Orvia finalise l’ovosexage des canetons mulards
À l’issue de dix ans de recherche et développement, le sélectionneur et accouveur Orvia entre dans la phase finale de son projet au nom de code « SOC », pour Sexage dans l’Œuf de Canard.
À l’issue de dix ans de recherche et développement, le sélectionneur et accouveur Orvia entre dans la phase finale de son projet au nom de code « SOC », pour Sexage dans l’Œuf de Canard.
Encore quelques mois à attendre pour les acheteurs des canetons mulards Stimul MG AS et MGC AS d’Orvia qui seront bientôt sexés au cours de l’incubation. La couleur des yeux — rouge pour les femelles et noire pour les mâles — qui est utilisée pour les trier à l’éclosion, peut désormais être observée au dixième jour d’incubation. Durant l’été, un prototype préindustriel a été testé en conditions expérimentales, une mécanique de précision permettant d’acquérir une vision à 360 degrés de l’œuf, équipée d’un système d’éclairage, de rotation et de prise d’images de haute technologie. Le tout en un minimum de temps. Les images sont interprétées par un système informatique expert auto apprenant d’intelligence artificielle.
Remplacer le mirage par l’ovosexage
La première machine sera installée début 2021 au Couvoir de la Seigneurtière, en Loire-Atlantique. « Après l’incontournable période de mise au point, nous l’implanterons progressivement dans nos trois autres sites de production de canetons mulards (1). Les œufs seront ovosexés seulement à la demande des clients. Nous sommes là pour répondre à leurs attentes, et non imposer ce nouveau traitement… », insiste Éric Houël, le directeur général du groupe, qui poursuit : « Cette machine qui fonctionnera à une cadence compatible avec nos besoins (environ 20 000 œufs à l’heure), ressemblera à une mireuse dont elle prendra la place. » Défilant en continu sur plusieurs lignes, les œufs embryonnés seront flashés à 10 jours. Quelques secondes suffiront pour obtenir le résultat, avec une fiabilité d’au moins 95 %. Ils seront automatiquement triés et séparés au sortir de l’appareil en trois circuits (mâle, femelle, infertile) au lieu de deux dans une mireuse. Les infertiles et les œufs femelles seront valorisés en alimentation animale, tandis que les œufs mâles retourneront en incubation.
L’aboutissement de 25 années de recherches
Cette innovation technologique est l’aboutissement de longs travaux de sélection. Elle a débuté en 1995 avec la découverte tout à fait fortuite de l’allèle récessif du gène de coloration de l’œil porté par le chromosome sexuel mâle Z. Les généticiens d’Orvia, notamment Bernard Alletru, directeur de Gourmaud Sélection, l’ont d’abord utilisée pour mettre au point la détermination visuelle du sexe à l’éclosion. Elle a remplacé le sexage visuel au cloaque. « En 2008, nous avons obtenu un Innov’Space pour cette innovation", explique Jean-Pierre Nanet, le directeur production couvoirs du groupe. L’équipe R & D d’Orvia s’est dit qu’elle pourrait peut-être aller plus loin en visualisant les yeux sur les embryons selon un procédé à trouver. Il a fallu trois projets d’études pour trouver le bon. Finalement, pour obtenir les 95 % de fiabilité souhaitée, l’équipe a opté pour un système de haute résolution en optique, associé aux performances de l’intelligence artificielle et aux dernières technologies en matière de traitement d’images. « Nous avons amélioré ce que l’œil humain voit par transparence, en faisant tourner l’œuf pour trouver l’œil de l’embryon qui se forme du côté de la chambre à air à partir du sixième jour. »
L’étude des coûts est en cours
Quant au coût du caneton ovosexé, Éric Houël ne peut pas encore annoncer de chiffre. « Nous le saurons vraiment quand nous aurons validé et fiabilisé le modèle industriel. » Il y a bien entendu à prendre en compte l’investissement et le nombre d’œufs sexés, mais aussi les coûts d’exploitation du couvoir dont l’organisation sera modifiée. À capacité de production identique, le nombre d’incubateurs et d’éclosoirs va se réduire. « Si on ovosexe tout, on estime avoir besoin de 23 % de place en moins » calcule Jean-Pierre Nanet. Le mirage ne sera plus réalisé ; les coûts liés à l’énergie, au nettoyage-désinfection des machines, à l’équarrissage, etc. seront modifiés. « Notre objectif est bien de diminuer au maximum le coût du procédé », assure Éric Houël. Avec une baisse de 13,5 % des mises en place de mulards envisagée cette année (28 millions au lieu de 32,5 en 2019), cette question est cruciale. Tout comme de savoir si la filière pourra répercuter ce surcoût sur le produit final.
Respecter quatre conditions
Le projet a abouti parce qu’il est parvenu à réunir quatre conditions impératives pour Orvia :
-La précocité de la détection, avant l’âge supposé de la sensitivité de l’embryon qui apparaîtrait à partir du premier tiers du développement embryonnaire ;
-La non-intrusion du procédé pour respecter l’intégrité de l’œuf et ne pas l’altérer ;
-La fiabilité du résultat afin d’obtenir au moins 95 % de détermination ;
-La rapidité d’exécution du process pour être compatible avec le fonctionnement quotidien d’un couvoir et minimiser le surcoût.
Une découverte génétique bien exploitée
« La couleur rouge n’est apparue qu’une seule fois lors des éclosions de nos canetons Barbarie des lignées en sélection. En 1995 et jamais plus depuis, souligne Bernard Alletru. L’événement n’a concerné que quelques individus que nous avons eu le réflexe de conserver. »
La mutation concerne le gène de pigmentation de l’œil porté uniquement par le chromosome sexuel mâle. Le phénotype « yeux rouges » s’exprime sur des mâles au génotype ZZ doublement récessif ou sur des femelles ZW, avec Z portant l’allèle récessif, W étant exempt du gène.
Il a fallu une dizaine de générations pour introduire et stabiliser ce gène dans les lignées en sélection, tout en continuant à améliorer les caractéristiques de production.
Depuis 1995, trente générations se sont écoulées et tous les accouplements impliquant ce gène récessif ont été répertoriés. « Grâce aux tests moléculaires mis au point en 2010 avec l’Inrae et l’Inserm, nous pouvons démontrer la présence de ce gène sur des canards, avec la certitude que ces animaux ont des ancêtres issus de notre génétique. »