Améliorer le bien-être du poulet standard sans détériorer l'économie : un point d'équilibre à trouver
Le projet Cocorico montre qu’il est possible d’améliorer le bien-être du poulet standard en limitant les effets négatifs sur l’économie et l’environnement. L’impact économique de l’ECC (1) serait par contre très important.
Le projet Cocorico montre qu’il est possible d’améliorer le bien-être du poulet standard en limitant les effets négatifs sur l’économie et l’environnement. L’impact économique de l’ECC (1) serait par contre très important.
Comment combiner les attentes citoyennes sur le bien-être des poulets standards avec le pouvoir d’achat et l’environnement ? Pour tenter de répondre à cette question, un programme de recherche Casdar, Cocorico, piloté par l’Itavi, a été mené de 2021 à 2024.
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Objectif : concevoir un nouveau standard de production du poulet de chair qui améliore les conditions de vie des animaux, tout en maîtrisant les surcoûts et les impacts environnementaux.
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Plusieurs leviers permettent d’améliorer le bien-être des poulets standards. Au-delà de la lumière naturelle, des blocs à piquer, balles de paille…, désormais incontournables, des modifications plus profondes peuvent être apportées. Les travaux de l’Anses ont montré qu’abaisser la densité améliore l’état des pattes et la démarche grâce à une meilleure litière, sans impact sur les performances. Un enrichissement plus important du milieu ou un jardin d’hiver améliorent la mobilité et le comportement exploratoire des poulets, sans altérer les performances. Une souche à croissance lente améliore l’activité, la démarche et la qualité de la viande, mais dégrade les performances. « Il y a des leviers pour améliorer le bien-être, constate Bertand Méda, d’Inrae. Mais il faut aussi regarder l’impact sur l’économie, l’environnement, l’éleveur et le consommateur. »
Impact de l’ECC sur l’économie et l’environnement
Pour cela, trois scénarios ont été évalués selon la méthode développée par Inrae : le système standard, un système « Standard + » (Ross 308, 39 kg/m², abattage à 2 kg à 36 jours, lumière naturelle, blocs à piquer, plateformes) et le système ECC (European chicken commitment : Redbro, 30 kg/m², abattage à 2 kg à 43 jours, lumière naturelle, blocs à piquer, plateformes), dans lequel des ONG souhaiteraient que les élevages s’engagent d’ici 2026. La rémunération de l’éleveur était maintenue à 2 Smic.
Par rapport au standard, le système « Standard + » améliore un peu le bien-être animal et augmente beaucoup la satisfaction de l’éleveur vis-à-vis de son système de production. Toutefois, il dégrade beaucoup le temps de travail (installation, nettoyage…) et un peu l’économie de l’amont ainsi que la pénibilité du travail, sans effet sur l’environnement.
L’ECC améliore davantage le bien-être animal, le temps de travail (moins de rotations), la pénibilité et la satisfaction de l’éleveur. « Cependant, l’éleveur s’inquiète de son revenu, car il se demande si le consommateur sera prêt à payer plus », précise Bertrand Méda. Et surtout, l’ECC a un impact économique très négatif sur l’amont, l’aval et la dynamique de la filière française. Et du fait des souches à croissance plus lente utilisées, il dégrade aussi l’efficience d’utilisation des ressources.
