Christophe Lohier concilie ventilation dynamique et jardin d’hiver
Ouvert à l’innovation, Christophe Lohier a opté en 2020 pour une ventilation à dépression nulle dans ses deux nouveaux poulaillers chair équipés d’un jardin d’hiver.
Ouvert à l’innovation, Christophe Lohier a opté en 2020 pour une ventilation à dépression nulle dans ses deux nouveaux poulaillers chair équipés d’un jardin d’hiver.
La retraite de ses parents approchant en 2019, Christophe Lohier ne se voyait pas mener seul la production laitière (400 000 litres), l’engraissement de 1 800 porcs charcutiers par an et l’élevage des dindes dans un bâtiment dynamique de 1 000 m² datant de 1983. Malgré son expérience de porcher, il a préféré arrêter d’engraisser « pour des raisons économiques » et a choisi de se spécialiser en volaille, du fait de « meilleures perspectives à long terme. »
Anticiper les attentes des consommateurs
Christophe Lohier était intéressé par un poulailler standard de 1 800 m². Mais après en avoir discuté avec le groupe Michel qui accompagnait déjà ses parents, il a choisi d’élever en densité réduite des poulets ou des dindes ayant accès à une aire d’exercice couverte. C’est le concept Terre-Neuve avec les cahiers des charges bleu-blanc-cœur (BBC) pour la dinde et European chicken commitment (ECC) pour le poulet accompagnant la charte interne Valeurs d’éleveurs. « Autant anticiper une tendance sociétale de fond qui arrivera quoi qu’on fasse, note l’éleveur. Et dans quelques années, aménager ces jardins d’hiver coûtera plus cher. »
Pour une meilleure organisation de son travail, Christophe a préféré élever la dinde BBC. Elle est démarrée à 7,5 animaux par mètre carré intérieur, puis elle passe à 5,25 par mètre carré à partir de la sixième semaine en comptant l’extension ouverte en permanence. Quant au poulet ECC, il est démarré à 20,9 par mètre carré puis passé à 15 avec le jardin (en quatrième semaine) pour ne pas dépasser un kilotage maximal de 30 kg vif/m².
Poulailler ventilé en pression « neutre »
Démarrés en décembre 2020, les deux nouveaux poulaillers Terre-Neuve de Christophe ont une superficie utile de 1 280 m² (84 m par 15 m), à laquelle s’ajoute le jardin d’hiver de 512 m² (40 % de la surface intérieure) et de 6 m de large, exempt d’équipement.
Avec une implantation en fond de vallée, une ventilation dynamique était indispensable, tout en tenant compte de la contrainte technique des trappes ouvertes vers le jardin. Pour cette première réalisation en volailles de chair, l’équipe technique de Sodalec s’est inspirée des poulaillers suisses où le jardin d’hiver est obligatoire pour toutes les volailles
En France, Sodalec applique déjà ce concept à des poules pondeuses logées en volière avec parcours. « Le principe est d’équilibrer les débits d’entrée et de sortie d’air pour obtenir une faible différence de pression d’air, qui oscille entre -5 et + 5 Pa », explique Christophe Balcou, de Sodalec.
Deux modes de ventilation ont été instaurés. Le premier priorise des échangeurs de chaleur (ERC) pour assurer la ventilation du démarrage. « Normalement, il faut cinq ERC Le Roy pour cette superficie (225 à 250 m2 par appareil) et cette première phase s’arrête vers 20-25 jours », estime Cyrille Loiseau de Sodalec.
Christophe Lohier en a fait installer quatre, complétés par quatre doubles trappes (marque TPI). Utilisées quand les besoins d’air croissent, elles prolongent la durée d’utilisation des ERC. « Je règle le débit de renouvellement entre 0,44 et 0,5 m3/h/kg, précise l’éleveur. J’arrête les ERC au plus tard à 42 jours, le jour de l’ouverture des trappes d’accès au jardin. »
Des cheminées au débit suiveur
Pendant la deuxième période de ventilation, l’air neuf entre par six cheminées (baptisées ARC). Elles sont équipées de ventilateurs progressifs (débit total maximal de 34 000 m3/h). L’air est extrait au pignon par un ventilateur progressif dont le débit est calé sur les besoins minimaux des animaux. « Ce sont les cheminées qui suivent l’extraction de façon à travailler à pression équilibrée », souligne Cyrille Loiseau, ce qui évite les courants d’air au niveau des trappes d’accès au jardin d’hiver.
En complément, l’évacuation des calories excédentaires est réalisée par 6 ventilateurs installés au pignon (1 de 16 000 m3/h, 5 turbines de 35 000 m3/h). Ils se déclenchent par palier de 0,9 °C au-delà de la consigne de température. De plus, les trappes TPI s’ouvrent au dernier palier correspondant au maximum de ventilation. Au total, l’extraction peut atteindre 225 000 m3/h à pression neutre (180 m3/m² intérieur). « C’est largement suffisant, même par temps de canicule et sans brumisation », estime l’éleveur. Fin juin, malgré un épisode de forte chaleur, l’éleveur a sorti 2 900 mâles de 124 jours pesant 17,25 kg.
Ne pas surinvestir
Après presque deux ans de recul, le choix technico-économique de Christophe Lohier semble payant.
« À 47 ans, mon ambition n’était pas d’investir beaucoup pour gagner seulement 800 euros par mois. Il fallait que cela rapporte au minimum 30 euros d’EBE par mètre carré », rapporte Christophe Lohier. Il a contenu l’investissement en réalisant la maçonnerie et réduisant l’équipement : un échangeur de chaleur en moins, pas de troisième ligne de mangeoires, pas de brumisation, pas de volets aux fenêtres… Il est parvenu à 404 000 euros par poulailler (valeur 2019), soit 320 euros par mètre carré.
