Les exosquelettes ont du potentiel pour soulager le travail des aviculteurs
Conçus pour soulager des gestes susceptibles de générer des troubles musculosquelettiques (TMS), les exosquelettes pourraient se démocratiser en aviculture. A condition d’adopter une démarche d’appropriation cohérente.
Conçus pour soulager des gestes susceptibles de générer des troubles musculosquelettiques (TMS), les exosquelettes pourraient se démocratiser en aviculture. A condition d’adopter une démarche d’appropriation cohérente.
D’abord créés afin de maximiser les capacités physiques des soldats des armées modernes, les exosquelettes gagnent en visibilité depuis qu’ils se répandent dans le domaine civil : industrie automobile, construction, logistique, médecine réparatrice, industrie agro-alimentaire.
Même l’agriculture découvre leurs possibilités à travers les initiatives d’utilisateurs curieux ou désirant soulager des douleurs chroniques.
Soulager plutôt qu’augmenter l’effort
L’exosquelette est une structure à visée mécanique, revêtu pour assister son opérateur en allégeant la capacité physique nécessaire à l’exécution d’une tâche. L’assistance peut être fournie par des moteurs (RAP : robot d’assistance physique) ou par des mécanismes passifs (DAP : dispositif d’assistance physique ) au moyen de ressorts, câbles, lames... qui répartissent l’énergie fournie par l’utilisateur vers d’autres régions du corps.« La catégorie des DAP représente 95 % du marché mondial dans le secteur professionnel, hors médical », estime Bérenger Le Tellier, docteur en biomécanique chez le fabricant français Ergosanté.
Les exosquelettes passifs sont conçus pour soulager des régions précises : épaules, bras, zone lombaire, jambes. Il n’est pas question de créer des hommes « augmentés », type Ironman.
Pour le futur utilisateur, les deux questions qui se posent sont : « ai-je besoin d’un exosquelette ? » et si oui : « lequel choisir ? ». Car un exosquelette ne s’acquiert pas comme une perceuse électrique.
Evaluer ses besoins avant de choisir
Les raisons de s’équiper sont de trois ordres : préserver la santé future des jeunes actifs, protéger celle des exploitants en souffrance, attirer et garder des salariés dans des métiers physiques. En aviculture, les gestes pénibles concernent notamment le lavage des bâtiments (bras levés et résistance à une forte pression), l’attrapage des volailles (ramassage, transfert, interventions), l’engraissement des canards (saisie et embucquage), le port de charges (caisses d’œufs ou de volailles, sacs d’aliment, bottes de paille...), l’entretien manuel des litières.
Pour se décider, la MSA estime qu’il faut adopter une démarche globale. D’abord chercher à résoudre les causes des TMS en réaménageant ses tâches et les postes de travail, plutôt que d’atténuer les troubles par des assistances. Elle avance aussi que ces dispositifs récents manquent d’évaluation, en soulignant que les exosquelettes peuvent aussi générer des troubles.
En effet, pour le moment il n’existe pas de norme technique (type CE) sur les exosquelettes passifs permettant de trier le bon grain de l’ivraie. « Ils ne rentrent dans aucune case réglementaire » admet Bérenger Le Tellier.
Préparer l’intégration de l’exosquelette
En pointe dans ce domaine, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a publié fin 2022 un guide destiné aux préventeurs. L’INRS y détaille les trois grandes étapes à respecter pour intégrer un exosquelette : analyser les situations de travail et les taches pour choisir le bon produit, évaluer les interactions homme-exosquelette en situation de travail, faire un retour d’expérience. Cette année, l’Afnor publiera la norme sur la démarche d’intégration d’un exosquelette dans une entreprise, pas sur le matériel.
En agriculture, les rares retours d’expérience concernent l’activité de traite. Pour un même modèle, les avis divergent quant à l’efficacité de l’assistance et la facilité d’utilisation (solidité, encombrement). La plupart des testeurs s’accordent à dire qu’il ont besoin d’un temps d’adaptation et de conseils pour les réglages. A l’image du port de masque par temps de Covid, une perturbation des habitudes demande un temps d’acceptation. Enfin, ils y trouvent un intérêt (« soulager ») même si toutes leurs attentes ne sont pas satisfaites.
Malgré les réticences de la MSA à financer ces dispositifs, « plus de deux cents éleveurs laitiers ont adopté un de nos exosquelettes » assure Benoît Sagot-Duvauroux de l’entreprise Europe Technologies (Gobio).
Pour choisir son modèle, il faudrait donc tester suffisamment un ou plusieurs appareils. En première approche, des exosquelettes sont testables chez des loueurs de matériel et la société Ergosanté propose une Appli gratuite (« LEA ») permettant d’objectiver les contraintes posturales par vidéo. Pour ne pas se tromper, il parait important d’être accompagné par un ergonome. Il étudiera les solutions techniques (postures, modifications du poste de travail, choix) mais aussi les freins psychologiques (acceptation par l’entourage, image de soi...). Mieux vaut d’abord solliciter les organismes sociaux, ou à défaut des fournisseurs.
Une offre qui s’étoffe
Face à une demande potentielle importante, les fabricants avancent vite. Ils rivalisent d’ingéniosité en biomécanique, informatique, intelligence artificielle, design... pour les améliorer et les rendre plus accessibles. « Notre dernière génération d’appareils n’a plus rien à voir avec les précédentes, confie Bérenger Le Tellier (Ergosanté). Elle est plus légère, facile à mettre et enlever, à régler, lavable, afin de faciliter son acceptation par les utilisateurs. » A titre didactique, cette société vient de lancer un capteur mesurant les économies d’efforts réalisées avec son exosquelette lombaire.