In Vivo NSA, devenue depuis peu Neovia, a vécu une transformation en profondeur. Pourquoi ce virage radical ?
Hubert de Roquefeuil - «En 2010, la société n’était pas en bonne forme et exposée à de multiples risques que nous avons identifiés : volatilité des matières premières, épidémies, parité des monnaies, crises politiques, manque d’attractivité de talents… Nous avons bâti une nouvelle stratégie fondée sur un modèle résilient, en tenant compte de ces risques, afin de passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux. C’est-à-dire surtout ne pas faire un seul métier, pas sur un seul marché et pas avec une seule espèce. »
Comment cette volonté de diversification se concrétise-t-elle ?
Hubert de Roquefeuil - « Très franco dépendants de la nutrition animale, nous avons vendu nos actifs industriels non stratégiques à des coopératives, en gardant des participations minoritaires. Nous avons réinvesti dans d’autres pays, en commençant par le Mexique en 2011. En quatre ans, nous avons fait 44 acquisitions. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 28 pays, avec trois activités quasiment nouvelles (animaux de compagnie, additifs fonctionnels, aquaculture). En nutrition animale, nous sommes très présents en Amérique du sud et en Asie, et bientôt en Afrique. 85 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’international contre 50 % en 2010. Nous sommes désendettés. La rentabilité a été triplée et nous avons eu un dernier exercice historique (presque 100 M€ d’Ebitda). »
Quelle est la recette de ce succès ?
Hubert de Roquefeuil - « Je ne vous la donnerai pas, mais je suis très attaché à la notion d’agilité. Ce n’est pas parce que les grands caps sont fixés qu’il ne faut pas remettre en cause son modèle et regarder comment l’améliorer en permanence. L’ouverture internationale nous irrigue et nous fait avancer. Nous n’hésiterons pas à sortir d’une activité pour être plus forts dans les six autres. Cela devrait nous permettre d’atteindre l’objectif de doubler le chiffre d’affaires en 2021 (3 milliards d’€), avec de la croissance interne et externe (5 à 10 rachats cette année) et des partenariats stratégiques. On veut surtout être rentables pour investir et sécuriser le futur. »
Vous croyez énormément à l’innovation et au Digital en créant un centre mondial d’innovation We’nov en Bretagne…
Hubert de Roquefeuil - « D’abord We’nov est le signe que nous continuons à croire et à investir en France. D’autre part, il s’agit de piloter une innovation totalement revisitée. C’est-à-dire décloisonnée dans l’entreprise (marketing, design, R & D, digital… réunis) et ouverte à des partenariats. Multiculturel (14 nationalités aujourd’hui), notre centre a vocation à faire progresser les connaissances. Le digital sera un accélérateur d’innovation dans nos métiers et pour les agriculteurs français. Nous allons créer une ferme du futur multiconnectée au siège de Saint-Nolff. Nous sommes prêts à la faire avec d’autres, ici et ailleurs. »
Vous avez dit que l’agriculture française a besoin que l’on croit en elle. C’est-à-dire ?
Hubert de Roquefeuil - « Par rapport à d’autres pays, la France ne soutient pas assez son agriculture. Nos décideurs politiques ne savent pas se positionner entre le modèle bucolique (Suisse, Autriche) et industriel (Espagne, Norvège), eux parfaitement assumés. En France, on pourrait avoir les deux. Comment limiter les impacts environnementaux si on ne peut pas augmenter la dimension des élevages ? Résultat, notre agriculture risque de sombrer. Les agriculteurs français ont besoin qu’on croit en eux parce qu’ils sont parmi les meilleurs du monde. Il n’est pas trop tard pour réagir. Je crois beaucoup aux changements de rupture qui bousculent des systèmes en place pour le bien de tous. La France peut sortir par le haut et Neovia veut y contribuer. »
« Un modèle agile à l’épreuve du feu »