"Pas d’interceps en contact avec nos vieux ceps."
Le château Canon La Gaffelière teste le Vitirover sur une partie de son vignoble. Bilan de deux saisons d’expérience.
Le château Canon La Gaffelière teste le Vitirover sur une partie de son vignoble. Bilan de deux saisons d’expérience.
Basé à Saint-Émilion en Gironde, le château Canon La Gaffelière teste depuis deux saisons le robot de tonte Vitirover. « Sur les 20 hectares du vignoble, nous avons expérimenté le Vitirover sur un hectare en 2018, puis deux hectares en 2019, explique Nicola Fagotto, responsable recherche et développement chez Vignobles des Comtes von Neipperg, propriétaire du château Canon La Gaffelière, certifié en agriculture biologique. Nous cherchions alors une solution pour entretenir le pied des vignes sans passage de tracteur. » Habituellement, le château réalise deux chaussages-déchaussages sur le rang pendant toute la saison, ainsi que deux à trois tontes avec le tracteur interligne selon le développement de l’enherbement. L’exploitation viticole réalise également un semis de couverts végétaux systématiquement chaque automne. Sur les deux hectares en test, désormais plus aucun travail du sol n’est réalisé sous le rang, en permanence enherbé. « Le seul outil qui approche les ceps, c’est le Vitirover, apprécie Nicola Fagotto. Sur des vignobles où il y a beaucoup de vieux ceps, comme c’est le cas à Canon La Gaffelière, l’absence d’outils montés sur tracteur qui viennent en contact avec le pied de vigne a une incidence positive très significative en termes de racottage. Le taux de remplacement des ceps a fortement chuté. »
Le matériel végétal préservé
Outre la préservation du matériel végétal, le responsable recherche et développement a également apprécié la réduction du nombre de passages de tracteurs, notamment pendant la saison hivernale, avec des conséquences positives en termes de tassement des sols.
Dorénavant, ce sont quatre passages de travail du sol qui sont évités. Le nombre de tontes s’est limité à deux passages en 2019, alors que l’année 2018 n’a pas connu la tondeuse sur tracteur de la saison. « Cette dernière n’est utilisée qu’en dernier recours et uniquement sur l’interrang », poursuit Nicola Fagotto.
Le bénéfice n’est pas qu’agronomique : il est également économique. « Moins d’heures de tracteur, cela signifie un gain sur les charges en carburant et un amortissement sur une plus longue durée, explique Nicola Fagotto. Et on n’use plus les outils de travail du sol intercep. Remplacer le tracteur par des robots nous permet de réaliser des économies non négligeables de main-d’œuvre. » Le responsable n’a pas encore chiffré exactement les économies, ces dernières compensent largement les 3 000 euros par hectare et par an que coûte le robot de tonte. « C’est une prestation, commente Nicola Fagotto. Nous n’avons pas à nous préoccuper du bon fonctionnement ou de l’entretien de ces robots. Si l’un d’entre eux tombe en panne, il est remplacé. Nous avons juste à renseigner auprès de Vitirover les dates de début et de fin de campagne, ainsi que celles où nous comptons intervenir dans la parcelle avec le tracteur (pulvérisation, etc.) : Vitirover s’occupe alors d’enlever les robots avant et de les remettre après. »
Pas de différence d’assimilation ou de stress
Pour cette seconde campagne, le château Canon La Gaffelière a voulu pousser plus loin la comparaison avec leur itinéraire cultural habituel avec des analyses poussées. « Ce printemps, nous sommes passés pas loin de la gelée. La végétation s’est développée tardivement et de manière très hétérogène, se remémore Nicola Fagotto. L’enherbement total de la vigne là où évolue le Vitirover pouvait laisser envisager un impact négatif, comparativement à un enherbement partiel. Les mesures nous ont prouvé qu’il n’en était rien. » Les indices pétiolaires n’ont montré aucune différence en termes d’assimilation des minéraux entre la parcelle test et la parcelle témoin, tandis que les mesures de delta carbone 13 sur les moûts qui en sont issus n’ont révélé aucune différence de stress hydrique en cette année particulièrement sèche. « À voir si les prochaines campagnes confirmeront ou pas l’absence de différence. »
Des "bergers" pour surveiller le troupeau de robots
Une centaine de robots Vitirover évoluent aujourd’hui sur le terrain et 200 autres sont en construction pour être commercialisés cette saison : la cinquième génération de prototype a en effet fait ses preuves et peut être pleinement déployée. En parallèle, l’entreprise saint-émilionnaise commence à former ses "bergers", des acteurs locaux qui souhaiteraient développer une prestation de gestion et de maintenance des robots. "Cette maintenance reste très simple, explique Arnaud de la Fouchardière, dirigeant de Vitirover. À 90 %, elle consiste à la supervision à distance, pour débloquer un robot, nettoyer les dents, etc. Le reste du travail de berger nécessite de se déplacer. Mais la maintenance reste très simple et il n’y a pas d’urgence à la réaliser." C’est l’avantage du troupeau de robots. Si l’un d’entre eux tombe en panne, les autres peuvent chacun assurer une partie de sa tâche.
Le Vitirover amené à évoluer
Moyennant quelques aménagements (protection des fils d’amarrage, des complants, etc.), le robot de tonte peut travailler dans presque toutes les conditions. Même dans des parcelles caillouteuses, les plus gros blocs seront considérés comme des obstacles et donc contournés. Une version plus puissante est à l’étude pour pouvoir travailler dans des pentes jusqu’à 45 degrés (15-20 degrés aujourd’hui). Mais l’évolution majeure concerne la data. Le projet Vvinner, auquel Vitirover a participé, vient de s’achever et devrait se poursuivre par une offre commerciale envisagée pour 2021-2022. "Les robots vont devenir le complément au sol des drones en termes d’acquisition de données, explique Arnaud de la Fouchardière. Après avoir permis de se passer de glyphosate, ils permettront d’apporter des informations météorologiques et visuelles (caméra embarquée) pour avoir une connaissance très fine du développement des maladies. En permanence dans les vignes et en s’appuyant sur 4 à 5 années d’historique de la parcelle, on pourra traiter de manière plus préventive sur des plus petites surfaces, avec des produits plus doux et surtout à un stade plus précoce. Avec une réduction importante des phytos à la clé. " Vitirover envisage même de réaliser les micropulvérisations par des robots.