Le bien-être difficile à valoriser
Des questions demeurent sur la perception qu’a le consommateur du bien-être animal, sur la prise en charge des surcoûts et sur la segmentation du marché. « Pour installer des jeunes, il faut de la lisibilité et maintenir le revenu » insiste Isabelle Leballeur, éleveuse dans la Sarthe. Sur le terrain, des leviers sont déjà mis en place. « Depuis 2008, avec la Nouvelle-Agriculture, nous travaillons sur les souches, les densités, l’enrichissement…, avec une amélioration de la qualité de viande, rappelle Arnaud Poupard Lafarge, directeur général de Galliance. Cela représente 20 % de nos débouchés en poulet standard. Mais ce ne sera jamais tout le marché. » « La France compte déjà 15-20 % de volailles alternatives », rappelle Gilles Huttepain, vice-président d’Anvol. Système U, qui vend 30 % de poulets Label rouge et bio, s’est engagé depuis 2010 dans le « Standard + », pour 10 % de ses volumes, avec la Nouvelle Agriculture, Bleu-Blanc-Cœur… « Mais le consommateur ne peut pas absorber tous les surcoûts et le bien-être animal est compliqué à valoriser », estime Carina Djaiz, chef de projet RSE chez Système U. Même en restauration, des évolutions commencent à être apportées sur le bien-être. Cargill, fournisseur des produits élaborés de volailles pour McDonald’s France, travaille depuis 2010 sur l’agroécologie et la durabilité. « Des bonnes pratiques ont été mises en place, avec 15 indicateurs bien-être qui sont suivis chaque mois, indique Sarah Bakouri, chef de projet chez Cargill. Grâce aux sols béton et à la ventilation, les pododermatites ont baissé de 70 % de 2014 à 2023. En 2024, nous sommes passés à 100 % de lumière naturelle pour McDonald’s France. »
Priorité à la réduction de l’impact carbone
Quelques marges de manœuvre existent. « Alors que nous étions à 30 kg/m² pour certains poulets « Standard + », nous sommes repassés à 33 kg/m² depuis la grippe aviaire », indique Carina Djaiz. Une clarification de l’offre « Standard + » serait aussi nécessaire pour une bonne valorisation. « Il faudrait clarifier le cahier des charges du 'Standard + ', notamment pour la transformation », estime Arnaud Poupard Lafarge. Atteindre l’ECC d’ici 2026 semble toutefois irréalisable pour la majorité des opérateurs, notamment concernant les souches et les densités. « De plus, pour maintenir la production en abaissant de près de 30 % les densités, nous devrions construire 2000 bâtiments d’ici 2026, ce qui est irréaliste », ajoute le directeur de Galliance. S’y ajoute le fait que la priorité aujourd’hui est davantage de réduire l’impact carbone. « Nous sommes très challengés pour réduire notre impact carbone, sans dégrader le bien-être ni l’économie, assure Carina Djaiz. Plusieurs réglementations arrivent dans ce sens. » Un axe prioritaire pour à la fois réduire l’impact carbone et abaisser les coûts pour tendre vers l’ECC semble être l’autonomie protéique. « Demain, on nous demandera une performance combinée bien-être-environnement, note Isabelle Leballeur. Et l’ECC n’y répond pas, car il dégrade l’utilisation des ressources naturelles. »
Atteindre l’ECC d’ici 2026 semble irréalisable pour la majorité des opérateurs
Partenaire
Projet Cocorico piloté par l’Itavi avec l’interprofession Anvol, l’association Elinnove des équipementiers et constructeurs et de nombreux partenaires (Inrae, Anses, chambres d’agriculture des Pays de la Loire et de Bretagne, ESA d’Angers).
Témoignage : Mickaël Crété, référent Resto’Co Bretagne
« Donnez-vous les critères exacts de l’élevage »
« Le Bagad Santé, groupement d’achat des hôpitaux en Bretagne, a fait le choix d’améliorer la qualité des repas servis dans les hôpitaux. Actuellement, les hôpitaux bretons sont à 29 % de produits durables et de qualité, dont 7 % de bio. Il a choisi aussi de privilégier les filières françaises, si possible régionales. Mais comme le code des marchés publics interdit de faire référence à l’origine, nous travaillons sur les critères à inclure dans nos cahiers des charges pour favoriser ces approvisionnements. Nous avons donc besoin de connaître les caractéristiques exactes des élevages français en termes de durée d’élevage, mode d’élevage, leviers mis en œuvre pour le bien-être animal… Comme nous travaillons des lots différenciés, nous pourrions avoir un lot « Standard + », avec la nécessité d’avoir à la fois des cuisses pour le repas du dimanche et des filets pour la semaine. »