Cela a été financé par un prêt du Crédit Mutuel de Bretagne sur quinze ans, complété par 50 000 euros de subvention venant de la région Bretagne et par l’accompagnement de 15 euros du mètre carré accordé par le groupe Michel aux nouveaux poulaillers Terre-Neuve. À titre exceptionnel, le groupe a aussi accordé une plus-value à la tonne de vif (pendant cinq ans) aux éleveurs pionniers ayant réorienté leur projet standard vers un Terre-neuve.
Côté résultats, Christophe Lohier est plutôt satisfait. Sur sept lots, la marge dindonneau-aliment s’établit à 32,60 euros par mètre carré et par lot (de 29 à 37 euros), avec des mâles pesant en moyenne 15,7 kg (de 14,3 kg à 17,25 kg), révélant une bonne expression du potentiel génétique.
Descriptif du poulailler Terre-Neuve
- Bâtiment Dugué avec 2 silos de 20 m3
- Équipement (installé par Émeraude élevage équipement) :
2 chaînes d’alimentation (Multi Beck Le Roy), 3 lignes de pipettes (Lubing) et 4 lignes d’abreuvoirs cloche (Plasson), 4 échangeurs de chaleur (Le Roy), régulation Megavi connect (Sodalec), 4 trappes à double d’entrée d’air (TPI), 6 cheminées ARC Sodalec et 7 ventilateurs au pignon (16 000 m3/h, progressif de 37 000 m3/h, 5 turbines de 35 000 m3/h).
Une quinzaine de poulaillers Sodalec à pression neutre
D’abord développé en élevage de poules et poulettes en volière, le concept ARC Sodalec de ventilation à pression neutre commence à se propager dans le secteur de la volaille de chair, en lien avec les jardins d’hiver.
Christophe Balcou annonce une quinzaine de réalisations dans plusieurs organisations de production. « En volailles de chair, la question d’utiliser les échangeurs de chaleur revient régulièrement. Ils s’intègrent totalement dans notre schéma de ventilation, et d’autant plus avec le prix actuel du gaz. »
La cheminée ARC est constituée d’une partie fixe comprenant un clapet pivotant, et d’une partie cylindrique coulissant verticalement, avec le ventilateur poussant l’air vers le bas et le déflecteur diffuseur. Lorsque la partie mobile descend, le vide dégagé permet à l’air chaud intérieur d’être aspiré et réinjecté avec l’air neuf. C’est le principe du recyclage. Trois réglages indépendants sont possibles pour l’ensemble des cheminées : le pourcentage d’ouverture du clapet, le pourcentage de recyclage et la puissance du ventilateur. En combinant les trois paramètres, le régulateur Megavi Connect enclenche successivement sept modes de fonctionnement des cheminées.
Chez Michel, 70 poulaillers avec jardin d’hiver d’ici fin 2022
Parallèlement aux productions standard majoritaires, le groupe Michel développe une stratégie de différenciation basée sur des cahiers des charges mettant en avant le bien-être animal, la démédication, la traçabilité et une alimentation sans OGM conforme au concept nutritionnel bleu blanc cœur.
Les volailles sont élevées dans la trentaine de poulaillers Terre-Neuve neufs et la quinzaine de poulaillers statiques anciens équipés de jardins d’hiver. D’ici la fin 2022, Alain Salmon table sur 70 poulaillers chez les éleveurs partenaires des Ets Michel et des Ets Braud.
Deux fournisseurs sollicités
Autant le service technique était « sûr de son coup » en accolant des jardins d’hiver à des bâtiments statiques, autant il était hésitant à se lancer dans le dynamique.
« Notre inquiétude était d’avoir trop de vitesse d’air devant les trappes d’accès au jardin » résume Alain Salmon, responsable de la production avicole du fabricant d’aliment d’Ille et Vilaine. « En revanche, il était nécessaire de s’y intéresser tôt ou tard pour répondre à des attentes d’éleveurs déjà en dynamique ou pour implanter dans des sites impropres à la ventilation statique. »
Sollicités, Tuffigo-Rapidex et Sodalec ont fait des propositions qui se sont concrétisées par un canardier dans la Manche (Tuffigo-Rapidex) et les deux poulaillers de Christophe Lohier (Sodalec).
Un éleveur maître du régulateur
Christophe Lohier n’avait pas d’a priori technique sur la ventilation dynamique, laissant auparavant son père gérer le premier poulailler.
« Finalement, être novice a été un avantage pour adopter et comprendre cette nouveauté », estime-t-il. Observateur, il a vite appris et sait comment réagit le poulailler aux changements de météo et de réglages.
L’éleveur n’hésite pas à modifier les paramètres selon le comportement des dindes et son ressenti de l’ambiance.
« C’est moi et pas la Megavi Connect qui décide quand changer de mode de ventilation (ERC, cheminées) et ce moment varie à chaque lot. Je fais très attention aux écarts de température jour-nuit et aux hygrométries pour adapter les débits, sachant que l’âge des dindes joue aussi. Entre 3 et 6 semaines d’âge, j’utilise soit les ERC soit les cheminées en fonction de la température extérieure. En dessous d’un seuil que je fixe, les cheminées sont remplacées par les ERC. Par ailleurs, le recyclage est quasi obligatoire afin d’éviter les chutes d’air froid, sauf avec les derniers paliers de ventilation. »