L’éclairage de l’Itavi sur le RGA 2020 apporte-t-il du nouveau concernant la problématique du renouvellement des générations ?
Isabelle Leballeur- « Il n’y a pas vraiment de surprise à la lecture de ces chiffres qui confirment le sentiment d’un décalage. Par rapport aux autres secteurs de l’élevage, les aviculteurs ont plus tardivement investi. Ce qui se traduit par ce reliquat de quelques années de « jeunesse ». Nous allons tout de même bientôt entrer dans un boom du renouvellement qu’on pressentait depuis une dizaine d’années."
Ce « boom » a-t-il été anticipé ?
I.L.- « Clairement non. Comme sur beaucoup de sujets, la profession attend d’être au pied du mur. En revanche, cela commence à bouger avec l’interprofession de la volaille (Anvol) et c’est une petite révolution. Chaque famille peut ainsi mesurer quel est l’enjeu et en débattre. Auparavant, l’amont ne faisait pas grand-chose collectivement, les opérateurs économiques menant leurs affaires individuellement. Tant que les abattoirs ne manquaient pas de volaille, tout allait bien. Certains pensent encore comme cela. »
Est-il possible de poursuivre le « laisser faire » vis-à-vis des transmissions-installations ?
I.L.- « Nous vivons une rupture des modalités de l’installation traditionnelle. Il faut que les tenants du laisser-faire se remettent en cause. La génération qui arrive sera différente, qu’elle soit familiale ou extérieure au milieu agricole. Ceci n’est pas assez anticipé, d’autant que l’on n’est pas sûr que les poulaillers seront repris lors de ces changements. »
Qu’est ce qui a changé chez cette nouvelle génération ?
I.L.- « Leurs objectifs ne sont plus de reprendre une exploitation telle quelle, de la faire grandir pour avoir du revenu. La dimension personnelle entre en jeu avec la quantité et la qualité du travail. Les nouveaux entrants ne souhaitent pas être corvéables comme nous l’étions. Les installations se font en individuel (avec ou sans salarié), ce qui se traduit par une spécialisation, ou en société avec une ou deux productions spécialisées avec des volumes importants. Avec la reprise d’une exploitation diversifiée, l’atelier volaille sera-t-il conservé ? Ce n’est pas sûr, même si l’aviculture a des atouts. Les difficultés liées aux règles environnementales créent un premier niveau de choix. La solution ne dépend pas que des filières. Faciliter l’accès à la construction est du ressort des pouvoirs publics qui doivent soutenir les projets qui respectent les règles. »
Sachant cela, comment les cédants peuvent envisager leur transmission ?
I.L.- « Les spécialisés ayant des outils en bon état ne devraient pas avoir de difficultés à trouver des repreneurs, même si des incertitudes demeurent (amiante, mises aux normes, coût de la revente…). En revanche, l’état des bâtiments sera déterminant pour les exploitants diversifiés, majoritaires. La désuétude d’un poulailler peut conduire à sa disparition pure et simple. La stratégie du « laisser filer » me paraît dangereuse en fin de carrière. L’anticipation est une des clés d’une bonne transmission. C’est peut-être à l’organisation de production (OP) de sensibiliser. Par exemple, en faisant témoigner des collègues ayant passé relais. »
Comment réagissent les partenaires économiques ?
I.L.- « Convaincues d’avoir un « fond de cuve » suffisant, les OP ont pris conscience des difficultés des cédants plutôt récemment. Elles ont été meilleures du côté des repreneurs, avec leurs aides financières et techniques. Les OP peuvent être forces de propositions et partenaires d’actions concrètes, en communiquant et en montrant que ce métier est rémunérateur. Il est aussi important d’accompagner les jeunes en créant un « écosystème » pour faciliter leur vie quotidienne. Je pense à l’organisation du ramassage et au remplacement des exploitants. C’est cet ensemble cohérent et rassurant qui va contribuer au succès des transmissions. Le moment est venu d’agir ensemble. »