À la rencontre de…. Sarah Rezzoug à Saint-Mesmin en Vendée
Des volailles bio pour s’installer avec peu de moyens
Sept années auront été nécessaires pour que Sarah Rezzoug concrétise sa troisième tentative d’installation hors-cadre familial en production de volailles bio.
Sept années auront été nécessaires pour que Sarah Rezzoug concrétise sa troisième tentative d’installation hors-cadre familial en production de volailles bio.
Devenir agricultrice n’était pas le chemin tout tracé de Sarah Rezzoug, née dans une famille citadine de la périphérie de Poitiers. Celle-ci n’avait pas coupé les liens avec la nature — « Il y avait des poules à la maison » — mais pas de quoi susciter une vocation agricole. Âgée de 32 ans, Sarah est agricultrice depuis deux ans. Elle a suivi le parcours d’une jeune urbaine, avec des études générales littéraires qui l’ont conduite à l’université, mais abandonnées au bout de deux ans. Son engagement agricole résulte d’une rencontre amoureuse suivie d’un cheminement au fil de ses expériences. La première bifurcation importante intervient sur sa route à 21 ans. Pour sortir des « petits boulots » précaires post-universitaires, Sarah décide de se former en agriculture, comme son compagnon. Elle voudrait trouver un emploi en rapport avec les animaux, voire s’installer en couple. Néophyte, elle effectue ses deux années de formation en alternance chez Marc Pousin, éleveur bio à Saint-Pierre-des-Échaubrognes dans les Deux-Sèvres. C’est une exploitation très polyvalente (viande bovine, ovine et avicole) idéale pour elle. « Sarah est surtout une éleveuse. Elle a l’œil pour voir tout de suite ce qui ne va pas », dit d’elle cet éleveur, également président de la coopérative Volailles bio de l’Ouest, à laquelle adhère aujourd’hui Sarah.
Apprendre de ses échecs
À l’issue de sa formation en 2007, la jeune femme s’engage dans un projet d’installation, tout en commençant à travailler pour le service de remplacement des Deux-Sèvres. Le projet tombe à l’eau au bout de six mois, en partie pour des raisons économiques. Sans expérience probante, la jeune femme n’a pas les moyens financiers de ses ambitions. Elle songe à tout laisser tomber. C’est le Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) du Haut Bocage à Mauléon dans les Deux-Sèvres qui la relance. Sarah intègre alors un groupe de porteurs de projet en maraîchage. « L’avantage était qu’on pouvait s’installer à plusieurs et avec moins de foncier », se souvient-elle. Elle se forme tout en travaillant. Un projet collectif émerge avec deux jeunes hommes du groupe. Hélas, le propriétaire des 12 hectares refuse d’accorder un bail en nom collectif. « J’ai mal vécu ce deuxième échec, avoue la jeune femme. Début 2010, je suis partie trois mois au Japon en wwoofing(1) pour prendre du recul et me ressourcer. Et aujourd’hui j’accueille moi aussi des wwoofeurs depuis un an et demi. » Regonflée par cette ouverture, elle décide qu’elle sera agricultrice bio ou rien. « C’est peut-être dû à mes origines citadines, mais je vois autrement mon rapport aux animaux et à la nature. Je veux que les animaux aient une belle vie avant d’être mangés, tout comme je souhaite livrer aux consommateurs des produits bons pour leur santé. »
Tisser des liens pour être plus forte
Tout en conservant des contacts avec le milieu agricole, Sarah décide alors d’occuper un « travail alimentaire » pour économiser en vue d’un projet agricole qui reste à construire. Parallèlement, elle monte un élevage avec trois cabanes d’une trentaine de poules et fait de la vente directe d’œufs. « J’ai fait le saut fin 2011 quand j’ai dit non à mon employeur qui me proposait un CDI. » Par son réseau relationnel, la jeune femme se voit proposer un emploi à mi-temps pour traire 65 vaches dans un Gaec bio de Saint-Mesmin, une commune de Vendée limitrophe des Deux-Sèvres. Le besoin d’un revenu complémentaire lui fait franchir le pas de l’installation en 2013 grâce à ses employeurs qui la soutiennent (notamment Jean-Marie Roy). « La volaille bio était une évidence. Le Gaec me loue les 2 hectares de parcours, ainsi que le matériel dont j’ai besoin (FAF, tracteur, remorque…). Je lui achète les matières premières bio (féveroles, maïs, pois, triticale) que je transforme dans la FAF du Gaec, attenante à mon site. Je me suis installée pour environ 50 000 euros. » Sarah produit des lots de 3800 poulets dans deux bâtiments mobiles de 120 m2. En septembre prochain, elle va se consacrer entièrement aux volailles. « Je vais développer la vente directe et construire un troisième bâtiment mobile de 60 m2. » Elle ne sait pas quel avenir l’attend, mais elle est confiante. Ses projets dépendront sans doute de ses futures rencontres.
(1) WWOOF : « World wide opportunities on organic farms » réseau mondial de fermes bio, qui propose de partager des savoir-faire et des activités (non lucratives), avec offre du gîte et du couvert.Parcours
2001 obtention du bac littéraire et début d’études universitaires à Poitiers
2005-2007 études agricoles en alternance à Bressuire (BPREA spécialité ovin)
2007 premier projet d’installation en production ovine
2008-2009 deuxième projet en cultures maraîchères
2012 salariée agricole à mi-temps
2014 installation en volailles bio, en parallèle de son emploi
« Ça me plaît de vendre »
Sarah Rezzoug produit environ 12 000 volailles bio, dont quelques centaines de dindes achetées à 8 semaines et des pintades. Elles sont commercialisées par la coopérative indépendante Volailles bio de l’Ouest (VBO)(1), qui les vend à l’abattoir Freslon qui les revend ensuite à Unebio et à Biocoop, deux distributeurs 100 % bio. Pour doubler son bénéfice par tête et parce qu’elle aime le contact direct avec les consommateurs, Sarah a commencé la vente directe voici un an. La coop autorise jusqu’à 25 % de vente directe. Elle écoule 15 % de ses volailles sur deux points de vente bio. « Avec trois lots par an, il faut éduquer les acheteurs. Pour être plus souvent présente, j’ai commencé à proposer de la charcuterie de volaille transformée en prestation (rillettes, pâté, gésier confit). » La jeune femme ne délaisse pas la partie élevage. « J’achète des tourteaux (tournesol, sésame, colza), je formule et je fabrique mon aliment, sauf pour le démarrage. Il y a beaucoup à gagner sur ce poste. » L’aliment, hors complémentaire azoté (Établissements Mercier) lui revient aux environs de 510 euros la tonne, fabrication comprise. Ses poulets atteignent les 2,3 kg vif en 84-90 jours avec des indices de 3-3,2 (« au pire 3,5 en hiver »). « Cette année, j’ai planté des arbres fruitiers et des haies pour protéger les volailles et les attirer sur les parcours. »
(1) Créée en 2014 à la demande de Biocoop, à partir de l’association Volailles bio Bocage, VBO compte une trentaine d’adhérents pour 15 000 à 18 000 volailles produites par semaine.