« Je suis passée du dynamique au statique dans mon poulailler avec jardin d'hiver»
Productrice de dindes et de poulets avec un bâtiment dynamique créé en 2016, Clémence Bellanger a construit un second poulailler l’an dernier, cette fois-ci en ventilation naturelle avec une véranda.
Les deux poulaillers de Clémence Bellanger détonnent dans ce paysage beauceron de grandes cultures où les rares volatiles visibles que l’on croise sur la route sont quelques faisans égarés.
Installée à Escrennes, dans le Loiret, La jeune femme de 32 ans vient de démarrer son premier lot de dindes dans le nouveau bâtiment de 1300 m² (13 x 100) achevé en décembre 2023, jouxtant celui démarré en 2016. Un œil averti détecte que ce dernier est radicalement différent du premier (un dynamique type Colorado), avec sa ventilation statique à lanterneau et sa véranda bétonnée de 500 m² (5 x 100) où les dindes de 50 jours sortent déjà depuis une semaine.
Ce matin-là, il fait 8 °C à l’extérieur et en plein vent, 21 °C à l’intérieur et 18 °C dans la véranda. Celle-ci est remplie de dindes faisant la course et battant des ailes. « Elles ont occupé toute la véranda en moins de 30 minutes, souligne Clémence Bellanger. J’ai avancé la sortie à 42 jours (normalement à 56 jours l’hiver, 42 jours en été) car je commençais à voir les femelles non épointées se piquer, détaille Clémence. Les mâles épointés n’ont pas eu ce comportement. J’ai peut-être laissé entrer trop de lumière naturelle ».
Un poulailler « écologique et économique »
Ayant envie de construire un second poulailler dès son installation, Clémence est une des cinq éleveurs séduits par le projet véranda mis en avant par l’organisation de production Nouri Vrai depuis avril 2022. « Je préfère utiliser ce mot « véranda » plutôt que « jardin d’hiver », précise Aurélie Préhu, responsable de Nouri Vrai. En réalité, les volailles fréquentent cet endroit toute l’année. »
Pour Clémence, « même s’il y a déjà des fenêtres dans le premier, élever des volailles accédant à un espace en semi-plein air protégé m’a plu. Cela me paraît conforme aux attentes des consommateurs, et aux miennes en tout cas ».
« Il y a aussi le contexte du coût énergétique à prendre en compte, et de l’envie d’éleveurs voulant produire différemment, ajoute Aurélie Préhu. Par rapport à une ventilation dynamique, nous avons évalué l’économie d’électricité à 35 % et celle du gaz à 19 %, en comparant les consommations de 2022-2023 chez un éleveur ayant un dynamique et ce statique ».
L’équipement intérieur a aussi été optimisé économiquement avec deux chaînes d’aliment mixtes dinde-poulet, trois lignes d’abreuvement mixtes elles aussi, une ligne centrale de radiants (complétée par un canon à gaz), le tout permettant d’aménager une aire centrale de repos malgré les 13 mètres de large. La brume équipe les brasseurs d’air.
L’éleveur au cœur de l’élevage
Selon Alexandre Cadoux, le technicien de Clémence, « tous les éleveurs de volaille ne désirent pas des bâtiments Formule 1. À nous de leur proposer des modèles techniques et économiques qui les satisfont, tout en leur permettant de dégager de la rentabilité ». Certains franchiront plus facilement le pas vers ce modèle que vers un système très challengeant nécessaire pour le poulet lourd. Et précise Aurélie Préhu, « nous ne mettrons pas en avant des poulaillers dynamiques avec véranda », plus technique et plus onéreux à l’achat comme au fonctionnement.
Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour au statique d’autrefois, obscur, humide et sentant l’ammoniac. Ce poulailler est équipé de huit échangeurs de chaleurs Systel (2500 m3/h) qui permettent de fonctionner en mode dynamique durant le démarrage, au moins trois semaines. « En général, en poulet, les éleveurs les arrêtent lorsqu’ils ouvrent les trappes vers la véranda », détaille Aurélie Préhu. Par ailleurs, la régulation en deux zones (ici du matériel Sodalec) a fait des progrès depuis les années 1980-1990. « Les visiteurs sont tous très étonnés de la bonne ambiance procurée par la ventilation naturelle », remarque Aurélie.
L’autre constat des éleveurs est de se sentir moins préoccupé par la recherche du réglage parfait de la ventilation et d’être plus à l’écoute des animaux. « Je m’aperçois déjà que je me fie plus à mon ressenti et au comportement des dindes pour les réglages », note Clémence. Il faut dire que les paramètres sont moins nombreux (température, hygrométrie, pourcentage d’ouverture des volets d’air et du rideau de la véranda).
Un concept encore à valoriser en aval
Le concept du poulailler statique avec véranda démarre chez Nouri Vrai, avec l’ambition de proposer un modèle d’élevage répondant à une attente du côté des certains éleveurs et consommateurs.
Le poulailler de Clémence Bellanger avoisine les 500 000 euros d’investissement total, hors aides. C’est environ 100 000 euros de plus que celui de 2016, le surcoût se portant « surtout sur la coque, dont 90 000 euros pour la véranda isolée et bétonnée, précise-t-elle. De plus, l’aide Siap (ex-PCAE) est tombée de 100 000 euros à 52 000 euros, mais Nouri Vrai a participé beaucoup plus. Sans cela je n’aurais sans doute pas concrétisé. »
Augmenter la participation de l’organisation était logique pour Aurélie Préhu. « En passant de 20 euros le mètre carré en 2016 à 60, voire 70 euros le mètre carré sur certains dossiers, nous cherchons à compenser la hausse des coûts de construction. Nous le faisons pour garder une dynamique et pour répondre aux attentes des abattoirs LDC de Voléna (ex SNV) qui investissent et ont besoin de volailles supplémentaires. »
Pas de cahier des charges spécifique
Pour atteindre un objectif de rentabilité en élevage, l’OP vise 70 euros le mètre carré par an de marge poussin-aliment. Le poulailler accueille 11 500 dindes, presque à égalité de sexe (51 % de mâles), soit 6,4 animaux par mètre carré avec la véranda ouverte. Côté performances, le poids moyen augmenterait d’environ 300 g avec un indice légèrement dégradé (-0,08 point).
En poulet, ils seront 30 000 de souche Ross 308 abattus à 35 jours vers 1,8 kg. « Nous n’avons vu de différence technique en poulet. S’il est vrai que les poulets Ross sortent moins volontiers que les dindes, surtout en hiver, ils n’hésitent pas à aller dans la véranda en été. »