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Anticiper le coup de chaleur sur les volailles

À l’avenir, les épisodes caniculaires devraient devenir plus fréquents, plus intenses et frapper presque tout le territoire. Avec des conditions climatiques supérieures à 35 °C, tous les systèmes d’élevage, même extensifs, sont des victimes potentielles. Car dans un environnement presque aussi chaud qu’eux, les oiseaux meurent faute de pouvoir évacuer leur chaleur. Les élevages les plus sensibles sont ceux en claustration et ceux fortement émetteurs de chaleur, ayant une charge animale et une productivité élevées. Les moyens de protection contre la chaleur reposent essentiellement sur le refroidissement de l’air chaud et sur la ventilation forcée. Mais pour être efficaces, ces solutions doivent être anticipées bien avant, aussi bien pour vérifier leur efficacité que pour s’exercer à leur utilisation.

À plus de 30°C, les volailles évacuent leur chaleur en respirant plus vite (bec ouvert en permanence, rythme cardiaque accéléré), en écartant les ailes, en dilatant leurs crête et barbillons. Il faut les refroidir avec une ventilation forcée complétée ou non d'un refroidissement évaporatif (pad cooling ou brumisation). © P. Le Douarin
À plus de 30°C, les volailles évacuent leur chaleur en respirant plus vite (bec ouvert en permanence, rythme cardiaque accéléré), en écartant les ailes, en dilatant leurs crête et barbillons. Il faut les refroidir avec une ventilation forcée complétée ou non d'un refroidissement évaporatif (pad cooling ou brumisation).
© P. Le Douarin

Le réchauffement climatique est bel et bien une réalité. Selon Météo France, la température annuelle moyenne ne cesse d’augmenter depuis les années 1970 et le nombre de jours où la température dépasse les 25 °C augmente de l’ordre de 4 jours tous les dix ans. L’an dernier, entre le 26 juin et le 1er juillet, puis entre le 23 et le 26 juillet, la quasi-totalité du territoire français a été touchée par deux épisodes caniculaires d’une ampleur exceptionnelle. À partir de 30 °C, les oiseaux évacuent 80 % de leur chaleur par la respiration (chaleur latente). Ils s’hyperventilent (200 pulsations cardiaques par minute), dilatent leurs vaisseaux (crêtes, barbillons), écartent leurs ailes. Si la chaleur persiste ou s’accroît, surtout avec un air très humide, l’issue est fatale.

Des régions inhabituellement surexposées

En 2019, les deux épisodes ont accru la mortalité estivale et provoqué des étouffements, certes moins catastrophiques qu’en 2003. À l’époque, le syndicalisme CFA avait chiffré le préjudice des éleveurs à 45 millions d’euros (dont 22 millions en volailles de chair). Avec près de six millions d’étouffés, toutes les espèces avaient été touchées jusqu’au gibier. Moins meurtrières, les canicules de 2019 n’ont pas fait l’objet d’un recensement détaillé. Plus de 90 % des tonnages supplémentaires collectés concernent les volailles de chair, le secteur le moins touché étant le canard à foie gras (6 sinistres pour 11 t). « De juin à août, la collecte a augmenté de 23 % en volailles de chair », indique Yannick Carré de l’ATM volaille chair. Mais en juillet, elle est passée de 3 000 t à 6 000 t, ce qui a engorgé les huit usines d’équarrissage. « Les régions les plus impactées par des sinistres à plus de 5 t sont le Grand Ouest (surtout le sud des Pays de la Loire) et le Nord lorsque la température a dépassé 35 °C », précise-t-il encore.

Le nord de la Loire est moins préparé

Comment expliquer les surmortalités des régions septentrionales. Sont-elles sous-équipées ou ont-elles été surprises ? Pour Philippe Porcheron, du groupement Bellavol en Pays de la Loire, « tous nos éleveurs de volailles disposent de ventilation dynamique et de brumisation, mais nous avons quand même eu des sinistres. La plupart de ceux atteints ont vérifié leur matériel à la dernière minute ou ont déclenché la brume trop tard. C’est pourquoi nous allons rappeler par écrit les bonnes pratiques de la brumisation. » En Bretagne, le groupement Gaevol, qui produit du poulet de plus de 3 kg, a subi de lourdes pertes. Un diagnostic réalisé chez de nombreux éleveurs démontre que ce sont des défauts de détail qui peuvent causer des étouffements dans certaines parties du poulailler.

Le Sud-Est sait faire face

Dans le Sud-Est, les éleveurs de volailles de chair n’ont pas été plus impactés que d’ordinaire, constatent Frédéric Moze (Duc-Plukon) et Sylvain Vérité (Valsoleil). Car depuis l’électrochoc de la canicule de 2003, ils se sont équipés. Et surtout, ils sont habitués à gérer la chaleur de mai à septembre. Leur système de production a été adapté, avec une densité réduite et une conduite différenciée : adaptation des poussins à la chaleur, brumisation, débit d’extraction de 5 m3/m2/h. C’est le cas de Baptiste Dumoulin dans la Drôme, qui sait gérer la chaleur mais est confronté aux limites d’un bâtiment resté en statique. Les autres productions se sont aussi adaptées. En poule alternative, Isabelle Béguet (Valsoleil) indique que depuis, les bâtiments sont systématiquement équipés de rampes de brumisation et de turbines en pignon. Les entrées d’air sont protégées des rayons du soleil par des filets d’ombrage. En poulet label rouge, François Cotoni (Fermiers de l’Ardèche) a testé deux turbines de 40 000 m3/h à l’intérieur de bâtiments pour diminuer les températures ressenties. Il envisage d’étendre l’expérience aux sites à risque d’autant que ce matériel servira plus souvent. Au final, tous les élevages sont susceptibles d’être frappés par un coup de chaleur. C’est à chacun de prévoir la solution la plus adaptée à sa situation et surtout de se préparer sans attendre d’être mis devant le fait accompli.

 

Lire aussi : La brumisation pour anticiper le coup de chaleur 

Les moyens de protection du coup de chaleur disponibles

- Les solutions techniques dépendent du mode d’élevage (accès extérieur ou pas), du type de bâtiment (ventilation statique ou dynamique) et du degré d’intensification (kilos au m2 le jour J, métabolisme de l’animal) explique Paul Robin, chercheur en bioclimatique à l’Inrae.

- En claustration, le couple ventilation forcée-refroidissement évaporatif permet de piloter les débits d’air et d’eau qui impactent la qualité de l’air (température et hygrométrie relative). C’est le principal levier d’action mise en œuvre ;

- La mise à jeun est de moins en moins pratiquée. Réduire la production de chaleur animale en coupant l’alimentation en journée est possible, à condition que les oiseaux affamés ne se ruent pas sur l’aliment à la reprise et que la température de nuit baisse suffisamment pour évacuer l’extra chaleur produite ;

- La modification de l’aliment, comme l’enrichissement en acides aminés ou en huile, a un intérêt surtout pour compenser des sous-consommations par climat chaud permanent ;

- L’administration de réhydratant à base de sucres est possible dans l’eau de boisson rafraîchie pour soutenir les oiseaux durant la journée. Pour rétablir les déséquilibres métaboliques (pH sanguin, fuites d’électrolytes, radicaux libres oxydants), les nutritionnistes conseillent aussi une complémentation en vitamines, en sels minéraux, en antioxydants, en bétaïne ou hépatoprotecteurs (pondeuse).

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