…) et de la présence d’une activité aquacole (tilapia et silures) assurant un débouché immédiat.
Éprouver sur pièces le modèle économique
L’usine combine la reproduction dans des volières, l’élevage avec les déchets de fruits, la fabrication de farine et d’huile, puis la fabrication d’aliments aquacoles. « Pour convaincre les utilisateurs de l’intérêt des insectes et pour en garder la maîtrise, Cycle Farms devait aller jusqu’à l’aliment », justifie Benoît Gourmaud. Elle a démarré en avril 2019 avec de l’aliment conventionnel. L’incorporation d’issus de larves a commencé l’été dernier et se fera progressivement. L’objectif est de produire 5 000 tonnes d’aliment avec 200 tonnes d’issus de larves par an. « Nous sommes en train d’identifier les points de valeur de cette chaîne de production, intermédiaire entre le laboratoire et l’industrie. » Ce site préindustriel ne préjuge pas de ce que sera le futur modèle de production, ni où il se fera. Une fois défini, il a vocation à être dupliqué au moins dans les zones chaudes de production aquacole. « Nous passerons à cette étape si et seulement si nous prouvons que l’activité est rentable et qu’elle finance la sélection. Notre développement sera plus lent qu’en levant des fonds auprès d’investisseurs, mais il sera plus sûr, soutient le PDG. Nous devrons aussi prouver que nos mouches améliorées seront plus intéressantes que celles issues d’une sélection massale et d’auto-renouvellement. Avec des insectes à cycle de vie court élevés en grand nombre, le sanitaire et la consanguinité sont très importants à maîtriser. »