Malgré les efforts de reconquête du marché intérieur déployés depuis deux-trois ans, la part du poulet importé ne diminue pas. Comment l’expliquer ?
Jean-Michel Schaeffer - "Il est vrai que les volumes d’importation ont progressé mais la part qu’ils représentent dans la consommation française n’augmente plus. C’est une chance, la volaille est l’une des rares viandes dont la consommation par habitant augmente. Mais en parallèle, nous sommes face à un changement profond des habitudes de consommation. Les achats de volailles en grande distribution marquent le pas tandis que le segment de la restauration hors domicile (RHD) se développe. Or, ce dernier est la principale porte d’entrée des volailles importées. La filière est à la croisée des chemins. Elle doit être à la fois compétitive sur le marché de la RHD en croissance tout en poussant la segmentation (développement du bio et du label rouge). Or, c’est sur le secteur de la grande distribution, qui stagne, qu’on arrive le mieux à valoriser les signes de qualité officiels. Cela pose les limites de la montée en gamme."
Comment la filière française peut-elle réussir à mieux capter le segment de la RHD ?
J.-M. S.- "La filière est en mouvement vers la reconquête. Cela se concrétise par des investissements importants en élevage et dans les abattoirs pour avoir des outils plus compétitifs, dédiés aux marchés de la RHD. Mais cette reconquête ne pourra se faire sans l’aide des pouvoirs publics, en particulier sur l’étiquetage de l’origine des produits. L’expérimentation française sur l’étiquetage des produits transformés a été récemment reconduite. Il faut qu’elle puisse être déployée à l’ensemble des États membres qui le souhaitent et qu’en France, elle soit élargie au segment de la RHD. Il ne faudrait pas que l’augmentation de la consommation ne profite qu’aux importations. On a besoin d’une Europe qui protège plus nos intérêts, à un double niveau. D’abord en informant mieux le consommateur grâce à l’étiquetage et en contrôlant davantage le respect des accords de libre-échange (contrôles sanitaires renforcés, application des droits de douane et surveillance des failles juridiques…). N’oublions pas qu’un quart des volumes importés en Europe se font sous forme de filets et qu’il s’agit du morceau le plus consommé en France."
Où en est le plan d’investissement annoncé par Emmanuel Macron ?
J.-M. S.- "Nous sommes déçus car nous sommes toujours en attente d’éléments concrets sur la mise en œuvre de ce plan de cinq milliards d’euros annoncé fin 2017 lors du lancement des États généraux de l’alimentation. Il aurait permis d’accélérer les investissements."
Quel bilan faites-vous des retombées de la Loi Egalim ?
J.-M. S.- "Les États généraux de l’alimentation ont permis de créer les conditions favorables pour finaliser l’interprofession, en discussion depuis plusieurs années. On dispose désormais d’un lieu d’échanges entre tous les maillons, en particulier ceux de la distribution et de la RHD. Un indicateur de coût des matières premières et un indicateur de marché ont été validés. Cet automne, cela a par exemple permis de débattre en toute transparence de la hausse du prix des matières premières. Le travail sur des indicateurs globaux de coût de production se poursuit. Concernant l’ordonnance sur l’encadrement des promotions, il est encore trop tôt pour en tirer un premier bilan. Notre crainte est qu’une baisse brutale des volumes en promotion, — plutôt qu’une baisse progressive comme nous le suggérions —, ne se solde par une baisse des ventes sur le début de l’année, notamment des volailles label, car elles sont surtout mises en avant lors des promotions."
"On a besoin d’une Europe qui protège plus"