Les basses-cours, un risque influenza faible à négligeable
La chaire de biosécurité aviaire montre que les basses-cours ont fait courir peu de risques aux élevages professionnels pendant l'épisode influenza 2016-2017.
La chaire de biosécurité aviaire montre que les basses-cours ont fait courir peu de risques aux élevages professionnels pendant l'épisode influenza 2016-2017.
Il y a quelques mois, certains se demandaient pourquoi les volailles de basse-cour détenues par des particuliers ne faisaient pas partie du plan préventif d’abattage. Hormis l’émoi sociétal et médiatique que cette décision aurait provoqué(1), l’intérêt sanitaire de cette mesure n’était pas clairement identifié. Quelle était donc la responsabilité épidémiologique des volailles de basse-cour dans la propagation des virus influenza H5N8 hautement pathogène ? C’est pour y répondre que la chaire de biosécurité aviaire de Toulouse a réalisé une enquête dans le Gers, laquelle a été présentée au salon Space(2). Entre janvier et mars 2017, Marie Souvestre, docteur vétérinaire, a visité 70 des 169 élevages familiaux répertoriés dans le périmètre d’un kilomètre autour de 69 foyers de H5N8 notifiés dans 60 communes. La basse-cour gersoise enquêtée comporte en moyenne quatorze poules ou poulets, deux canards et une oie. La vétérinaire a pratiqué des prélèvements sanguins pour témoigner du passage de virus influenza. Elle a interrogé les propriétaires pour évaluer leurs pratiques de biosécurité et les risques épidémiologiques.
Le lien humain est primordial
Ses conclusions ? Avec cinq fois plus de chance de détecter le passage d’un virus de sous type H5, la présence de palmipèdes est un risque majeur, mais ce n’est pas le seul. Une activité avicole professionnelle, exercée par le propriétaire ou une personne de son entourage, multiplie ce risque par vingt. Environ 20 % des détenteurs ont un lien avec l’aviculture professionnelle au sein de leur foyer (17 %) ou via l’entraide à des éleveurs (4 %). Et dans la majorité des basses-cours retrouvées positives en H5, le propriétaire ou son fils est éleveur de volailles ou gaveur avec son élevage à proximité. Le sous-type H5N8 a été détecté une seule fois dans une basse-cour dont un détenteur travaillait dans une conserverie de produits de volailles. C’est donc plutôt le secteur commercial qui contaminerait les élevages familiaux via le lien humain que le contraire.
La conclusion indirecte de cette enquête est « les volailles de basse-cour ne constitueraient pas de bonnes sentinelles pour alerter de la présence des virus hautement pathogènes, estime le professeur Jean-Luc Guérin. Sinon les basses-cours enquêtées l’auraient indiqué. Dans le périmètre du premier kilomètre, la dissémination du virus par voie aérosol n’est somme toute pas facile. »
Sensibiliser les particuliers au sanitaire
Concernant les mesures de biosécurité en place, 57 % des détenteurs distribuent l’eau et l’aliment à l’abri (précaution surtout climatique) et les trois quarts délimitent le parcours. Un bon tiers dit avoir modifié ses pratiques de biosécurité dans le contexte de l’épizootie, mais la quasi-totalité n’utilise ni tenue ni chaussures spécifiques, et un tiers ne se lave pas les mains, ni avant ni après la visite de la basse-cour. Les trois quarts des détenteurs ont introduit un oiseau sur l’année, et vendu ou échangé des œufs avec la famille ou avec le voisinage. Enfin, aucun d’entre eux n’est suivi par un vétérinaire.
À l’avenir, Marie Souvestre envisage de préciser les flux d’animaux et les liens épidémiologiques des élevages familiaux ruraux et urbains avec le secteur commercial, en utilisant d’autres marqueurs biologiques, notamment les mycoplasmes et la laryngotrachéite. Face au boom des petits élevages familiaux en milieu urbain, l’École vétérinaire de Toulouse étudie la prévalence des maladies et sensibilise les particuliers et les vétérinaires urbains à travers le projet collaboratif et participatif. « Cela permet d’apporter des bénéfices réciproques aux deux secteurs, commerciaux et non commerciaux, mais il n’est pas simple d’enquêter sur la santé des poules urbaines » conclut Marie Souvestre.
(1) Des éleveurs professionnels se sont aussi opposés à l’euthanasie de leurs cheptels.(2) Intervention dans le cadre de la matinée d’actualités pathologiques organisée par l’association mondiale vétérinaire d’aviculture et le journal Filières avicoles.